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Je hais le shopping.

  Voilà la seule et unique phrase qui résonne dans mon esprit tandis que je me fraie un passage parmi les rayons bondés. On dirait que la totalité des habitants de New York s'est donnée rendez-vous! Des centaines de personnes s'agglutinent autour des présentoirs tandis que d'autres essaient tant bien que mal d'échapper à cette marée humaine.
Tous fourmillent autour de moi, comme une nuée multicolore de corps qui papillonnent puis se télescopent. Certains en viennent à me bousculer, me pousser délibérément ou même à me faire des croche-pieds pour atteindre le bout de ce dédale obstrué.

Je hais le shopping.

  Après une bonne demi-heure à cavaler dans tout le magasin, la robe tant recherchée pendue sur un cintre à mon poignet, je m'effondre devant le rideau soyeux. Puis passe une main maladroite entre les pans bordeaux, indiquant ma présence à mon aînée.

_ Em! J'ai ta robe!

À la seconde même où ma phrase résonne dans la pièce, une main manucurée surgit du néant et m'attire à l'intérieur de la cabine.

_ Je ne suis pas sûre que ce soit autorisé de...

_ Tais-toi et aide moi à choisir! s'exclame-t-elle en me repoussant sur le tabouret dans le coin.

   L'espace est si confiné que je manque de tomber dans les vapes. Les couleurs dansent dans mon champ de vision et des lueurs fuyantes virevoltent autour de moi. Je cligne bêtement des paupières, sentant mon pouls battre à tout rompre dans mes tempes.

_ Tiens... je soupire, lui présentant l'objet de ma quête acharnée, avec une lassitude non feinte. J'espère que c'est la bonne taille... Au pire tu te DÉ-MERDES!

   Elle éclate d'un rire tonitruant et je sens la pression redescendre.
J'embrasse là cabine du regard, découvrant un amas de vêtements colorés, pendus à des cintres ou lâchement abandonnés sur le sol. Em a toujours été bordélique.

_ Alors? Qu'est-ce-que tu nous as trouvé, beauté fatale? je lui demande en riant, mon sac perché sur mes genoux, que j'étreins bêtement.

   Elle se tourne vers moi en une pause aguicheuse, le coude posté sur sa taille fine, et une moue boudeuse sur les lèvres. Emily tourne sur elle-même, dans un tourbillon de mousseline rose poudré. Je me figure une fleur qui déploie ses pétales, ou bien un feu d'artifice qui éclate.
Em est la douceur et la fougue. Le sable fin et le ras-de-marée.

   J'esquisse mentalement les courbes de ses hanches, drapées du tissus pâle qui sied son teint à la perfection. Sa silhouette gracile et élégante, qui met en valeur une robe tout en délicatesse. Je projette les ombres sur ses longues jambes galbées. Sa taille marquée dont la mousseline épouse toutes les formes avec volupté.
Je crains qu'elle ne s'envole et que je ne la revoie plus jamais.

_ Em tu es canon!

Vertigineuse. Époustouflante. Splendide. Magestueuse et lumineuse.

Elle sourit tellement que j'ai peur qu'elle se décolle la mâchoire.

_ J'essaie celle-là? demande-t-elle avec nonchalance, tout en pointant du doigt l'objet qui m'a valu tant de soucis.

_ Et comment que tu vas l'essayer! Si tu la mets pas je te jure que je te la fais bouffer! je m'exclame.

  Alors, avec toute la pudeur qui lui fait défaut et sa confiance en elle inébranlable, elle retire la robe rose et la repose sur son cintre, qu'elle aligne avec les autres.

  Je me force à détourner le regard, gênée par la vision de son corps presque nu. C'est ma soeur, d'accord, mais c'est pas pour autant que j'ai envie de la voir à poil! Surtout si elle est foutue comme un ange Victoria's Secret.

Le caramel macchiatoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant