12 - Le voyage vers la Germanie

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Enfin, le jour du grand départ arriva. Quittant avec regrets sa mère, sa sœur et l'ensemble de ses domestiques attristés, Aulus monta sur un splendide destrier. Puis, il rejoignit un groupe de troupes fraîches qui se rendait en Germanie supérieure pour combler les pertes engendrées par les campagnes d'Aétius.

Yaël, lui, monta dans un chariot avec les bagages de son maître.

Lors du voyage, Aulus fit connaissance du centurion qui avait supervisé pour Aétius la dernière campagne de recrutement. Il s'appelait Vorénus, un brave garçon. Quoique tenant ses distances avec un officier de si haut rang et qui plus est membre de la famille impériale, il devisait gaiement avec lui sur les affres de la vie militaire.

Le jeune patricien s'enquit auprès de lui de l'organisation des légions d'Aétius et de la vie dans les camps le long de la frontière. Posant mille questions et notant certains points sur des tablettes, le jeune homme ne faisait aucun cas de la basse extraction de son compagnon de voyage.

De part sa nature, ouverte et simple, Aulus n'hésitait pas non plus à discuter joyeusement avec des légionnaires venus du sud de l'Italie ou de lointaines colonies romaines.

Vorénus s'en offusqua un jour : « Les hommes ne te respecterons pas si tu continues... »

« Pourquoi devrais-je rester sur mon pied d'estale ? Ces hommes vont mourir pour Rome... »

« Le général n'est pas pour ce genre de rapprochement avec la troupe !»  

« Je vois... Merci du conseil » fit sèchement Aulus.

A la suite de cette conversation, les deux hommes s'éloignèrent quelque temps. Vorénus, un peu confus d'avoir causé cette situation, tenta de reprendre le dialogue.

« Centurion ? »

« Je...Je suis venu m'excuser pour l'autre jour. Je n'aurais pas du dire cela. Je ne suis qu'un légionnaire frustre et sans manières... Pardon... »

« Vorénus, tu n'es pas un homme sans manières... Tu es un vrai soldat... C'est moi qui me suis mal comporté... Tu n'as rien à te faire pardonner.»

« Oh que si. Qui suis-je pour te juger comme je l'ai fait ? Tu es de la lignée des césars. De Marius. Lui aussi était proche de ses armées... »

« Si tu veux qu'on soit copains Vorénus, ne prononce plus jamais le nom de mon père ! » le coupa-t-il sèchement en s'éloignant.

Pensant qu'il avait une nouvelle fois commit une gaffe, le centurion tourna les talons.

Plus tard, comme si de rien n'était, Aulus se renseigna auprès de lui sur le trajet à suivre tout en blaguant sur les douleurs que lui occasionnaient les longues journées à cheval.

Lors de la traversée des alpes, les conditions météorologiques se dégradèrent et l'avancée fut plus lente surtout pour les lourds chariots. Aulus, avec sa simplicité naturelle, aida à désembourber les véhicules même si, ses moyens physiques limités ne lui permettaient pas de faire des miracles.

Tout crotté et heureux après avoir libéré le chariot de Yaël, il lui murmura en souriant : « Je n'aurais pas voulu que tes jolies jambes soient abimées... ». Les deux garçons n'avaient pu partager de moments d'intimité depuis leur départ en raison de la promiscuité liée aux contraintes de la vie militaire.

Aulus avait mis en parenthèse ses désirs tout concentré sur les devoirs de sa nouvelle vie.

Même si Vorénus avait fait quelques allusions à la beauté du domestique d'Aulus, il s'était bien gardé d'aborder le sujet de la sexualité avec ce dernier de peur de commettre un nouvel impair.

Après moult péripéties suivant le tracé des voies romaines, la troupe arriva à bon port deux mois plus tard.

Aulus et Vorénus se présentèrent immédiatement auprès du quartier général d'Aétius où ils furent reçus l'un après l'autre.

« Heureux de te voir jeune Marius, j'ai cru que tu ne viendrais plus... »

« Désolé, général mais, les conditions... »

« On ne parle au général que lorsqu'il te pose une question, officier ! » le coupa brusquement l'aide de camps.

« Laisse Crassus... Notre jeune recrue n'est pas encore très au fait des règles militaires... » Puis s'asseyant  : « Voyons... Où allons-nous t'affecter déjà... Ah oui, la IIIème cohorte... Ils viennent de perdre leur officier. Nul doute qu'avec de tels soldats, tes exploits résonneront jusqu'aux salons parfumés de Rome !» ironisa Aétius en croisant le regard de Crassus son aide de camps. Fixant droit devant lui, Aulus ne bougea pas un cil même si la nouvelle n'avait rien de rassurant.

Bien au fait, par les récits de Vorénus, de l'organisation de l'armée d'Aétius, Aulus comprit bien vite que le général n'était pas homme à lui faire de cadeau. La IIIème cohorte était la pire de toutes. Ce n'était qu'un agrégat de vauriens et de criminels de la pire espèce. Ils écumaient sans scrupules la région en se servant grassement au passage lors des levées d'impôts. Cette attitude scandaleuse était contraire aux règles élémentaires de l'occupation romaine.

Lorsqu'il sortit de la tente du général, Aulus aperçut Vorénus en train de faire décharger les marchandises. Il lui fit le signe III avec ses doigts pointés vers le bas, ce qui fit grimacer le centurion.

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant