30 - De l'art de prendre le pouvoir

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Le retour d'Aulus à Rome fut triomphal. La vision de cet homme jeune, héros des légions romaines, mis le peuple en liesse.

Il gagna peu après le palais impérial avant de se présenter devant le sénat.

Après un discours très construit qui passa sous silence les circonstances de son coup d'état, il fit l'éloge de son cousin et le proposa curieusement comme nouveau dieu au panthéon romain. Il présenta les grandes lignes de sa future politique, puis il termina : «  si vous m'en trouvez digne, je serais votre nouvel Empereur.».

Le sénat confirma cette prise du pouvoir par la volonté des armes avec les termes consacrés. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'agissait plus que d'une chambre d'enregistrement des volontés de l'armée.

Avec cette responsabilité énorme tombée par hasard sur ses épaules, Aulus se sentit de nouveau effroyablement seul. Mais, c'était bien lui qui devait prendre maintenant son destin en main. Il s'entoura de prétoriens en qui il avait toute confiance. Une responsabilité qu'il confia à Micianus – nouveau préfet du prétoire. Il fit aussi venir une partie de ses troupes de Germanie supérieure.

Les assassins de son cousin furent châtiés pour déicide et jeté aux bêtes. Les favoris en fuite avec leur magot volé au trésor impérial furent pourchassés et impitoyablement éliminés.

C'était le moment de solder les comptes avec tous ses ennemis. Avec tous ceux qui lui avaient fait du mal. Ainsi, un jour comparut devant lui une vieille connaissance : le tribun Metellus.

Magnus l'avait poussé devant lui et Micianus avait complété : « On l'a un peu bousculé... ».

L'homme avait le visage tuméfié. Enchaîné, il tremblait comme une feuille à genoux sur le marbre, la tête baissée vers le sol. Il avait perdu de sa superbe. Aulus songea aux sévices qu'ils avaient du subir en fixant le regard sadique de Micianus.

«  Qu'on me laisse seul avec lui... » Tous se retirèrent.

Metellus releva la tête et croisa le regard émeraude du nouvel Empereur.

« Metellus, il y a bien longtemps... Tu vois j'ai toujours la dague de mon père. Je ne m'en sépare jamais, ni de la bague d'Aétius d'ailleurs. Marcellus me l'a fait parvenir après l'avoir saigné comme le porc qu'il était. »

L'homme était terrorisé mais, il ne bronchait pas... Aulus poursuivit tournoyant autour de lui comme un vautour autour de sa proie.

Metellus baissa la tête au souvenir d'un évènement qu'il aurait voulu oublier.

«  C'était Aétius. Il voulait te détruire moralement avant de te détruire physiquement en Germanie. Mais tu étais plus fort... J'ai regretté lui avoir obéi. Je m'en veux toujours. Tue-moi. Je suis indigne de vivre..."

"C'est bien mon avis aussi. Adieu Metellus."

Aulus enfonça sa dague dans le cou du gendre d'Aétius qui s'effondra au sol.

Cette fois les comptes étaient réellement soldés avec son passé.

La situation étant devenue plus saine, Aulus fit venir sa famille à Rome. Cette dernière s'installa dans les appartements princiers. La mère du souverain se glissa facilement dans un rôle qu'elle connaissait à merveille en retrouvant les couloirs de marbre qu'elle avait déjà foulé enfant. La jeune Gallia enfila ses habits d'Impératrice avec une facilité qui ne cessa pas d'étonner son époux et conforta sa mère dans son choix.

Magnus fut chargé de gouverner la maison impériale comme il l'avait fait jadis dans la maison des Marius. Personne ne songeait à lui demander des explications sur sa réapparition après avoir été porté pour mort en Germanie. Dans des temps si troublés, il fallait mieux éviter les sujets à risque.

L'affranchi germain, âme damnée du nouvel empereur était autant craint qu'il était admiré par les nombreux serviteurs du palais.

Des hommes de Batiatus furent chargés des finances impériales ce qui permit au riche Syrien de largement rentrer dans sa mise de fonds. Par ailleurs, ce dernier correspondait régulièrement avec le nouvel Empereur. Il lui prodiguait ses conseils avisés et des encouragements plein de tendresse.

D'autre part, outre Vorénus qu'il nomma préfet de l'annone, Aulus avait bien entendu conclus de nombreux accord avec ses généraux et consuls dans tout l'empire. La modération dont il fit preuve dans les purges qui suivirent son accession au trône lui conférèrent un status de souverain responsable qui préfigurait une nouvelle ère de croissance et de richesses pour Rome. Après l'expansionnisme de son cousin, il préférait quant à lui consolider les frontières de l'empire.

Tout semblait aller pour le mieux mais, c'était sans compter sur le pire ennemi qu'il pouvait avoir : lui-même.

Le trône divin (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant