Chapitre 28

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- GLENN -

C'est sans surprise que je découvre en face de moi notre chère Mlle Jackson - qui est bien la dernière âme qui vive dans ce lycée - qui fonce vers nous en quelques pas, ses talons martelant le carrelage.
"Glenn Marchal ! rugit-elle. Explique moi immédiatement ce que ma meilleure élève fait dans cet état et pourquoi cet abruti de gamin est assommé à côté de vous !"
Je sens qu'Alix se raidit inconsciemment face à la sécheresse de notre professeur mais je crois qu'elle est trop exténuée pour s'extirper du soutien que lui apportent mes bras. Je fais donc discrètement - bon en fait pas tant que ça puisque je plaque mon doigt sur mes lèvres en un geste violent accompagné d'un regard courroucé - un signe à cette chère Jackson et me contente de désigner successivement l'abruti et la porte d'un signe de tête. Ses yeux suivent le mouvement et elle semble encore plus stupéfaite lorsqu'elle constate la présence de l'autre bâtard dans la classe.
" Les deux cons que vous pouvez voir ici ont tenté de la violer alors soyez utile pour une fois et appelez les flics."
Elle semble choquée par ce que je viens de lui révéler crûment et pendant un instant, elle ne bouge plus comme si elle se croyait dans un rêve sauf que non. Non, tout est réel.
"Eh oh ! Réagissez merde ! J'ai assez d'une personne en état de choc sur les bras !
- La ferme Gamin, lâche-t-elle en sortant brusquement de sa transe. Bon, je vais appeler la police et vous vous allez attendre bien sagement ici.
- Sincèrement, je doute que ce soit une bonne idée de laisser Alix avec ces deux enfoirés et je ne pense pas qu'elle soit en état de témoigner ce soir. Vous devriez la laisser en paix et la ramener chez elle.
- Et laisser un môme comme toi s'occuper de cette affaire ? Hors de question. Non, j'ai une meilleure idée. Tu vas appeler un taxi, la déposer chez elle et t'en aller.
- Je vous demande pardon ?! Est-ce que j'ai l'air d'être votre esclave ?
- Bon écoute, Glenn, soupire-t-elle en se frottant le front de sa main droite de telle sorte qu'elle semblait vouloir arrêter une migraine. J'ai d'autres soucis à régler là et je perds mon temps à discuter avec toi. Tu es visiblement inquiet pour ta camarade - et ne le nie pas, c'est écrit sur ta tête - donc soit gentil et ramène la. Tu la déposes, tu la laisse à ses parents et tu te tires. C'est tout. S'il-te-plaît."
Je regarde Alix en desserrant un peu mon étreinte et lorsque je vois son état - elle est presque prostrée en fait - je décide d'obéir à la prof. Après tout, c'est aussi de ma faute... Je me relève donc prestement, attrape nos sacs et je l'entraîne avec moi. Elle semble aussi dénuée d'âme qu'une poupée de chiffon.
Pendant que j'appelle un chauffeur, Alix reste complètement inanimée jusqu'à ce qu'un frisson la parcourt de part et d'autre. Et merde. J'avais oublié. Elle est à moitié nue.
Plus vif que l'éclair, je me débarrasse de mon sweat, la force à le mettre et remonte finalement le zip jusqu'à son menton tant il est grand pour elle. Et pendant un instant, rien ne me paraît plus fragile que cette fille aux allures d'enfant dans un sweat trop grand.
Un drôle de pincement me tiraille le coeur alors qu'Alix continue à me fixer de ses grands yeux gris et vides.
Alors je lui caresse doucement la tête, du bout des doigts, l'image de l'enfant apeurée toujours gravée sur ma rétine. Comme si un peu plus que ce simple geste allait la briser.

- ALIX -

Sale. Je suis sale.
Il a beau ne pas m'avoir touché plus bas que la ceinture, je me sens affreusement sale et usée.
Ma peau me lance à certains endroits.
Sale. Sale. Sale.
Je ne sais plus trop ce que je fais, je ne sais plus trop où je suis.
Ma logique semble être partie loin de moi.
Mes capacités d'analyse aussi.
J'ai l'impression d'être enfermée dans une gigantesque boule de coton sans aucun espoir de pouvoir en sortir. En beaucoup moins confortable cela dit car ma tête me lance affreusement.
Pourtant... Ai-je vraiment envie d'en sortir ? Je suis bien ici après tout... Comme si rien ne pouvait m'atteindre.
Et puis soudain, quelque chose paraît m'attirer vers l'état de conscience.
Une chaleur proche de moi s'éloigne soudainement et je crois que l'on me fait marcher.
Est-ce vraiment ça ? Je ne retrouve plus mes yeux pour le confirmer.
Un instant, ce qui s'apparente à de la panique essaye de percer ma boule de coton pour m'atteindre mais rien à faire ; elle ne m'atteint pas.
Je ne bouge plus. J'ai froid.
Je n'ai plus de t-shirt.
J'ai froid.
Je le hais ce type.
Sale.
Une chaleur m'entoure enfin. Quelque chose recouvre ma peau, je crois.
J'ai presque envie de l'arracher ; je sais que ça ne m'appartient pas ; une odeur masculine me parvient de ma source de chaleur. Je n'aime pas l'idée d'avoir quelque chose d'un étranger sur ma peau. Mais j'ai froid. Si froid.
Puis un truc touche ma tête et la tapote. Mon corps tressaille et avant que je ne comprenne réellement la situation je m'éloigne. J'ai peur.
Pourtant je crois que ce n'est pas un contact malintentionné...
J'arrive enfin à retrouver mes yeux, la panique m'ayant fait sortir de mon état de transe, et je peux apercevoir Glenn Marchal attraper doucement mon poignet, sans aucun geste brusque.
J'ai immédiatement envie de le retirer mais je crois que je n'en ai plus la force. Alors je me laisse guider par ce foutu type jusque dans une voiture dont la vue me provoque un coup de stress jusqu'à ce je j'aperçoive le mot "TAXI" sur son toit. Je me détends légèrement et le laisse m'asseoir.
La route défile lentement autour de nous et la voiture me berce peu à peu jusqu'à ce qu'enfin, je tombe dans un véritable état d'inconscience.

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant