Il vint quasiment tous les jours qui suivirent. Il m'avait demandé comment j'avais atterri à LA et j'avais été étonnée qu'il reconnaisse mon accent bostonien. J'avais tellement voyagé que celui-ci avait presque disparu. Il avait semblé captiver par mon enfance plutôt atypique, et je lui racontais mes différents voyages avec un oeil neuf. Il est vrai que j'avais eu beaucoup de chance. Je lui parlais des endroits idylliques où j'avais grandi. Je tus l'absence d'amis et le peu de temps que mes parents avaient à m'accorder, mais il lisait entre les lignes. Ses yeux pénétrants m'observaient avec attention et m'apportaient un certain réconfort. A quoi bon me lamenter sur quelque chose que je ne pouvais pas changer.
- Alors tu es venue à LA dans l'espoir de te poser? devina-t-il sans mal.
- Oui, haussais-je les épaules en séchant un verre. J'aimerais enfin avoir des racines...mais c'est plus dur que ce que j'avais imaginé.
C'était la première fois que j'osais l'avouer à voix haute. Je me concentrais sur les verres.
- Pourquoi? demanda-t-il en penchant la tête, manifestement intrigué.
Je pris mon temps pour lui répondre.
- Hum, j'imagine que j'ai vécu trop longtemps loin de tout. Je n'ai pas l'habitude des grandes villes. A Boston, je me sentais enfermée tout le temps. Je me suis dis que le climat serait plus clément ici, et que je pouvais toujours m'éloigner de la civilisation quand j'étouffais, rajoutais-je en rigolant.
- Tu irais où?
- Le Nevada, l'Arizona... Peut importe tant qu'il y a de beaux paysages, rêvais-je.
- Et alors? Tu y es déjà allée?
- Non, confessais-je honteuse. J'aimerais bien, mais je n'ai jamais pris le temps, et je dois t'avouer, dis-je en me penchant vers lui telle une conspiratrice. J'attendis d'être certaine d'avoir toute son attention. Mes amis sont plutôt des rats des villes, admis-je en souriant. Rien que de penser à Jasper et Mélissa en dehors d'une ville était tordant.
- Bien, alors à ton grand voyage! trinqua-t-il en levant sa bière.
Chaque jour, il revenait et je lui parlais d'un pays différent. J'avais même glissé quelques vieilles photographies jaunies dans mon sac. J'osais lui demander pourquoi il venait si souvent au bar. Un peu gêné au départ, il m'avoua que les choses ne se déroulait pas si bien chez lui et qu'il avait besoin de prendre du recul. Il aimait sa femme, ça se voyait mais leur relation avait évolué et il se posait mille et une questions. Il était donc venu à L.A pour s'éclaircir les idées mais il ne supportait pas de rester enfermé, seul.
- Et puis, me confessa-t-il à mi-voix très sérieusement, je suis un cuisinier terrible. J'ai presque peur de m'empoisonner, conclut-il dans un sourire radieux.
- Tu pourrais emporter des restes, répondis-je sans réfléchir. Oups.
Il tendit l'oreille visiblement intéressé.
- Nous avons toujours des restes du brunch. Je peux te les mettre de côté? offris-je hésitante.
- Je serais cool! décréta-t-il enchanté.
Son ravissement me fit rire. Il devait être vraiment affamé.
- Pong et moi te remercions du fond du coeur, me confia-t-il quand je lui tendis les provisions.
J'eus un temps d'arrêt. Son chien.
- Je n'allais quand même pas laisser un pauvre chien sans défense mourrir de faim.
Son sourire en coin me coupa le souffle. J'avais beau le voir quasiment tous les jours, j'étais toujours aussi sensible à son charme. Je crois même que cela empirait en apprenant à le connaitre. Il était simple, humble, drôle. Ses fossettes quand il souriait me faisaient craquer. Il avait un façon de prononcer mon nom, en faisant trainer le «l». Bref, il était l'homme idéal et hors de portée. Je venais même à l'envisager comme un ami, sachant que le jour où il reprendrait la direction de chez lui, je n'entendrais plus jamais parler de lui, mis à part à la télévision. Cette pensée me voila le coeur, mais je ne pouvais m'empêcher de lui souhaiter tout le bonheur du monde. Il le méritait.
*****
Mon sourire s'effaça de lui-même quand je vis Claire passer le seuil du bar.
- Alors comme ça tu es barmaid? Tu as quitté la cambrousse pour servir des cafés? demanda Claire de sa voix moqueuse.
- Qu'est ce que tu veux?! On ne peut pas être tous aussi parfait que toi? D'ailleurs, qu'est ce que fait son altesse? lui demandais-je en m'efforçant d'être polie.
- Oh moi, dit-elle en se désignant d'une main élégante, je suis l'assistante d'une styliste montante. Je te dirais bien son nom mais tu ne dois pas le connaitre, dit-elle en détailla ma tenue.
- Oh, donc, tu lui apportes son café.
Son sourire se fana.
- Tu ne peux pas comparer nos jobs, ragea-t-elle.
- C'est vrai, tu as raison... Moi je choisis qui je sers.
Un cri de victoire me parvint. Fred et Earl, aux premières loges me soutenaient et lançaient des oeillades mortelles à mon ancienne amie. Il ne fallait jamais sous-estimer la loyauté d'un alcoolique envers son barman.
Elle resta plantée là et sortit la tête haute quand elle compris que je ne la servirais pas, accompagnée par les ricanements des clients présents.
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Un moment d'égarement
RomanceFraichement installée à L.A, Lacey voit débarqué dans le bar où elle travaille, le nouvel acteur fétiche d'Hollywood, Jason Keegan. Loin des clichés du monde du cinéma, Jason déboussole Lacey. Contrainte de déménager souvent dans son enfance, la jeu...