Chapitre 17

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- ALIX -

Le week-end a été court. Beaucoup trop court.
Entre mon petit boulot, mes devoirs et mon manque flagrant de sommeil dû à mon angoisse de retourner au lycée lundi, il est loin d'avoir été de tout repos.
Lorsque lundi arrive, je suis donc totalement crevée et démoralisée. Mon seul réconfort c'est de m'imaginer manger tranquillement ce midi à l'abri dans la salle d'art plastique. Parce qu'il est hors de question que je retourne dans le self et qu'il m'arrive un truc. Je suis sûre que tôt ou tard je me prendrais de la bouffe dans la tronche si j'y reste.
Et merde.
Voilà que je commence à devenir parano.
C'est pas bon ça.

S'il existait une échelle sur cinq montrant les signes qu'un humain est prêt à craquer lorsqu'il se fait harceler, je pense que la paranoïa serait le signe placé sur le deuxième barreau.
C'est pas bon du tout.

À faible allure, je me dirige vers mon casier que je n'ai vraiment aucune mais alors aucune envie d'ouvrir. Comme à chaque fois que je me retrouve dans cette situation depuis mercredi.
Les insultes n'ont pas disparues ; elles ont été légèrement effacées mais on en voit encore assez pour distinguer facilement les mots. Je ne doute pas que ces traces finiront remplacées par d'autres.
Je passe ma main sur les restes de feutre, comme si ça pouvait les effacer un peu plus mais bien sûr, il n'en est rien. J'ouvre donc la porte et ce que je trouve me statufie sur place. Une bile acide me remonte dans la gorge et je presse ma main de toute mes forces contre ma bouche pour l'empêcher de sortir. Près de moi résonne soudainement un hurlement strident. Puis un autre et encore un autre. S'en suivent des bruits de dégoût et d'affolement.
En effet, là devant mes yeux se trouvent un cerveau sanguinolent aux côtés d'une demi-tête de cochon.
Un instant je crois m'effondrer.
Je n'ai jamais eu peur du sang ou des cochons voir même s'ils sont en plusieurs morceaux. Mais là... Avoir cette image devant moi... Tout ce liquide rouge dégoûlinant sur mes affaires...
J'ai l'impression que je vais m'effondrer à tout instant.
Lentement, j'inspire et j'expire à travers ma main. Dieu merci, ils ont dû acheter ces choses ce matin ; il n'y a pas encore l'odeur insoutenable de chair morte en pleine putréfaction que l'on oublie si souvent de décrire dans les séries.
Derrière moi, un groupe de curieux s'est formé et les murmures emplissent peu à peu le couloir.
"Oh mon dieu vous croyez qu'elle l'a tué ?" "Ce serait bien le genre d'un boursier ; ils sont nombreux à habiter dans une ferme crasseuse. Je suis sûre qu'elle sait comment tuer ces bestioles." "Regardez l'expression de ce pauvre animal, on dirait qu'il a souffert le martyr avant de rendre l'âme. Pauvre bête." "Mais quel monstre cette fille." "C'est sûr, c'est une psychopathe."
Je sais parfaitement qu'aucun d'entre eux n'ignore qu'en fait c'est la bande de Marchal qui a fait ça. Ainsi comme si cette tête et son contenu ne suffisaient pas, mes camarades ont décidé d'en rajouter une couche. Très bien. Je peux désormais annoncer avec certitude au monde entier que les trois quarts de sa population sont des gens complètement tordus, méprisants et que je refuse de les comparer à des hommes.
Je referme doucement la porte de mon casier et tout en ignorant les murmures, je me mets en quête d'un agent d'entretien en espérant qu'il m'aide à nettoyer ce foutoir.

- GLENN -

D'après ce que j'ai entendu ce matin, il paraît que ma petite Alix a encore morflé.
Une tête de cochon, hein ? Comme quoi ils peuvent trouver des idées un peu originales ; je reconnais que celle-là, personne ne l'avait jamais faite.
Je ne la vois débarquer qu'une quinzaine de minutes après la sonnerie. Elle semble mi-énervée mi-amorphe. Durant tout le cours, elle se contente de garder ses yeux rivés sur son cahier - Est-ce que ce sont bien des taches de sang que je vois sur ce dernier ? - ou sur le tableau mais elle ne semble en aucun cas prêter attention aux chuchotements qui l'entourent. Mais elle a beau faire semblant d'ignorer tout ce qui se dit sur elle depuis ce matin, je peux constater à sa mâchoire et ses poings serrés qu'elle meurt d'envie de leur en coller une à tous ou de se barrer de ce cours que personne n'écoute.

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant