La onzième lettre : Irlande

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Chère Jersey,

Je suis en plein vol pour retourner au pays, pour retourner te voir sur ta tombe ; enfin, si j'en ai le courage bien sûr. Je me suis occupé de tout mais je n'ai pas eu le courage, la force d'y aller. Je ne sais même pas combien de personnes étaient présentes à ton enterrement et combien de personnes sont venues te rendre visite à ta tombe depuis lors. Je n'en ai pas la moindre idée et pour être franche, ce n'est pas ce qui compte le plus. Tu n'es plus de ce monde et c'est cela qui compte le plus. C'est parce que ta présence physique n'est plus là que je suis mal. J'ai tellement besoin de te sentir auprès de moi, ton corps tout contre le mien. J'en ai besoin, mais personne ne m'accordera ce privilège. Tu es partie beaucoup trop tôt, mon ange.

Je suis tout seul au milieu d'une rangée de trois sièges et devant et derrière moi, il n'y a personne non plus. Quand l'une des hôtesses de l'air à vu mon identité, elle a entreprit de me mettre tout seul, au milieu de trois sièges sur trois rangées vides. Sur ma gauche, il y a aussi trois autres rangées de sièges et il n'y a personne mais, sur la rangée devant il y a une personne qui tape frénétiquement sur son clavier et j'ai envie de le tuer parce que ce bruit m'agace et fait saigner mes tympans. Mais derrière cette rangée vide se trouve une femme et un homme qui dorment paisiblement. Je ne sais pas comment ils font, mais ils arrivent à trouver le sommeil pendant que je le cherche depuis des heures autant avant et dans ce maudit avion.

J'entends le bruit de mon stylo à bille griffé et gratté le papier. Cela n'a pas l'air de déranger qui que se soit. Je dirais même, que contrairement aux bruits des touches du clavier qui s'enfoncent du monsieur en costard, ça m'apaise. Je comprends pourquoi tu préférais tellement noter sur le papier plutôt que taper sur les touches d'un clavier. Un stylo à bille qui griffe, gratte, incruste le papier est un son plus doux, plus agréable, moins sonore et moins répétitif à en faire saigner des tympans que les touches d'un clavier qui s'enfoncent de manière répétée, identique et complètement frénétique. C'est beaucoup plus apaisant et j'ai comme l'impression de mieux ressentir les mots, de leur donner une plus belle forme malgré que mon écriture soit des plus dégueulasses et illisibles qui existent.

Jersey, je commence à devenir fou d'écriture. Je commence à en être additif, à en être constamment dans le besoin. Mais je ne veux pas fuir mes problèmes, mes erreurs, mes regrets, mes remords, la vie, ma famille, mes amis, mon métier, les humains en général à travers les mots. Je ne veux pas finir comme toi. Tu étais totalement coincée dans ton monde et pour te faire parler, c'était la galère crois-moi. Le plus souvent, j'y arrivais parce que je savais comment m'y prendre mais sache qu'au début, j'avais juste envie de me casser pour voir si cela changera quelque chose à ton attitude, à la situation. J'avais juste envie de baisser les bras parce que c'était tellement dur d'être en couple avec une femme diagnostiqué dépressive, solitaire et suicidaire depuis, sûrement, sa naissance.

Jersey, je vais t'avouer que même si je t'aimais déjà énormément, je ne savais pas dans quoi je m'embarquais. Moi, qui ne croyais pas tout ce que l'on disait sur l'amour, je me gourais comme un con de première. Personne n'aurait pu être plus con que moi sur ce coup-là. L'amour, effectivement, ça rend con, niais, naïf et ailleurs, complètement à la masse aussi. Je n'avais jamais remarqué cela auparavant, sûrement parce que je n'ai jamais tombé autant et aussi fortement amoureux de quelqu'un avant toi. Sûrement parce que tu étais aussi la bonne personne et je t'ai laissé me filer entre les doigts. Tu ne peux pas savoir à quel je m'en veux pour cela. C'était sûrement la plus pire connerie de ma vie avant celle d'avoir cru à ton « accident » qui était une tentative de suicide masquée. Oui, j'ai beaucoup merdé dans notre relation.

J'ai merdé même je ne sais combien de fois et j'aimerais vraiment être capable de m'excuser pour toutes ces erreurs que j'ai commise parce que tu ne les méritais pas et puis, tu n'en avais pas vraiment besoin avec ton esprit déjà tordu et tourné constamment vers le noir, vers l'obscurité, vers ce qu'il y avait de plus sombre. Mais, tu sais, je ne l'ai encore avoué à personne jusqu'à présent, pas même à moi-même –si cela est possible- mais tu as un pouvoir. Tu arrivais à faire sortir ce qu'il y avait de plus sombre, de plus malhonnête, de plus récurant, de plus ignoble qu'il y avait dans chaque homme, dans chaque femme, dans adolescent, dans chaque adolescentes, dans chaque enfant. Tu y arrivais comme personne d'autre. Tu avais sûrement ce pouvoir parce que personne d'autre n'y était jamais arrivé auparavant avant toi, sur moi. Personne, tu es la première et aussi la dernière.

Jersey, malgré tout ce que tu pouvais penser sur nous, sur notre relation, sur ce qui restait de « nous », sur tout ce qu'on a vécu ensemble, tu as fais plus de choses que moi. Tu croyais que c'était moi qui t'avais rendu meilleure, que tu n'avais pas réussis à le faire avec moi. Tu croyais que tu étais celle qui détruisait toute la relation, tout ce qu'on avait bâtit ensemble avec ton sale caractère et tes « maladies ». Mais c'était moi qui détruisait notre relation et puis, tu m'as rendu encore plus meilleur, bien plus que je ne t'ai rendue meilleure en retour. C'est en faisant ressortir et sortir tout ce qu'il y avait de plus horrible en moi, que je me suis rendu compte de toutes ces atrocités et que j'ai pu m'en débarrasser pour me retrouver et finir en un homme meilleur et sans toi, je n'y serais sûrement jamais arrivé. Tu as réussis à me changer et le pire –ou le meilleur- dans tout cela, c'est que tu as réussis le changement positivement.

Jersey, tu n'as fais pas que de me rendre meilleur. Tu m'as rendu heureux aussi. Tu vois cette chose qu'on appelle le « bonheur », dont tout le monde te rabat tout le temps les oreilles ? Tu vois cette chose qu'on appelle le « bonheur » et où quand on demande à quelqu'un s'il nage en plein « bonheur », on lui demande s'il est « heureux » ? Et bien, oui, le « bonheur », cette chose que tu détestais par-dessus tout, tu as réussis à l'insuffler dans mes veines. Tu as réussis à mettre en moi quelque chose que tu détestais, contre lequel tu te battais. Pour toi le bonheur, c'était la mort à mes yeux. Pour toi la mort c'était le bonheur à mes yeux. Nous étions comme deux opposés et, pourtant, nous avons réussis à nous entendre.

Jersey, maintenant je comprends pourquoi tu détestais le bonheur et la vision dont tu en avais. Tu voyais tout le monde heureux ou en train de chagriner pour un rien alors que le bonheur faisait partit de leur quotidien. Je comprends pourquoi tu détestais ce mot, cet état d'âme. J'ai eu difficile à te faire « changer d'avis », parce qu'en fin de compte tu n'as jamais changé d'avis tu avais juste accepté que l'on pouvait avoir une toute autre vision du bonheur. Tu avais accepté que l'on puisse être heureux, que tu pouvais être heureux. Mais maintenant je comprends la vision que tu en avais et pourquoi tu le détestais. Le bonheur c'est bien beau et bien joli, jusqu'à ce qu'il s'effile et disparaisse. Le bonheur ça affaiblit, ça rend moins fort surtout quand il se casse ou qu'il part en vrille. Le bonheur est sûrement le plus pire ennemi de l'homme après les maladies mortelles, la radioactivité et les Hommes. Nous sommes des ennemis pour nous-mêmes, le bonheur aussi.

Puis le bonheur, quand on l'a toujours détesté, qu'on ne l'a jamais connu ; on ne sait pas vraiment comment le prendre, comment l'apprécier. Le bonheur affaiblit, tue des gens. Si tu savais combien de personnes poursuivent le bonheur, lui courent après, le chassent alors que tu le fuyais, faisant exactement le contraire de tout le monde. Tu as toujours été ainsi, à faire l'opposé de tout ce que les autres pouvaient bien faire ou bien penser.

Un bon grand nombre de personnes aiment le bonheur alors que même depuis ton étoile, tu dois continuer à le détester. Parce que le plus pire dans le bonheur, c'est quand tu le connais, c'est quand il se met au passé, c'est quand tu l'as connu, qu'il n'est plus là. Le bonheur est encore plus dégueulasse quand il est absent. J'étais heureux avant de te connaître, pendant que je te connaissais et jusqu'à la dernière seconde avant d'apprendre ta mort avec ce malheureux coup de fil depuis je ne sais plus quel bureau de police de Mullingar.

Jersey, je t'en supplie sauve-moi de moi-même. Je vais te laisser ici parce que je commence à avoir une crampe au poignet et puis, je vais atterrir sûrement dans moins d'un quart d'heures. Je te souhaite une bonne nuit dans le ciel des anges morts partis trop tôt de la surface de la terre.

J'espère, d'un côté, en pas t e rejoindre de si tôt mais d'un autre côté si. C'est compliqué.

-Niall

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Musique ; Avril Lavigne ft. Chad Kroeger - Let Me Go


Dear Jersey//n.hOù les histoires vivent. Découvrez maintenant