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  J'ai décidé de ne plus jamais revoir Peter.

  Et le meilleur moyen reste à première vue de ne pas me présenter à l'atelier photo d'aujourd'hui. De toute façon je n'étais pas inscrite. Et il était prêt à m'exploiter.
Hier, j'ai rendu l'appareil photo que je lui avais emprunté, celui qui « donne vie à l'image », comme il aimait l'appeler. Rien que d'y penser ça me donne le cafard.

  En plus je lui en veux. Tout bêtement parce qu'il n'est pas tombé amoureux de la bonne sœur, mais surtout parce qu'à cause de lui, je suis en incapacité de dessiner. Et j'ai l'impression que ma tête va exploser si je ne peux plus fleurir les pages de mon carnet.
Les médecins de l'hôpital m'ont dit que je pourrais à nouveau tenir un crayon dans une vingtaine de jours, mais le délai est beaucoup trop long. Dès que la douleur faiblira, ou que je n'aurai plus l'impression qu'une lame de rasoir s'enfonce dans ma peau, je recommencerai les croquis. Et la vie reprendra son cours.

_ Heather, tu sais ce qui cloche avec les autres ? me demande Jill, le nez dans son casier.

Je hausse les épaules en soupirant.

_ J'allais te poser la même question.

Elle retire son blazer et le pose sur le banc.

_ J'ai l'impression qu'entre Becky qui pète littéralement un plomb, Scott qui s'est enfin trouvé une copine et Dan qui fait la gueule à longueur de journées, Nate est en train de devenir le bout-en-train de la bande.

Sa réplique m'arrache un frisson. Je déboutonne mon jean et le fait passer sur mes cuisses.

_ Qui dit encore bout-en-train de nos jours ? je lui demande en retirant le bracelet qu'Emily m'a offert pour mes treize ans.

Je lorgne sur ce cœur doré qui gît dans ma paume bandée,  un goût de bile dans la bouche. Elle lève les bras en l'air et se sépare de la robe mauve que j'aime tant. Celle qui lui va à ravir.

_ Cindy, déclare-t-elle avec une grimace.

Jill aligne la robe avec le reste de ses vêtements. On pourrait croire qu'elle est bordélique rien qu'en jetant un coup d'œil à son style vestimentaire, mais elle est complètement maniaque.

_ Enfin, la sangsue quoi.

Elle croise les bras sur sa poitrine. Son corps ne semble pas avoir atteint la puberté. Si moi je suis foutue comme une planche à pain, Jill a l'air d'une gamine de dix ans. Et sa peau est tellement pâle qu'elle en paraît translucide. Je vois presque le sang courir à travers les veines violettes qui strient ses avant-bras.

Déboussolée, je détourne les yeux de sa silhouette gracile.

_ Je pense qu'on devrait quand même aller parler à Becky. Elle a l'air vraiment mal en ce moment.

J'opine du chef.

_ Ouais, t'as raison.

J'enfile le short de sport ridiculement petit à l'effigie de l'école et elle fait de même.

_ Baxter ! Walsh ! nous crie une voix à l'extérieur du vestiaire. Vous êtes toujours les dernières !

_ On arrive ! hurle Jill en levant les yeux au ciel.

Elle lace ses baskets tandis que je m'attache les cheveux en un chignon flou. Nous savons toutes les deux qu'on prendra le plus de temps possible.

_ Alors, tu me dis pas que je suis canon ? s'exclame Jill en désignant sa poitrine plate, sur laquelle figurent les armoiries de l'école.

Je baisse les yeux sur mon propre teeshirt.

_ Seulement si tu me le dis aussi !

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Le caramel macchiatoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant