La cinquième lettre : Constatation

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Chère Jersey,

Tu ne pas savoir à quel point j'en ai marre de jouer ce rôle. J'en ai ma claque de sourire aux caméras, de faire semblant d'aimer cette femme qui est ma petite amie et de faire croire que je suis l'un des hommes les plus heureux du monde. Il ne manquerait plus qu'Harika soit enceinte et que je la demande en mariage pour combler le tableau du couple parfait et de la vie parfaite, elle aussi. Mais rien n'est parfait, rien ne l'a jamais été en dehors toi.

J'ai l'impression de faillir, de tomber, de chuter, de m'écrouler, de plonger, de couler, de me noyer. Je ne sais pas si tu vois vraiment ce dont je veux te parler, mais j'ai presque l'impression d'enfiler un masque qui n'est pas le mien. Et c'est ainsi que je comprends tout ce que tu as enduré dans ta vie, parce que de ta naissance jusqu'à la fin de tes jours –ou presque- tu as du enfiler un masque. J'ai l'impression d'être un acteur mal en point et détruit qui doit jouer un rôle joyeux et de personne heureux. C'est fou comme j'ai l'impression d'être le plus grand des hypocrites envers moi-même.

Mais merde aussi Jersey ! Ta mort n'était pas censée m'atteindre autant, m'empoigner autant l'estomac que je n'ai parfois même plus envie d'avaler quoique se soit. Normalement, ta mort aurait du m'attrister un peu mais n'aurait jamais du me rendre aussi mal. Mais je ne sais pas, je n'y arrive pas. Je croyais avoir tourné la page sur toi mais en réalité, je ne suis même pas sûre d'avoir essayé de prendre cette page du bout de mes doigts pour la tourner, d'essayer de l'effleurer. Je ne suis même pas sûr d'avoir su faire quoique se soit pour passer à autre chose. Je crois que jamais je n'y arriverais et comme la douleur, elle ne se dissipe pas, on s'y habitue simplement, je vais devoir attendre comme un con que je m'habitue à la douleur que je ressens vers toi, envers ta mort.

Jersey, tu me manques atrocement. Je t'écris ses lignes sur le balcon de l'hôtel luxueux dans lequel je me trouve. Encore un de ces hôtels avec une magnifique vue sur la ville ou sur la mer. Encore un de ses hôtels où juste la nuit te coupe un putain de bras. Encore un de ses hôtels où la journée te coupe la peau du cul. Encore un de ses hôtels où tu te serais sentie mal à l'aise alors je vis presque que dans les hôtels de ce genre.

Tu détestais cette partie du métier, parce que tu détestais les hôtels qui coûtent tellement chers juste pour une journée ou pour une nuit. Je n'ai jamais vraiment su pourquoi, mais j'ai toujours eu une hypothèse. Tu n'étais pas dans ton milieu, c'était celle-là mon hypothèse et franchement, je ne saurais jamais rien de ce qui ne te convenait pas dans ce genre de lieu. Tu étais la seule de mes petites amies à ne pas importer d'importance dans le nombre d'étoiles que pouvaient bien avoir un hôtel, même plus il y en avait, moins ça t'allait.

Ta mort n'est pas censée me faire autan d'effet. Je suis sûrement censé pleurer, verser quelques larmes en ta mémoire et sourire, passer à autre chose et voilà ton deuil est fait, aussitôt dit, aussitôt fait. Mais ce n'est pas comme ça que se déroule la réalité, ce n'est pas comme ça que cela se passe ici. Je n'ai même pas versé une seule larme, simplement parce que c'est tellement douloureux que je n'arrive même pas à pleurer. C'est tellement douloureux que les lacrymales ne viennent pas. Elles n'arrivent pas à venir et comme maintenant, elles restent cloîtrées dans le coin de mes yeux mais ne coulent pas sur mes joues et c'est affreux comme sensation, surtout que je n'essaye même pas de les retenir. Je n'arrive même plus à en pleurer, Jersey, j'ai l'impression d'être tomber tellement bas.

Puis normalement, je ne devrais pas en faire tout un plat comme ça. J'aurais du perdre l'appétit qu'un ou deux jours mais là, je n'ai toujours pas repris mon appétit de géant. Je mange autant qu'Harry en pleine période de régime féminin à la con. J'ai presque perdu totalement l'appétit et ce n'est pas normal. Mes sentiments ne sont pas censés être tellement fort que je perds mon amour et ma passion pour tout ce qui tourne de près ou de loin à la bouffe. J'avais constamment la dalle auparavant et maintenant, je n'ai presque plus la faim.

Jersey, j'en perds aussi le sommeil. Je passe mes nuits à tourner dans mon lit, encore et encore. Parfois je pense à la mort et je réfléchis en ayant presque l'impression d'être un putain de philosophe. Je réfléchis à ta mort, à toi, à ce que j'étais à tes yeux, à ce que tu étais à mes yeux, à mes sentiments, à la peur, à la célébrité, à la notoriété, à Harika, aux garçons, à la chanson, à l'écriture, aux mots, à la mort en général, à ta mort plus spécialement. J'en deviens presque fou et parfois, je réfléchis tellement que j'en ai mal au crâne. Tu dois sûrement comprendre ce que je dis ; tellement penser et tellement réfléchir qu'on en finit par un mal de crâne horrible et qui paraît insurmontable.

Jersey, j'en perds ma joie de vivre. Tu me disais souvent que j'étais ton « rayon de soleil », ta « bouffée d'oxygène », ton « étoile dans un ciel si sombre », ton « soleil dans une journée de tempête ». Tu me disais souvent ses mots parce que j'étais constamment en train de sourire, de rire, de raconter des blagues et de faire le con ; ce que j'arrive le mieux à faire. Je te faisais simplement sourire ou rire jusqu'à en avoir mal au ventre et les larmes aux yeux.

J'y arrivais alors que tu m'avais très clairement stipulé, dès le début de notre relation que ce serait l'une des choses auxquels j'aurais le plus dur parce que personne n'a jamais vraiment réussit à te faire avoir un fou rire. Et pourtant, j'ai réussis assez facilement, sans me vanter. J'étais une boule de joie de vivre à tes yeux, Jersey, et maintenant je suis devenu terne et sans éclat. J'aurais perdu de toute ma splendeur à tes yeux. Sauf que si tu étais encore là, je serais encore rayonnant, c'est ton absence qui me rend ainsi.

Puis, je suis constamment ailleurs. Je ne suis presque plus la vie du groupe. Je reste coincé dans mon coin, dans mon petit cocon, dans ma petite bulle. Ta mort me fait tellement réfléchir et prendre conscience des choses, que j'en réfléchis jusqu'à me retrouver avec un mal de tête ou carrément une migraine lorsque je n'ai vraiment pas de chance. Je m'enfuis en moi-même et je parle avec moi, je discute et je débats même de ce qui est le meilleur ou le pire dans tel ou tel cas.

Cela ne m'était jamais arrivé de parler avec moi-même de différent sujet et de me remettre presque totalement en question. Cela ne m'était jamais arrivé parce qu'auparavant, avant que tu ne quittes ce monde ou même encore avant que tu n'entres dans ma vie, j'agissais et je ne me posais pas de questions. Je n'étais pas comme ça avant que tu ne débarques et que tu chamboules tout et avant que tu ne partes pour le ciel et que tu chamboules tout encore une fois.

Jersey, tu as toujours tout chamboulé sur ton passage. Tu arrivais quelque part et tout changeait et prenait une toute autre tournure, d'un seul coup. Tu allais à un endroit et même si tu refusais d'y croire et que tu ne le voyais, mais tous les regards se retournaient sur toi d'une façon ou d'une autre et même bien avant que des rumeurs, des photos prises par des paparazzis ou des passants ou encore qu'on officialise notre relation.

Tu attirais déjà l'œil de n'importe qui, avec tes cheveux bruns soyeux, tes prunelles d'un chocolat envoûtant et tes lèvres fines et pulpeuses. Tu savais attirer tous les regards, sans même rien faire et franchement, je n'ai jamais réussit cela de toute ma vie, je crois bien. Tu illuminais la journée d'autrui rien que de ta présence alors qu'ils bouffaient la tienne. Tu étais ainsi, le monde entier te détruisait mais tu le sauvais en retour, telle l'âme charitable que tu étais.

-Niall

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Musique ; Break Free - Ruby Rose


Dear Jersey//n.hOù les histoires vivent. Découvrez maintenant