C'est drôle comme parfois nous ne savons pas ce que nous voulons jusqu'à ce que nous l'obtenions. Je n'aurais jamais cru un jour trouver le bonheur dans un bar de Los Angeles. Pas même il y a de cela six mois. Depuis toute petite, j'avais imaginé être heureuse en rentrant définitivement dans ma ville natale pour y faire ma rentrée universitaire - faculté de droit de Boston.
Ayant des parents missionnaires, j'ai toujours crapahuté d'un coin paumé de la planète à un autre. Bien sûr, j'ai vu des lieux magnifiques et j'ai rencontré des milliers de personnes, mais en fin de journée, je n'avais ni foyer, ni ami. Tout au plus de vagues connaissances qui s'effaceraient à notre prochain déménagement.
J'avais hâte d'avoir dix-huit ans et d'aller à la faculté. Enfin, je ne déménagerais plus tous les six mois, je vivrais dans une ville où l'eau courante et l'électricité sont la norme. J'aurais enfin la possibilité de me faire des amis sans avoir à craindre de ne plus les revoir à la prochaine lubie humanitaire de mes parents. Evidemment, je suis fière d'eux et de leur dévotion à leur cause, mais j'aurais aimé être un peu plus importante à leurs yeux que les puits d'eau en Afrique.
Rien de me destinait vraiment à me retrouver barmaid dans un bar peu fréquenté de la cité des Anges. J'étais arrivée à Boston, avec l'espoir d'une nouvelle vie qui m'appartiendrait totalement. Je pourrais renouer avec mes oncles et mes tantes... Il ne m'avait pas fallu six mois pour regretter les grands espaces et la nature. Au bout d'un an, je m'ennuyais ferme et le droit ne s'était pas révélé aussi passionnant que je le pensais. La perspective de rester des heures, assise à étudier des dossiers devint de plus en plus clairement une torture. Heureusement, j'avais enfin un cercle d'amis fidèles. En troisième année de droit, j'abandonnais l'idée d'avoir une vie rangée. J'avais l'impression d'étouffer.
Un soir de mai, je croisais par hasard un ami d'enfance de ma mère. Il avait ouvert un restaurant dans un quartier familial de Los Angeles et rendait visite à sa belle-mère hospitalisée à Boston pour un triple pontage. Son restaurant n'était pas un lieu branché, il couvrait à peine ses dépenses mais il proposa quand même de m'embaucher pour remplacer son fils parti travailler sur un voilier. Je n'avais jamais envisagé de devenir barmaid, ni même d'aller en Californie. Cependant, la perspective de faire mes valises et de dire bye-bye à la grisaille eurent raison de moi. Moins de soixante-douze heures plus tard, j'embarquais à bord d'un Airbus A319.
Et me voilà aujourd'hui à batailler avec une fichue serrure caractérielle pour espérer ouvrir à temps pour le service du midi. En ravalant une slave de jurons appris sur les routes des cinq continents, je pesais de tout mon poids contre la porte récalcitrante, attendant un miracle.
- Besoin d'aide? demanda une voix amusée dans mon dos.
- Ah Jasper, un des seuls fidèles du restaurant ayant à peu près mon âge. Tu veux bien m'aider à ouvrir cette chambre forte? le suppliais-je sans cacher mon agacement.
- Bien sur, tu permets. D'un signe de la main, il me fit reculer pour prendre ma place. Et voila, lança-t-il triomphalement.
C'est une conspiration! D'un oeil méchant, je fixais cette porte de malheur qui me faisais perdre une bonne dizaine de minutes sur mon programme tous les matins. Le rire pas si discret de Jasper me fit revenir sur terre. J'étais en train de me ridiculiser et en plus, j'allais finir par être vraiment à la bourre.
- Je te sers un café? demandais-je par dessus mon épaule en entrant dans le restaurant comme une furie. Si je me contentais d'un coup de balai rapide, j'aurais le temps de faire la mise en place avant que les premiers poivreaux ne pointent le bout de leur nez rougi.
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Un moment d'égarement
RomanceFraichement installée à L.A, Lacey voit débarqué dans le bar où elle travaille, le nouvel acteur fétiche d'Hollywood, Jason Keegan. Loin des clichés du monde du cinéma, Jason déboussole Lacey. Contrainte de déménager souvent dans son enfance, la jeu...