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Les montagnes s'étendent à perte de vue. Les heures s'allongent. Et nous roulons, portés à peine par notre carrosse brinquebalant.

_ Vous êtes vraiment sûrs que ce vieux taco va tenir la route ? je m'insurge, passant la tête entre les appuis têtes.

Emily tourne un visage radieux du siège passager. Ses lunettes de soleil gigantesques trônent fièrement sur son nez, malgré l'absence évidente de quelque rayon lumineux soit-il.

_ Mais bien sûr que oui, H ! Profite ! C'est les vacances !

Elle replonge le nez sur la route, une main sur la cuisse de Peter. Ce dernier m'adresse un regard d'excuse depuis le rétroviseur, les mains agrippées ardemment au volant. J'ai à peine le temps de hausser un sourcil d'un air rageur que Dan me repousse vers l'arrière de la voiture.

Enfin si on peut appeler le minivan du cousin de Peter ainsi. Le pot d'échappement pétarade, et, bien que totalement profane dans l'art de l'automobile, je jurerais que le bruit inquiétant qui s'échappe de l'arrière du véhicule ne présage rien de bon.

_ Oh allez tête de pioche, souris ! C'est les vacances !

Je le toise d'un air mauvais. Il me donne un coup d'épaule et j'atterris tête la première dans le décolleté de Jill.

_ J'ai beau t'aimer de tout mon cœur, ma chérie, nos rapports ne resteront qu'amicaux.

Et d'un coup sec elle me renvoie à ma place. Je croise les bras sur ma poitrine, lessivée. Ces trois jours s'annoncent formidables.

. . .

Que les choses soient claires, lorsqu'Emily et moi avons planifié nos vacances avec « quelques amis », je ne m'attendais pas à ça. Nous devions simplement nous ressourcer au ranch familial, toutes les deux, et puis Dan s'est incrusté. Il est également propriétaire de la maison, en même temps. Et quand Jill a appris que nous partions en balade avec Daniel dans la si réputée demeure Walsh-Windcraft, elle a absolument tenu à être du voyage. L'impératrice du non conformisme parmi nous, son petit ami se devait également d'être de la partie. Et puis Scott a rappliqué, parce que « la baraque est démente putain ! » et sa copine inconnue s'est retrouvée perchée sur ses genoux filiformes. Il fallait qu'on la rencontre m'a-t-il dit. Nate a, pour je ne sais quelle raison, décidé de nous refourguer son humeur blasée et monocorde. Puis lorsque ma grande sœur a appris que toute la tribu embarquait pour une grande aventure, elle a tenu à inviter sa meilleure amie, la détestable Stéphanie, que j'abhorre plus que tout. Et Peter.

Peter, son petit ami que j'ai embrassé pas plus tard qu'hier.

Pour conclure, le fait d'être entassés dans ce vieux fourgon à la peinture écaillée et aux relents de joints ne m'enchante guère. D'autant plus quand je sais que ce trajet infernal s'accompagnera de longues journées interminables, bien plus épouvantables encore. Misère.

. . .

_ Dites... On arrive quand ? s'enquiert Scott pour la millionième fois.

Nous sommes tous tellement lassés par ses interventions répétitives que Peter s'empresse de monter le volume de la radio, pour masquer son timbre suppliant.

_ Non mais ça fait des heures quand même, gémit le blondinet.

Et nous sommes tous tellement éreintés par ses supplications que nous nous appliquons à l'ignorer.

_ Changez au moins la radio, merde ! C'est de la daube.

A ce sujet, il n'a pas vraiment tort. Le seul son qui ne nous apparaît pas grésillant et inaudible demeure de la vieille country des années 90.

Le caramel macchiatoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant