La treizième lettre : Séparation

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Chère Jersey,

Je crois que je commence à me faire à ton absence, doucement et sûrement parce que tu dois sûrement être toujours au courant qu'il ne vaut mieux pas me brusquer. Je fais toujours les choses comme bon me semble, lentement et avec précaution. J'ai souvent été brusque dans ma vie et j'avais remarqué que c'était ainsi que les choses se cassaient. Enfin, si ça se trouve, ce n'était que ces fois-là, je n'en sais rien mais en tout cas, maintenant j'essaye de ne jamais précipiter les choses. Je fais tout ce que je peux à mon aise, se demander de l'aide à personne parce que, soyons franche, on n'est jamais mieux servit que par soi-même.

Jersey, je commence à aller mieux, tu te rends compte ? Je vais arrêter de constamment me morfondre sur son triste sort. Je vais arrêter de constamment écrire que « Tu es morte » en manquant de ne pas le faire tellement que c'est dur. Je vais arrêter de constamment te faire chier en disant que ce n'est pas normal que je sois ainsi après ta mort. Je vais arrêter de te spasmer sur mes états d'âmes complètement fondées et infondées aussi. Je vais arrêter de te faire chier. Je commence à savoir faire ton deuil.

C'est vrai, en soit le deuil, c'est quoi ? C'est sûrement quand on arrive à réaliser que la personne qu'on aimait n'est plus de ce monde, c'est sûrement quand on réalise qu'on ne l'a verra plus jamais ; c'est quand on se fait à sa mort, à son absence. Le deuil ce n'est pas quand la douleur causé par le défunt n'est plus là, parce que c'est techniquement impossible. Une douleur ne peut jamais disparaître, on peut juste vivre avec et c'est ça le deuil, c'est quand on réussit à vivre à cette douleur tout en réalisant que la personne décédée est belle et bien morte.

Jersey, je retrouve carrément mon appétit. Il faut dire que l'esprit et le soutient de ma famille m'aide beaucoup. Ils se font mieux à ton décès que moi et je crois vraiment que ça m'aide, que ça me change de ma solitude mais aussi de la douleur qu'il y avait en Louis. J'avais besoin de me ressourcer, de prendre du recul, de m'éloigner un instant et de me retrouver dans un endroit où je pourrais en parler plus librement. Enfin de compte, ce n'est pas si débile que ça que tout le monde le sache, même si les journalistes ont toujours leur idée de faire un documentaire débile sur toi. Parler de toi devrait m'aider à m'en sortir plutôt que de m'enfoncer comme je le croyais. Cela va sûrement m'aider à me sortir de la bulle de souvenirs dans laquelle je suis plongé.

Jersey, je t'aime encore énormément. Je t'aime tellement que tu arrives à m'en faire oublier ma belle et misérable vie de célébrité. C'est il y a énormément de bons côtés, mais il y a aussi les mauvais et c'est le plus souvent ceux-là que les gens oublient le plus rapidement. Ils voient tous la beauté, l'argent, la notoriété, la talent, la richesse. Ils nous voient tous comme des personnes influentes, talentueuses ou encore complètement débiles mais riches à souhait. Mais ce n'est pas que cela la célébrité et pour le peu que tu as pu en voir, pour le peu que tu as pu en goûter, tu as compris autant que moi que c'était infernal. Tu es suivis partout, où que tu ailles et tous tes moindre faits et gestes sont surveiller à la loupe et tu n'as aucunement intérêt à faire un seul faux-pas.

Puis dans ce métier, la célébrité ne rime par forcément avec l'argent. Il faut que ça fonctionne avant tout. Parce qu'au début, on est tous un peu un inconnu dans le milieu et seulement les meilleurs ou les plus appréciés finissent par réussir concrètement. C'est un monde où soit tu réussis et tu deviens le numéro 1, soit tu te casses la gueule et tu finis en pleurant et avec des dettes. Si tu savais le nombre de personnes qui ont cru qu'ils allaient percées et qui pour finir, ils ont à peine enregistré un seul album, tu serais étonnée et extrêmement triste pour eux parce que même depuis le ciel, tu dois toujours rester cette personne compatissante et pleine d'empathie.

Mais dans ce métier, il y a aussi les faux-pas et ceux-là, on te les pardonne que très rarement. Un bon nombre de célébrités se sont cassés la gueule à cause d'un faux-pas et sont tombées dans l'anonymat alors qu'ils étaient sur le point d'arrivée à leur apogée. Pour l'instant, dans notre groupe, on n'a pas encore eu ce genre de frasque qui allait nous coûter notre carrière entière même si un bon nombre de fois on a faillit passer à la trappe. Dans ce métier, il faut faire attention 24 heures sur 24 à ce que tu fais, à ce que tu dis. Tout est analyser et si tu gaffes, tu t'en prends plein à la gueule. Mon état à été passé au crible et je peux te dire que les gens savent en réalité, super bien analyser ton comportement et le moindre de tes faits et gestes. Il avait attribué mon état à de la dépression et ensuite à ta mort et, pour la seconde hypothèse, ils n'avaient pas tord.

Jersey, je me sens revivre. J'en fais peut-être des tonnes pour quelque chose qui ne va être que passager. Peut-être que je vais bien maintenant parce que je suis de retour à la maison, que ma mère a su trouver les bons mots pour me réconforter, pour me faire me pousser des ailes et pour me rendre meilleur mais je ne sais pas si cela durera éternellement. C'est vrai, le bonheur ce n'est que passager, il n'est pas éternel. Le bonheur, il est comme toi. Il arrive en coup de vent sans que l'on ne s'y attende, il reste et on l'aime et puis quand il disparaît, on se retrouve dépourvu et bon pour les antidépresseurs et les mots des mamans.

Mais Jersey, une chose dont tu ne m'avais prévenu, dont tu ne m'avais jamais parlé –du moins je n'en ai pas gardé le souvenir- c'est que l'amour rend heureux et malheureux, détruit et saccage, délivre et apporte des bienfaits. Mais tu ne m'avais jamais dis que l'amour puisse être aussi destructeur tout en étant, en même temps –simultanément si tu préfères- aussi bon. Tu ne m'avais jamais prévenu que cela puisse être douloureux, mais aussi euphorique. L'amour, c'est comme l'écriture, c'est une drogue dont on a tous besoin un jour. C'est une drogue qu'on ne doit pas « sniffer », qu'on ne doit inspirer ou qu'on ne doit pas planter et insuffler dans nos veines à l'aide d'une seringue. L'amour, l'écriture rejoigne le bonheur sur ce genre de drogue, qu'on ne peut pas acheter. Non jamais tu ne m'avais prévenu que l'amour, le bonheur et l'écriture étaient des drogues et qu'en plus, cela ne s'achète pas.

Mais j'ai quand même de plus en plus l'impression que l'amour, le bonheur et l'écriture deviennent comme la musique ; en consommation rapide. Nous mettons des heures et des heures à travailler sur des chansons qui durent trois minutes et les gens l'achètent en moins de dix secondes. Puis, l'écriture c'est la même chose. Les auteurs travaillent parfois pendant des années mais leurs livres sont lus en une seule journée. L'amour et le bonheur sont devenus ainsi. On pourra bientôt acheter de l'amour et du bonheur, comme on achète une de ces boules magiques contenant une surprise dedans en mettant une simple pièce dans la machine. C'est stupide, sûrement mais tu serais du même avis que moi. Tout est devenu consommation rapide. Les gens ne prennent plus le temps de rien. La rapidité est passée outre la qualité.

Mais tu sais quoi ma belle –oui j'ai envie de t'appeler comme ça- je vais arrêter de me plaindre, de détester cette société comme toi, de me faire du mal. Je vais relativiser les choses, essayer d'avancer et passer au-dessus de tout cela. Je vais essayer de « dompter » enfin plutôt de m'y faire, à la douleur que je ressens dans la poitrine plutôt que de la laisser me prendre totalement et me faire sombrer avec elle. Je ne veux pas que la douleur me coule, alors je vais sortir la tête de l'eau, une bonne fois pour toi. Je ne le fais pas pour moi, si cela ne tenait qu'à moi je me plongerais dans la gueule du loup avant même qu'il n'ait le temps de l'ouvrir. Non, je le fais pour toi et uniquement pour toi. Peut-être aussi un peu pour les gars, les fans et ma famille, mais je le fais principalement pour toi. Parce que ma mère a raison, tu n'aimerais pas me voir ainsi.

Jersey, je t'aime, plus que ma propre vie.

« You hit the drink, you take a toke
Watch the past go up in smoke
You fake a smile, you lie and say
You're better now than ever and your life's ok
Well it's not ...no
You're doing all these things out of desperation
You're going through six degrees of separation »

-Niall

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Musique ; The Script - 6 Degrees Of Separation


Dear Jersey//n.hOù les histoires vivent. Découvrez maintenant