14 - Le nouveau héros de Rome

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L'image idyllique ne le resta pas bien longtemps. La patte malfaisante de l'Empereur, via son âme damnée Aétius, allait de nouveau frapper.

Profitant de nouveaux troubles générés par une tribu germaine en révolte, le général ordonna à la IIIème cohorte de se mettre en marche pour mater les rebelles. Sentant là un nouveau piège de son infernal supérieur, Aulus s'en entretint en aparté avec Magnus.

« Aetius te teste...lorsqu'il saura à qui il a affaire, il te laissera tranquille... »

« Je ne suis pas aussi optimiste que toi Magnus, Aétius a des ordres de qui tu sais. Il ne lâchera pas tant que je n'aurais pas mis un genou à terre ! »

« Prouvons-lui alors qu'il ne doit pas s'y frotter !»

Dans la campagne militaire qui suivit, Aulus fit preuve de grandes qualités de stratège même si ses méthodes étaient assez peu orthodoxes. Privilégiant les petites embuscades aux grandes batailles en ligne, il remporta rapidement la victoire en utilisant les armes de l'adversaire : l'effet de surprise et la rapidité d'exécution.

Les germains rebelles vaincus, il fit distribuer plus que généreusement le butin parmi ses hommes et organisa rapidement la vente des prisonniers devenus esclaves, en relation avec des employés locaux de son ami le marchand Gératus.

Cette décision conforta sa popularité parmi ses légionnaires. Ces derniers scandaient maintenant bruyamment son nom lors des rassemblements.

La nouvelle des exploits et des largesses d'Aulus rendit fou de rage Aétius qui fit convoquer le jeune officier à son quartier général.

L'injonction du général ne surprit pas ce dernier. Il était bien décidé à ne pas se faire de nouveau humilier par son supérieur.

Aulus gagna le camp avec sa garde personnelle composée d'impressionnants auxiliaires germains et de romains tous acquis à sa cause.

Aétius le reçut froidement après l'avoir fait attendre de longues minutes en dehors de sa tente. Aulus, serein, prenait son mal en patience même s'il était pressé d'en découdre avec le général.

« Marius, je te félicite pour ta victoire sur ces chiens de voleurs Sumènes mais...j'ai appris que tu avais largement distribué à la troupe les trésors qui devaient revenir à Rome. Ce comportement est indigne d'un officier romain. C'est juste bon pour un chef de bande de voleurs de grands chemins... ».

Aulus ne bronchait pas, attendant la suite avec fébrilité.

« Pour cette insubordination intolérable, tu seras... »

« Général...Puis-je parler ? » le coupa soudain le jeune homme

« Quoi ? Impertinent ! Parle ! »

« J'ai là dehors, la part qui doit revenir à Rome... »

« Quoi ?... Dehors ?...»

Visiblement surpris, Aétius quitta furieux sa tente et se dirigea d'un pas décidé vers la troupe qui accompagnait Aulus. Au geste de Magnus, chacun des hommes jeta à terre de lourds sacs remplis de pièces d'or frappées du profil de l'Empereur. Il s'agissait là d'une fortune immense.

Croisant le regard satisfait de Magnus, le général fut pris d'un rire nerveux qui résonna dans tout le camp. Puis, se retournant vers le jeune officier : « Oui, Aulus, tu seras...dignement fêté comme le nouveau héros de Rome... ».

Après avoir lâché un discret soupir de soulagement, Aulus souffla un timide « Merci général » avant de quitter les quartiers de son supérieur, visiblement ravi de son effet.

Après le départ de son subordonné, Aétius tomba lourdement dans son fauteuil. A ce moment, il chercha Crassus du regard. « Où a-t-il trouvé tout cet or ? ...Tes espions se font vieux Crassus...ou alors ils en croquent eux aussi ! »

« Je n'y comprends rien Général...Il s'est entouré d'hommes tous dévoués et prêts à mourir pour lui. »

« Maudits Marius, après le père, c'est le fils qui vient maintenant me pourrir la vie !»

Dans le camp, Aulus retrouva avec entrain Vorénus qui le félicita pour ses exploits et lui renouvela son amitié...Croisant d'autres regards amis qui vinrent le féliciter, il s'attarda auprès d'eux en prenant des nouvelles de chacun et en échangeant avec eux en toute simplicité.

Resté à l'arrière auprès de Magnus, Vorénus murmura : « Je revois Caius Marius lorsqu'il se comporte comme cela. J'étais bien jeune à l'époque mais, je m'en souviens comme si c'était hier... ».

« Moi aussi j'étais bien jeune, et c'est pareil pour moi. » lui confia Magnus à voix basse. Les deux hommes échangèrent un sourire complice.

Aétius organisa à contre cœur une cérémonie pour le lendemain afin de fêter à minima la victoire de son jeune et encombrant subordonné.

Le soir même, il convia Aulus à un dîner partagé avec ses principaux officiers.

« Ce repas sera bien modeste jeune Marius comparé aux fastueux banquets auxquels tu dois être habitué... »

« Bien modeste peut-être, général mais, ce serait un rêve pour la majorité de mes hommes» fit-il en découvrant la profusion de plats qui se tenait sur la table dressée pour l'occasion.

« Toujours aussi impertinent jeune tribun... » Grogna Aetius en fronçant les sourcils.

Essayant de détendre un peu l'atmosphère, Crassus changea de conversation : «  Aulus, raconte-nous comment tu as pris au piège les Sumènes ? »

Aulus ne se fit pas prier pour raconter ses exploits tout en minimisant son action au profit de celle de ses troupes valeureuses. Même s'il n'avait pas les talents de conteur de Micianus, il capta l'attention des convives qui ne perdirent pas une miette de ses descriptions savoureuses. L'auditoire tout acquis, excepté Aétius qui restait muet à l'écart, Aulus termina son récit sur la reddition du chef de la tribu. A la fin, les officiers l'applaudirent chaleureusement sous le regard irrité du général.

Énervé, il demanda brutalement : « Et d'où vient tout cet or romain ? »

Calmement Aulus lui répondit : « il s'agit, en fait, de la solde des légions du pauvre Potinus, volée en Gaulle par les germains.»

« Potinus n'était qu'un sot ! Il s'est suicidé à l'issue de la bataille après avoir perdu la majorité de ses hommes dans une embuscade ! » Lança Aetius.

La sortie d'Aétius gela brutalement l'ambiance. L'image de leurs compatriotes assassinés par les germains leur fit froid dans le dos. Pour chacun, l'éventualité d'une telle fin n'était pas à exclure dans ses contrées barbares.

A l'issue du dîner, Aétius demanda à rester seul avec Aulus.

- « Aulus, je ne suis pas dupe...Tout cela n'est pas clair...Et je t'ai à l'œil... »

« Pourquoi tant de haine, général ? Vous êtes pourtant capable de tant de douceur quand vous le voulez. »  Surpris lui-même par ses propos audacieux, Aulus baissa rapidement les yeux.

"Que...quoi...sors de là...disparais de ma vue, insolent !»

Le jeune officier prit congés et rejoignit ses légionnaires.

Le lendemain, une cérémonie brève, mais intense, se déroula dans le camp. Revêtu de ses plus beaux atours, le général fit le service minimum sous le regard amusé d'Aulus.

Sous les hourras des troupes qui criaient son nom, le jeune officier sentit la fierté monter en lui. Il songea qu'il était peut-être en train de devenir l'homme dont sa mère avait toujours rêvé.

Les sarcasmes d'Aétius le firent bien vite retomber sur terre.

« Quitte ce camp immédiatement Marius et tiens toi tranquille avec tes hommes... Je te surveille ! ».

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant