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Mardi.
La sonnerie retentit.
L'annonce stridente m'expulse d'un brouillard vaporeux dans lequel j'étais engloutie pendant toute la durée du cours de sciences. Et la main rassurante de Dan s'agrippe à mon épaule.

_ Eh! Tête de pioche! Tu baves!

_ Hein? Quoi? Les Anglais ont débarqué?

   Il m'arrive d'en sortir...
J'observe les lieux, tournant la tête dans tous les sens, tétanisée, et rangeant rapidement mon esquisse dans mon sac. Une vague silhouette se dissipe dans un brouillard tenace, munie de ce qu'il semblerait être un appareil-photo.

Il éclate de rire.

_ Si tu le dis.

   Mon meilleur ami m'aide à me relever en plaçant une main sur ma taille. Depuis sa récente proposition- dont nous n'avons évidemment pas reparlé- j'interprète chacun de ses gestes différemment. C'est comme s'ils prenaient un nouveau sens à présent. Je m'éloigne, aussi rougissante qu'atrocement gênée.

_ Je peux m'en sortir, merci, lancé-je sèchement.

   Puis, me rendant compte de mon humeur massacrante qu'il ne mérite en aucun cas d'affronter, j'aplatis mes joues sur mon visage et me mets à loucher pour le faire rire, comme on faisait toujours lorsqu'on était petits. Pour réconforter l'autre.

   Je n'ai jamais été le genre de fille à tergiverser pendant des heures sur la nature de ses sentiments, ce qu'ils impliquent, comment les appréhender et bla-bla-bla. Je préfère prendre les choses comme elles viennent, et limiter -au mieux- les situations gênantes dont personne ne raffole.
Ma tentative de diversion porte ses fruits et il éclate de rire en me prenant par le bras.

_ Heather Walsh, vous êtes un cas!

. . .

   Lorsque je tape fébrilement contre la porte close, le cours a déjà commencé depuis une vingtaine de minutes. Daniel et moi étions en train de ranger les équipements sportifs et cela a dégénéré en bataille sanguinaire. Dont je suis ressortie grande perdante, écrasée sous le gigantesque tas de maillots transpirants de l'équipe de football, qui s'amoncelait au point de se mêler à mes propres vêtements. Jusqu'à ce que mon épiderme empeste le sanglier mort. C'est comme si l'odeur nauséabonde ne m'avait pas quittée!

   Je me surprends à me sentir les aisselles lorsque la porte s'ouvre sur un Peter d'abord perplexe. Puis un sourire étincelant se creuse sur son visage et je ne peux m'empêcher de rougir, d'une part parce que je me renifle clairement les dessous de bras, et d'autre part parce que je déboule comme un cheveu sur la soupe. Je laisse lourdement retomber mon bras le long de mon corps et lui lance un sourire gêné, mi figue mi raisin, tout en m'agrippant aux bretelles élimées de mon Eastpack noir. Je gratte la toile avec mes ongles tandis qu'il affiche une mine aussi lumineuse que mille étoiles, et qu'une pure joie inonde ses traits parfaits.

_ Ah! Une retardataire! s'exclame-t-il tandis que les rires-pour la plupart féminins- fusent.

   On dirait bien que je ne suis pas la seule à être tombée sous son charme!
Il m'accueille chaleureusement puis m'indique une place dans le coin. Bizarrement les élèves ne se sont pas faits prier pour aller au plus près du prof. Pour une fois!

_ J'ai bien cru que tu ne viendrais pas... me souffle-t-il.

    Et mon taux de jubilation atteint son apogée, mes oreilles sifflent, ma peau tout entière se consume et mes membres deviennent flasques. Je m'embrase et devient une torche retardataire et malodorante.
Charmant pour le conquérir, H!

Le caramel macchiatoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant