Chapitre 30

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- ALIX -

Je me lève finalement et je vais à la salle de bain.
Le miroir me renvoie l'image d'une fille pâle au regard hagard et qui semble sur le point de vomir. La morsure présente sur la jonction épaule-cou du reflet me fait un instant penser que je vais céder à cette pulsion. La marque autour de ma gorge est foncée mais un foulard saura cacher ça. Ma joue ne me brûle plus et même si elle paraît un peu plus rouge qu'elle ne l'est normalement, je pense que la dite rougeur aura disparu demain... Enfin j'espère.
J'enlève le sweat que je porte alors qu'il est bien trop grand pour moi et je me fixe quelques instants.
Mon t-shirt ouvert en deux révèle deux bleus qui commencent à se former au niveau de mes côtes. Quelques traces de griffures barrent ma poitrine aussi.
Hideuse. Lacérée.
J'ai honte de me présenter comme ça à mon propre regard. Et pourtant, rien ne m'est arrivé. Enfin rien c'est vite dit mais disons que ça aurait pu être pire.
Mon souffle s'accélère à cette idée tandis que mes yeux quittent la triste image que j'offre et que je me retourne pour éviter de voir un peu plus ces horreurs. Je n'ose même pas imaginer l'état de mon dos.
Je continue alors à me déshabiller puis je rentre dans la douche et je l'actionne. De l'eau brûlante en sort, crachée en de long jets, et frappe ma peau. Et pendant qu'elle glisse le long de mon corps, je la sens passer sur chacune de mes ecchymoses. Comme si elle allait les effacer. Comme si elle pouvait les décontaminer. Sauf qu'elle ne le peut pas. Seul le temps le pourra j'imagine.
Avant que je ne m'en rende compte, des larmes ont commencé à s'échapper de mes yeux et à se mélanger avec l'eau de la douche. Ma respiration s'accélère de nouveau et j'attrape un gel douche et un gant de toilette pour frotter mon corps.
Effacer. Effacer. Effacer.
Je frotte, je décrasse, j'essaye d'annihiler chaque traces qu'il a apposé dessus.
J'ai beau savoir que ça ne marchera pas, je ne peux pas m'empêcher de passer et repasser le gant sur les endroits que ce porc a touché.
Ma peau rougit et me brûle mais peu m'importe.
Je nettoie ensuite mes cheveux avec la même frénésie et finit par sortir de la douche. Même si les marques de son passage sont toujours là, mon "décapage" me donne au moins la sensation d'être à peu près propre.
Je passe lentement mon pyjama pour éviter qu'il n'effleure trop ma peau presque à vif puis je ramasse les vêtements qui traînent sur le sol et les mets dans le bac à linge sale. Cependant, mon geste se suspend au moment d'y déposer le sweat. Il n'est pas à moi. C'est le sien. Cet abruti l'a oublié.
Je n'ai pas envie d'avoir encore affaire à lui. Et ce foutu vêtement va m'obliger à le faire. Merde. En plus je ne peux pas lui rendre alors qu'il est plein de sueur. Ce serait contre mes principes et ce serait franchement dégueu. Ça me fais chier ; je vais devoir lui laver.
Je le fourre donc dans la machine à laver et place les autres vêtements foncés avec puis je la lance et je vais me coucher.

J'ai mal dormi. Du genre très mal dormi.
En même temps c'était prévisible.
Toute la nuit, des images de ce garçon au-dessus de moi tournaient dans ma tête sans que je puisse les arrêter. Je revoyais les coups, je sentais de nouveau la douleur, j'avais peur.
Je me suis donc réveillée toutes les heures, le dos trempé de sueur et les joues de larmes. Et puis, vers 4h du matin, je me suis endormie d'un sommeil sans rêve. Une vraie délivrance.

Lorsque le réveil a sonné à 9h, j'ai eu énormément de mal à émerger. En temps normal, je me lève tôt le samedi matin pour pouvoir peindre jusqu'à ce que mon père se réveille mais là... Il m'a fallu me traîner hors de mon lit avec toute la volonté du monde.
À pas lents et maladroits, je me dirige vers le rocking chair et attrape le vieux jean troué, délavé et taché dont je me sers pour peindre puis après l'avoir enfilé, je passe mon vieux t-shirt Totoro (fichu à cause d'une impressionnante tache de faux sang - suite à un petit accident que j'ai eu avec Lila pour un costume d'Halloween - mais très pratique pour peindre).
Et alors que j'allais prendre mes pinceaux, une sonnerie -que je reconnais comme appartenant à mon téléphone -  retentit à travers la pièce et me fait sursauter.
J'attrape donc mon portable et l'ouvre précautionneusement. Un numéro inconnu s'affiche à l'écran. Peut-être un petit grand-père qui s'est trompé de numéro...
Anxieusement, je décroche et lâche un faible :
"Allô ?
- Alix Garcia ?
- Elle-même.
- Bonjour Mademoiselle, je suis l'agent Vescaut et je vous appelle du commissariat. Auriez-vous l'amabilité de vous y rendre s'il-vous-plaît ?
Je déglutis bruyamment avant d'oser demander d'une petite voix :
- Pourquoi ?
- Vous avez une plainte à déposer."

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant