34 - Le prix du destin

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L'empereur s'enferma plusieurs jours dans un mutisme total. Il passait de longues périodes à prier les dieux.

Il avait revêtu la toge sombre en signe de deuil.

Entre deux période de dévotion, il repensait au temps où lui et Micianus s'étaient connus. C'était il y avait déjà bien longtemps. Par une belle journée d'été, il venait juste d'avoir treize ans. Il venait de rentrer depuis peu d'exil avec sa mère et il avait voulu aller se recueillir sur la tombe de son père. Sa mère lui avait interdit cette visite voulant visiblement tourner cette page noire de son existence. Cependant, il n'en faisait déjà qu'à sa tête et, contre l'avis de sa mère, il s'était rendu secrètement au cimetière le long de la voix Appia.

Après avoir difficilement retrouvé le monument funéraire des Marius, il s'agenouilla près de l'édifice en caressant le nom de son père et en murmurant une courte prière.

Non loin de là, bien caché derrière une autre stèle monumentale, un jeune garçon l'avait discrètement observé. Il s'était dirigé vers lui lorsqu'il l'avait vu prêt à quitter les lieux relevant un plan de sa toge sur sa tête.

         « Salut, moi c'est Micianus ! toi aussi ton père est mort ? »

         « Cela ne te regarde pas ! » fit-il fermement.

         « Oh, je voulais juste que nous fassions connaissance... »

         « Oui, excuse moi mais, je n'ai pas à me vanter d'être le fils de mon père. C'était un renégat... »

         « Hum...tu veux parler de Marius ? C'était aussi un héros... Il a seulement voulu le pouvoir pour lui seul. Et, renégat ou pas, il reste ton père ! »

         « Hélas oui... Et le tien ? »

         « Oh le mien, il est juste mort de maladie...du genre qu'on attrape dans les lieux mal famés si tu vois ce que je veux dire ? » ricana-t-il. 

         « Euh non... »

         « Dans les lupanars... »

         « Ah ? oh oui, je vois... » bredouilla Aulus embarrassé.

         « Mais, je l'aimais bien quand même. Il me manque. Je reste seul maintenant avec ma mère et mes sœurs. Elles me rendent fou. Je préfère venir là, au moins j'ai la paix... Je lui parle, je lui demande des conseils... » 

       « Et il te répond ? »

      « Oui, à sa manière... »

      « Tu n'as pas d'ami ? » s'inquiéta le jeune Marius. 

      « Non aucun. Ils disent que je suis un... enfin, ils se moquent de moi. »

      « Moi non plus je n'ai pas d'ami. Je viens d'arriver à Rome et je ne connais personne. »

     « Mais ce n'est pas vrai. Tu connais au moins une personne. Moi ! Si tu le veux bien soyons amis ! »

     « Oh, oui, je le veux. ».

C'était le début d'une grande amitié. Les deux garçons s'étaient revus très souvent. Ils s'étaient encore plus rapprochés plus tard par leurs goûts hellenistiques et l'attirance qu'ils avaient tous deux pour les mœurs grecques.

L'empereur se remémora aussi la fois où son ami lui avait déclaré sa flamme. Mais, il l'avait repoussé au nom de l'amitié. Micianus s'était résigné à n'être plus que le meilleur ami de celui qui hantait chacune de ses nuits. Il s'était contenté d'apercevoir avec un pincement au cœur le corps superbe de son ami dans les soirées de débauche qu'ils partageaient ensemble.

Ces souvenirs donnaient à l'empereur les larmes au yeux. Ce n'était qu'un défilé d'images ponctuées des bons mots de Micianus qui venait maintenant hanter ses rêves. Dans son sommeil, il répétait à l'infini : « Qu'ai-je fait, qu'ai-je fait... ».

Le jour, au sommet de sa gloire, il ne laissait rien paraître en public dans les cérémonies officielles.

Même si tout cela était arrivé, c'était bien lui qui l'avait voulu ainsi. Il était l'empereur. Le maître d'un empire immense et ce n'était pas par hasard.

Il devrait maintenant aller seul vers son destin.

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant