Chapitre 20

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- ALIX -

Lorsque Lila et moi retournons au lycée le lendemain, nous avons préparé un plan d'attaque.
Lila est d'accord pour ne pas intervenir - après moult pression de ma part - afin que mes efforts ne servent pas à rien et probablement pour protéger Judith qui pourrait aussi être éclaboussée par les problèmes qu'elle pourrait avoir si elle me défendait. Cependant, bien qu'elle accepte de faire semblant de me faire la tronche au lycée, elle avait aussi ajouté des conditions :
"Je tiens absolument à te voir ou à te parler TOUS les soirs.
- Pourquoi ça ?
- Pour m'assurer que tu vas bien et que tu tiens le coup et te montrer que tu n'es pas seule Lili."
Elle m'a aussi demandé de regarder tout un tas de vidéos d'auto-défense pour que je puisse intervenir si jamais je me refais passer à tabac ou du moins occuper assez longtemps mes agresseurs pour qu'elle puisse appeler quelqu'un. Car oui, même si elle a accepté mon marché, elle m'a clairement avoué qu'elle me surveillerait toujours du coin de l'œil. Et bien que la situation m'a d'abord parue incongrue, je lui en suis tout de même reconnaissante ; c'est toujours bien d'avoir quelqu'un qui peut nous aider en cas de pépins. Ça fait du bien de ne plus lutter seule.

- GLENN -

Je ne revois Alix que le lendemain matin, en sport, alors qu'elle est tranquillement assise sur le banc de touche. Et comme j'ai envie de l'embêter un peu, je commence à m'approcher d'elle. Seulement, un coup de sifflet retentit. Je rejoins donc les autres à petites foulées pour commencer l'exercice.
Dire que sa présence manque pour provoquer de l'amusement sur le terrain est un euphémisme par rapport à ce que la situation est réellement. Il faut dire que ne pas avoir de cible vivante sur le terrain réduit considérablement mes possibilités de divertissement.
Inlassablement donc, je tape dans le ballon et smashe. Inlassablement, je marque des points. Inlassablement, je gagne.
J'ai l'impression d'être vide. Depuis combien de temps dure ce cours ?...

Je ne la ré-approche pas durant toute la matinée. Elle semble m'éviter volontairement et mes clébards ne veulent pas me laisser en paix. Et "Glenn tu es trop fort." et "Glenn apprends moi à jouer comme toi." et puis et puis et puis. Ça ne s'arrête pas. Un bourdonnement se loge dans mes oreilles, ma tête se vide au bout du 23ème compliment et je ne me contente plus que d'afficher un sourire de façade.
Nocifs. Ces humains sont nocifs pour mes oreilles et mon cerveau. J'ai besoin d'une distraction.
Je ne l'obtiens malheureusement pas.

