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Je me lève de bonne heure. Le soleil pointe à peine derrière les collines que je suis dehors, emmitouflée dans ma doudoune. Certes dans un état déplorable en raison de la beuverie de la veille, la terrasse représente un point d'observation idéal pour apprécier le lever du soleil. Assise confortablement dans le fauteuil à bascule, une couverture perchée sur mes épaules et un café fumant à la main, je hume le parfum du bonheur. J'ai toujours adoré ça : m'éveiller tandis que la maison somnole encore, et profiter du jour naissant, comme si l'avenir m'appartenait.

Encore mieux, le paysage est à couper le souffle et je meurs déjà d'envie de l'immortaliser sous mes pastels. L'aube se dessine derrière les falaises, parée de ces tons chauds que j'affectionne tant.

Peter et moi avons passé la soirée à refaire le monde : lui qui parlait, étudiait avec patience les dessins que je réalisais. J'ai l'impression que grâce à cette longue absence, ma fibre artistique est plus axacerbée que jamais. Et je ne peux plus passer une seconde sans fleurir les pages de mon carnet à dessin.

Il doit bien s'écouler une heure entre le moment où je trace d'un trait précis le versant des collines et l'arrivée de Peter.

_ Déjà levée ? s'exclame-t-il, étonné.

Ses cheveux en bataille rebiquent sur son front. Il ressemble à un petit garçon avec sa mine enfarinée et ses minuscules yeux rieurs. Je lui adresse un sourire chaleureux.

_ L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !

Il se poste à côté de moi, saisissant ma tasse au passage. Peter porte la boisson à ses lèvres et j'ai à peine le temps de m'offusquer, que déjà il boit mon café d'une traite.

_ Eh ! J'en avais préparé t'as qu'à aller te servir ! je gronde, lui donnant une bourrade.

Il ignore mes protestations et s'approche de moi, tellement près que son souffle caresse ma nuque.

_ Alors qu'est-ce-que tu nous dessines ? murmure-t-il en agrippant mon esquisse.

Ses doigts frôlent les miens et ce simple contact me fait frémir. Bon Dieu, il me plaît beaucoup trop pour que ce soit permis. Surtout que ça ne l'est même pas.

J'appréhende le ravissement qui s'étend sur son visage à mesure qu'il parcourt mon travail des yeux.

_ C'est sublime... souffle-t-il dans mes cheveux et je m'empourpre immédiatement.

Peter s'éloigne soudain de moi et mord dans une tranche de brioche.

_ Si seulement j'avais su dessiner ! soupire-t-il.

_ Tu n'es pourtant pas mauvais en photographie, je rétorque, minimisant son talent.

_ C'est pas comparable. Toi, tu as de la magie entre les doigts. J'admire vraiment ça.

Je souris, et replonge dans mon paysage, crayonnant d'un trait habile l'éclat doré qui embrase le ciel, entre les nuages timides et le soleil levant.

. . .

Je me brosse les dents dans la salle de bain quand Emily déboule comme une furie. C'en est fini de son allure de top model : ma sœur affiche pleinement sa gueule de bois. Ses cheveux hirsutes qui se dressent sur le sommet de son crâne, comme enduits de colle. Son maquillage qui dégouline le long de sa joue. Son teint cireux et les cernes gigantesques qui s'étendent sous ses yeux endormis. Je ne l'ai jamais vue aussi hideuse de toute ma vie et ça me cloue sur place. Néanmoins, une fois le choc passé, je l'observe, attendant la suite.

_ Oh, H... Je suis tellement tellement tellement désolée, se lamente-t-elle.

Je toise cette grande perche, encore dans ses vêtements de la veille, son expression affligée.

Le caramel macchiatoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant