Another breath...

Chapitre 22

- ALIX -

Lorsque je rentre chez moi vers 18h, j'ai la surprise de trouver une petite blonde assise sur mon perron. Étrangement, son visage ne m'est pas inconnu. Je m'approche en faisant un peu de bruit pour qu'elle puisse m'apercevoir. Elle relève la tête et me lance un grand sourire plein de dents avant de se lever et d'avancer vers moi. Elle est beaucoup plus petite que ce que je pensais. J'ai facilement cinq bons centimètres de plus qu'elle.
"Je m'appelle Judith, dit-elle en me tendant sa main lorsque je me trouve en face d'elle.
Je la lui sers alors et attends qu'elle continue.
- Ne sois pas méfiante, tu me connais. Ou du moins, je suis certaine que tu as entendu parler de moi. Je suis Jude, termine-t-elle avec un clin d'œil.
La lumière se fait dans mon esprit alors que je m'exclame :
- Ah oui ! Tu es la copine de Lila, pas vrai ? Effectivement, j'ai beaucoup entendu parler de toi depuis quelques semaines.
Elle me lance un autre grand sourire avant que ses lèvres se rabaissent et abordent une expression peinée.
- Oui, c'est ce que j'ai entendu dire. Il paraît que tu en prends plein la tronche maintenant pour avoir défendu Lila...
Ne souhaitant pas m'attarder sur le sujet et étant toutes deux mal à l'aise, je détourne la conversation sans aucune habileté.
- Et sinon, que viens-tu faire ici ?
Elle sourit face à ma pauvre tentative de dissiper cette atmosphère lourde et me répond d'un ton enjoué :
- Je suis ici pour t'aider ma p'tite. Je viens, à la demande de mademoiselle Lila Priguant, arranger ta coupe de cheveux.
Je la regarde, intriguée avant de lui demander :
- Arranger ma coupe de cheveux ?
- Yep. Ne t'en fais pas, je suis une magicienne des ciseaux. Je coupe les cheveux de ma petite soeur depuis au moins cinq ans.
Je la fixe quelques instants puis elle finit par grommeler :
- Bon, je l'avoue, c'était pas du tout une réussite les premières fois. Elle a même fini avec un côté du crâne rasé.
- Voilà qui me rassure vachement, dis-je en plaisantant.
Elle me tire la langue avant d'ajouter :
- Mais je t'assure que je m'en tire mieux maintenant. Tu vas voir, ça va aller."
Je lui lance un autre sourire puis j'ouvre la porte et la laisse entrer. Elle reste pendant quelques instants au salon le temps que je lui ramène une serviette puis elle me fait m'asseoir sur une chaise avant de positionner ma tête correctement.
Elle ouvre ensuite la petite mallette qu'elle trimbalait avec elle depuis le début et commence à me brosser les cheveux.
"Wouah, tu t'es pas ratée avec ces ciseaux, dit-elle en sortant les siens.
- J'ai pas vraiment réfléchi avant de le faire, je lui réponds d'un ton ironique.
- Mais enfin, tu aurais dû ! Tu as raté l'occasion de te faire un magnifique dégradé, continue-t-elle sur le même ton que moi.
- J'y penserais la prochaine fois, je réplique plus doucement."
Nous restons silencieuses pendant quelques instants durant lesquels seuls les schlacs des ciseaux résonnent.
"Alix, reprend Judith, soudainement. Il y a une chose que j'aimerais te dire. Est-ce que je peux ?
- Ben oui, si tu veux.
- Je sais que ça va te mettre mal à l'aise mais je tiens quand même à te le dire. Merci d'avoir protégé Lila. Je sais que tu l'as fait parce que c'est ton amie mais je tenais à te le dire.
- C'est rien, je dis, la gorge serrée. Je ne pouvais simplement pas m'empêcher de réagir. Je ne pouvais simplement pas laisser ma meilleure amie comme ça.
- C'est quand même très courageux d'avoir pris ça sur toi. Peu de personnes en auraient fait autant. Tu sais, ce n'est pas parce que tu es "ami" avec quelqu'un que cette personne se sacrifiera pour toi. Quand bien même ce serait ton meilleur ami, ajoute-t-elle, sombrement.
- Je sais. Mais je pouvais juste pas... Je pouvais pas l'abandonner. C'est tout."
Le silence se réinstalle quelques secondes avant que je lui demande :
"Et moi Judith, est-ce que je peux te poser une question ?
- Tu peux déjà commencer par m'appeler Jude si tu veux. Et oui, tu peux. Mais je te préviens, si jamais c'est pour me demander si des mecs m'ont déjà attirée ou si je suis sûre de bien être lesbienne, mes ciseaux risquent de déraper malencontreusement.
Je pouffe avant de reprendre :
- Et bien Jude, ce n'est rien de tout cela. En fait je suis juste curieuse. Puis-je savoir ce qui t'as attiré chez ma tagada d'amie ?
- T'y vas pas par quatre chemins toi. Ça me plaît, dit-elle en riant. Hmmm... Je ne sais pas vraiment en fait. Son look ? Sa gentillesse ? Son humour ? Son talent pour le piano ? Ses yeux ? Je dirais... Tout.
- Tout ? Même quand elle a décidé d'être chiante ou son côté moulin à parole ?
- Ah oui. C'est sûr que ça me pourri parfois un peu la vie, dit-elle en riant. Mais oui, j'aime aussi ce côté là de sa personnalité.
- Ça ne te gêne pas les regards des autres sur vous ?
- Honnêtement ? Si, bien sûr. Mais bon, au final, je crois que ça ne m'atteint pas plus que ça. Elle vaut largement la peine que j'ignore les gens qui nous jugent pour ne pas créer de conflits. C'est surtout pour Lila que je m'inquiète en fait. C'est souvent  elle qui est blessée et ça par contre, j'ai du mal à le supporter.
- Tu es plutôt impressionnante Jude.
- Non, ça n'a rien d'impressionnant. J'ai pas pu l'empêcher d'être blessée plusieurs fois.
- Oui mais je suis sûre que tu l'as protégée de nombreuses autres fois."
Alors que je prononce ces mots, la sonnette retentit. Judith s'empresse d'aller ouvrir pour que je n'ai pas à bouger. Néanmoins, je tourne la tête pour saluer le nouvel arrivant. J'ai juste le temps d'apercevoir une mèche de cheveux roses que Lila me regarde déjà sous toutes les coutures. Puis elle se tourne vers Judith et lève son pouce en l'air avant de lui dire "Good job". La petite blonde lui fait alors un grand sourire et enlève la serviette que j'ai autour du cou avant d'aller jeter dehors les mèches de cheveux qui la parsèment. Elles restent ensuite discuter avec moi jusqu'à ce que j'aille travailler vers 20h et pour la première fois depuis longtemps, je me sens presque apaisée lorsque je passe la porte du bar.