Le caramel macchiato

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_ Attends, répète-moi ça : tu t'es coupée en faisant la vaisselle ? s'insurge Jill d'un air soucieux, les sourcils froncés.

Je hoche négligemment la tête tandis qu'elle enserre la paume de ma main entre ses petits doigts graciles.

_ Mais tu ne fais jamais la vaisselle !

_ Je sais, je rétorque platement.

   Elle prend deux cannettes dans le frigo et m'en tend une. Je la décapsule, libérant une trainée de mousse qui s'agglomère sur le métal. Puis je penche la tête en arrière et laisse le goût âcre de la bière se répandre dans ma gorge.

   Nous regagnons la porte en sautillant, déjà légèrement ivres après les mojitos que nous nous sommes enfilés. Jill saisit la poignée, puis tourne son visage enfantin vers moi. Sa chevelure brune se balance sur ses épaules comme au ralenti. Ses lèvres s'incurvent en un sourire débile.

_ Au fait, comment ça s'est passé le repas avec le petit-ami d'Em ?

  Je donne une impulsion sur son bras pour lui faire ouvrir la porte et nous faisons notre entrée dans le jardin, déjà envahi par une trentaine d'adolescents éméchés. La musique pulse au loin et je ressens le rythme des basses se répercuter dans mon ventre. Je profite du bruit environnant pour prétendre ne pas l'avoir entendue.

_ Quoi ? je lui hurle à l'oreille, feignant l'innocence.

Elle avale goulument une gorgée et son visage prend une teinte rougeâtre. Je me figure une enfant surexcitée.

Jill s'essuie la bouche du plat de la main puis m'adresse un sourire des plus charmants.

_ Je disais quoi déjà ?

J'éclate de rire face à son expression. Les effluves d'alcool lui montent à la tête.

_ Je sais plus ! je m'exclame, ravie de pouvoir couper court à toute discussion aussi facilement.

Mon amie hoche la tête, partant dans une danse endiablée. Puis la silhouette de Charlie se détache de l'ombre et elle part à sa suite, secouant ses hanches étroites au rythme de la musique, les pans de sa jupe écossaise se relevant sur ses cuisses à chacun de ses pas.

Je les observe, soucieuse qu'elle ne lui vomisse pas sur les pieds. Ce ne serait pas la première fois.

   J'avale une gorgée en opinant du chef, leur adressant un sourire à la dérobée. Et je tourne la tête, en quête d'une personne à qui parler, ma bière pour seule compagnie. Soudain mes pieds quittent le sol, ma tête se met à tourner et je vois le paysage défiler en bandes diffuses, striées de couleurs qui se désagrègent.

_ Dan... je soupire, le sourire aux lèvres.

Il tourne son visage vers le mien, ses lèvres étirées en un sourire espiègle. Puis il m'assène un coup de coude,  mes jambes plaquées sur ses épaules et son bras robuste entourant mes cuisses. Ma tête pend misérablement sur le côté, aussi bien que mes bras maigrichons. Je lâche ma canette sur le sol et suit la trainée de bière qui s'écoule sur le gazon.

_ Le côté positif à ta carrure de lilliputienne c'est que je peux t'emporter partout ! plaisante-t-il.

Il se déplace à grandes enjambées. Et ma tête tangue au rythme de ses pas, déboussolée par la quantité pharamineuse d'alcool que j'ai ingurgitée.