Lorsque jeudi arrive le surlendemain, je suis presque soulagé de la trouver dans la salle d'art le midi. Enfin, je vais pouvoir m'amuser un peu. Cette fois-ci, je vais me foutre ouvertement de sa gueule et la faire chier. Pas question, aujourd'hui, d'admirer son foutu tableau.
J'entre dans la salle d'art plastique et la retrouve dans la même position que lundi, ses écouteurs semblant greffés sur ses oreilles et ses longs cheveux relevés en chignon. À la différence près qu'une longue griffure barre son bras gauche de façon horizontale. Une fille a dû lui rentrer dedans avec un sac équipé de métal au niveau des angles. Ah si. Deuxième différence ; elle porte, contrairement à lundi ou à ce matin, une sorte de salopette blanche toute tachée de peinture et un t-shirt noir tout ce qu'il y a de plus basique. Probablement sa tenue de peinture qu'elle n'avait pas eu le temps d'endosser l'autre fois.
Elle semble continuer son tableau impressionniste.
Sans faire de bruit, je m'approche doucement d'elle et, après qu'elle eut reposé son pinceau, je lui arrache un de ses écouteurs d'un geste vif et lui chuchote un "bou !" dans l'oreille. Sa réaction ne se fait pas attendre.
Son tabouret me heurte et elle manque de se fracasser par terre avant de se lever rapidement et de s'éloigner le plus possible de moi, une main recouvrant son oreille. Elle me regarde ensuite les yeux grands ouverts et semble vouloir me hurler "Mais qu'est-ce que tu fais là espèce de sale rat d'égoût ?!". Un sourire mesquin étire peu à peu mes lèvres.
Puis, comme si ma " surprise" ne l'avait jamais ébranlée, elle reprend son calme et me regarde pendant quelques secondes avant de finalement me demander, d'une voix glaciale :
" Qu'est-ce que tu fiches ici Marchal ?
- Je suis venu t'emmerder. Comme d'habitude ma petite Alix.
- Dégage. S'il-te-plaît, ajoute-t-elle à contre coeur - et je peux voir à quel point ces mots lui arrache la gueule - comme pour me montrer qu'elle a bien retenu l'avertissement que j'ai eu l'extrême bonté de lui donner à l'hôpital.
Je souris plus franchement avant d'ajouter, d'une voix mielleuse :
- Allons Chaton. On dirait presque que tu me détestes et que tu vas me mordre.
- Oh mais je ne te déteste pas, rétorque-t-elle d'une voix maintenant polaire. Je te hais. Ce n'est pas la même chose, Glenn."
Boum boum.
Mon coeur a un sursaut. C'est bien la première fois qu'on m'annonce d'une voix aussi calme qu'on me hait.
Oh bien sûr, on m'a déjà dit qu'on me détestait ou haïssait. Mais toutes ces déclarations se faisaient avec une voix colérique. Alors qu'ici, sa haine me contamine petit à petit, comme si c'était un poison.
Ses yeux paraissent remplis de mercure en fusion alors qu'elle me dévisage avec une haine évidente.
Bizarrement, ça me fait plus sourire qu'autre chose.
"Je ne le répéterai pas deux fois, Marchal. Sors d'ici."
Je reviens enfin à la conversation.
"Je n'ai pas envie de sortir. Et ce n'est pas à toi de me dire quoi faire Garcia. Mais je t'en prie, continue donc à peindre.
- Hors de question que je le fasse à côté de toi. Maintenant va-t'en."
Mais au lieu de l'écouter, je prends un tabouret et je m'asseois juste à côté de son chevalet. Je la regarde avec un sourire amusé et l'air de dire que, non, je ne bougerai pas d'un pouce.
Elle finit par soupirer bruyamment et retourne s'asseoir. Néanmoins, elle déplace son tabouret de sorte à ce qu'elle se retrouve dos à moi. Elle remet ensuite ses écouteurs et m'ignore totalement. Je lui laisse quelques minutes de répit puis je lui enlève de nouveau ces derniers. Elle me jette alors un regard noir et les range dans la poche centrale de sa salopette.
Agacé d'être privé d'un nouveau jeu, je commence à chercher quelque chose d'autre pour me distraire.
J'avise alors les quelques pots de peinture qui traîne dans le coin. Une idée traverse mon esprit et un sourire diabolique s'étire sur mon visage. Tout doucement, je trempe ma main dans un pot de bleu et m'approche petit à petit de son visage pour lui faire une grosse trace sur sa sale gueule. Peut-être sera-t-elle plus jolie avec un peu de bleu... Histoire de cacher ses traits disgracieux.
Seulement, alors que je n'étais qu'à quelques millimètres de son visage, un pinceau bloque ma main en se positionnant entre deux de mes doigts et en me repoussant comme si je n'étais qu'un insecte agaçant. Et tout ça, sans qu'elle ne détourne les yeux de sa toile. Pour un peu, ç'aurait été presque classe...
Je ricane et cette fois-ci, au lieu de viser sa tête, je plaque ma main dans son cou. Je l'entends glapir et la sens frissonner avant qu'elle ne se lève une nouvelle fois et qu'elle me jette un regard acéré. Je souris de toutes mes dents avant d'éclater de rire. Sa tête en colère est vraiment trop amusante. Puis, elle siffle plus qu'elle ne dit :
"Dégage Marchal.
- Allons allons Chaton. Ce n'est pas si grave ; le bleu ciel est une couleur qui te va si bien au teint, je continue en riant.
- Sors d'ici enfoiré ! Tu m'empêche de bosser et ta présence me donne envie de gerber.
- Ouch. Ça me blesse que tu penses ça ma petite Alix, je réplique avec un sourire moqueur.
- Si tu savais comme je me fiche de tes putain d'états d'âmes Glenn.
- Oh... Ça me rend tellement triste ce que tu dis.
Tout son corps est crispé et à chaque instant, on dirait qu'elle va exploser. D'ailleurs, c'est ce qui semble arriver lorsqu'elle ajoute, les dents serrées :
- Va... te faire... voir.
- Si tu m'offres ton corps pour aller avec, j'en serais absolument ravi Chaton.
- Je retire ce que j'ai dit. Va crever. Ça me fera des vacances et je ne serais plus obligée de supporter de voir ta sale gueule tous les jours."
J'explose une nouvelle fois de rire avant de me lever après avoir jeté un coup d'œil à ma montre. Il est temps d'aller en cours. Je sors ensuite de la salle et lui jette un dernier coup d'œil avant de partir, le sourire aux lèvres.

Another breath...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant