Chapitre 13

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- ALIX -

Lorsque mon réveil sonne, j'ai énormément de mal à me convaincre de sortir du lit. Mon corps est complètement endolori et chaque fibre qui le compose semble hurler à la mort.
J'y arrive néanmoins, au bout de quelques minutes, grâce à de grands efforts d'auto-persuasion.
Ça ne peut pas être pire qu'hier.
Je fais tourner plusieurs fois cette petite phrase dans ma tête pour essayer de m'en convaincre.
Il faut croire que je ne suis malheureusement pas une très bonne menteuse. Surtout quand j'essaye de me mentir à moi-même.

Bien sûr que ça peut être pire qu'hier.

Je ne connais pas Marchal personnellement mais vu ce qu'il a fait à Lila, je sais qu'il est capable de pire. Bien pire.
Et penser à elle ne m'aide pas à me sentir mieux.
Non. Ne commence pas à déprimer. Tu es forte. Tu peux tenir face à tout ça. Ce n'est qu'une affaire de mois avant que le lycée ne se termine.
À qui est-ce que j'espère faire croire ça ?
Pour me ressaisir face au miroir de la salle de bain, je claque mes joues avec mes paumes. Une manie de ma mère qui faisait ça pour se remotiver.
Confiance. Tu vas survivre.

Lorsque je sors de la maison, j'ai retrouvé un semblant de confiance en moi et je marche d'un pas presque déterminé vers mon arrêt de bus. Je prends alors celui-ci quand il arrive et j'avance, la tête haute, jusqu'à une place près de la fenêtre en ignorant quelques regards pesants de lycéens.
Lorsque Lila rentre à son tour, j'ai le réflexe de m'apprêter à lui dire bonjour joyeusement et puis en un quart de secondes, je me souviens de ce qu'il s'est passé hier et je me tourne vers la fenêtre.
Je sens son regard sur moi pendant qu'elle passe mais je ne détourne pas mes yeux du paysage à travers la vitre.

Quand j'arrive au lycée, une grande partie de la confiance que j'avais durement acquise s'est faite la malle.
C'est donc très hésitante que je passe les portes.
Un mètre, deux, trois, quatre, cinq. Rien ne m'arrive. On ne me cogne pas. On ne m'insulte pas. Les gens se contentent de chuchoter furieusement et de rire sur mon passage.
Je ne sais pas pourquoi.
J'ai un truc sur mes vêtements ? Non d'après ce que je peux voir.
Je presse alors le pas pour échapper à toutes ces moqueries et je me dépêche d'arriver à mon casier.
Et là, je comprends.
"CRÈVE !" "Pétasse" "SALOPE" "SALE GOUINE" "Pauvre merde" "Tu devrais juste mourir." "Va te pendre." "SALE GARCE"
Tels sont les mots écrits au feutre noir sur mon casier. Doucement, je lève la main et je frotte un peu les écritures. Feutre indélébile. Évidemment.
Étrangement ça ne me touche pas plus que ça. Oh, bien sûr, ce déferlement de haine me fait mal. Mais ce n'est pas pire que la douleur que j'ai ressenti hier qui était aussi bien physique que morale. Il y a une semaine, j'aurais peut-être vomi la boule d'angoisse que j'ai dans la gorge actuellement. Aujourd'hui, je me contente de la ravaler et de simplement garder un nœud dans l'estomac.
J'ouvre alors mon casier pour y prendre mes affaires de sport et ce que je découvre me laisse sans voix. Mes livres. Mes cahiers. Déchiquetés ou tagués avec ce même marqueur noir.
Je constate qu'à première vue, ce sont les mêmes mots que sur la porte. Mes affaires de sport quant à elles ont été mises en pièces. Là, les larmes commencent à affluer. Ainsi que la colère d'ailleurs.
Je vais devoir repayer et rattraper tout ça toute seule. Putain. Qu'ils taguent mon casier c'est une chose mais qu'ils pourrissent mes chances d'avoir mon bac ou d'intégrer une bonne université s'en est une autre.
Je claque violemment la porte du casier et c'est là que j'entends une voix. Sa voix.
"Alors ma petite Alix, tu tiens toujours le coup ?"

- GLENN -

Elle se retourne lentement. Très lentement. Puis elle me foudroie de ses yeux qui sont maintenant aussi agités qu'une tempête. Je vois son corps se tendre, comme si elle se retenait de m'en coller une. En fait c'est sûrement ce qu'elle est en train de faire. Et heureusement pour elle ; ça ne ferait qu'empirer la situation.
Faut dire que mes "amis" ne l'ont pas loupé. Lui taguer son casier comme ça n'était pas une mauvaise idée mais elle est loin d'être originale. Lui détruire ses cahiers l'est un peu plus mais pas de beaucoup. Ils ont aussi des progrès à faire au niveau de leurs insultes. Elles sont d'un commun...
" Pourquoi je ne tiendrais pas ? lance-t-elle soudainement, la mâchoire crispée.
- Je ne sais pas... Peut-être parce que tu commences déjà à t'énerver ? je rétorque en faisant semblant de réfléchir un instant.
- N'importe qui le serait dans cette situation. Tes potes et toi venaient de détruire mes affaires.
- C'est pas faux. Tu veux mes cours peut-être ? dis-je d'un ton ironique.
- Non merci. Vu ton inattention en classe, tes cahiers doivent être remplis de conneries.
Je hausse les sourcils.
- Ce n'est pas parce que je n'écoute pas que j'écris des choses fausses.
- J'y crois pas, je viens de blesser son pauvre petit égo de gosse pourri gâté, marmonne-t-elle.
- Je t'entends Garcia.
- Oserais-tu affirmer que j'ai tort ? chuchote-t-elle, plus pour elle que pour moi.
Je me contente de lui sourire.
- Enfin... Tu l'as mérité alors ne viens pas te plaindre.
Ses poings se serrent. Son visage est impassible. Et puis, elle laisse tomber, d'un ton comportant une colère à peine voilée :
- Donc, si je résume bien, parce que je t'ai renversé une assiette sur la tête pour me défouler après que tu aies fais du mal - et encore, dis comme ça, on est loin de la réalité - à Lila, je MÉRITE de me prendre une raclée, de perdre ma meilleure amie et de me voir rajouter une quantité considérable de travail en plus d'une perte de temps impressionnante ainsi que d'une chance de ne pas avoir mon bac ou mon choix d'après bac à cause de la chute de mes notes ?
Dis comme ça, c'est vrai que même moi je trouve que c'est excessif.
Mais ça ne m'empêche pourtant pas de rétorquer, pour le public qui nous entoure :
- Bien sûr. On appelle ça le karma, chaton. T'as fait une énorme connerie en t'opposant à moi. Tu récoltes ce que tu sèmes, tout simplement.
Elle me regarde d'une façon totalement incrédule, comme si elle ne pouvait tout simplement pas admettre que je puisse lui répondre de cette façon. Puis elle sourit. Pas d'un sourire habituel, que n'importe qui pourrait faire parce qu'il est heureux. Non. Ce sourire là, c'est plus comme si elle avait mordu dans un citron à pleine dent alors qu'elle était en train de sourire gentiment. Drôle d'expression faciale.
- Qu'est-ce que t'as à faire cette tronche, Garcia ?
- Oh rien, je constate juste à quel point l'humanité peut disparaître chez quelqu'un. Force est de constater que tu atteins des records.
- Et ?
Elle m'observe, apparemment déconcertée de voir que ça ne me fait rien. Après tout, pourquoi ça m'atteindrait ?
- Rien. Tu parlais de karma tout de suite, non ? dit-elle en commençant à s'éloigner.
- Oui et alors ?
- Tu devrais te méfier du tien. Pas sûr qu'avec toutes les saloperies que tu fais il tienne encore longtemps avant que ta "chance" ne tourne."
Je la regarde partir rapidement avant que je ne lui lance une autre pique.
Dommage chaton. Je ne crois pas au karma. J'aime juste l'utiliser.

- ALIX -

J'y crois pas. Comment est-ce que quelqu'un peut grandir en ayant parfaitement conscience qu'il n'a aucune part d'humanité ni aucune compassion pour un de ses semblables ? C'est impossible. Impensable. Qu'est-ce qui a bien pu arriver à ce mec pour qu'il tourne comme ça ?

À reculon, je me rends au cours de sport. Le prof est assez sévère - une fois il a fait voler le portable d'une fille à travers la pièce parce qu'il sonnait - alors j'appréhende de lui dire que je n'ai malheureusement pas mes affaires.
Et ça ne loupe pas. Quand je lui ai annoncé mon problème, il s'est contenté de me regarder de bas en haut et de me lancer un cinglant :
"Et il ne vous serez pas venu à l'idée d'enlever vos chaussures et de jouer au volley-ball en jean, tout simplement ?
- Euh, non monsieur. Vous dites toujours que vous tenez à ce qu'on vienne en sport avec nos affaires comme pour n'importe quel autre cours alors...
- Et bien maintenant que je vous ai soufflé l'idée, qu'attendez vous pour aller vous changer ?
- Bien monsieur."
Je me dirige alors vers les vestiaires et quand j'y entre, je constate que de nombreuses filles me regardent, un sourire carnassier scotché aux lèvres.
J'avale difficilement ma salive.
Je le sens pas ce cours de sport.

N.d.a : Je suis... Encore en retard. -w-" Je pensais vraiment arriver à le poster plus tôt celui-là... Bref. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et à la prochaine.
Latte

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant