Chapitre 2: Une autre réalité

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Quand j'ouvre les yeux, la douleur me transperce le crâne et je laisse échapper un gémissement plaintif. Doucement, je porte ma main à mon front et mes doigts rencontrent un tissu légèrement humide.

... : La blessure n'est pas profonde.

Je me fige au son de cette voix que je ne connais pas. Prudemment, je m'assois et regarde le vieil homme qui se tient assis en face de moi. J'ignore les vertiges qui me prennent et me concentre sur lui. Il a une longue barbe grise et de longs cheveux de la même couleur. Il porte une sorte de grande robe argentée et dans sa main droite trône un grand bâton. Bien qu'il ne paraisse pas menaçant, son apparence ne me donne pas confiance. Cependant, je décide de prendre la parole.

Moi : Qui êtes-vous ? Et où suis-je ?

... : Je suis Gandalf le Gris, et vous vous trouvez à Imladris, la dernière maison simple de la Terre du Milieu, la demeure du Seigneur Elrond.

Gandalf. Imladris. Terre du Milieu. Elrond. Tous ces noms me rappellent vaguement quelque chose. Je fouille dans ma mémoire, réveillant mon mal de crâne. Soudain, la lumière se fait. Je sais où j'ai déjà entendu cela. Ça vient de l'œuvre de Tolkien. Je dois être tombée au milieu d'un jeu de rôle. Je regarde le vieil homme droit dans les yeux et choisis mes mots avec prudence.

Moi : Écoutez... Gandalf. Je suis vraiment ravie que vous vous amusiez avec vos amis... mais je ne fais pas partie de votre... RPG. Je vous promets de ne pas prévenir la police, si vous me laissez partir maintenant.

Gandalf : Votre langage est inhabituel et vous utilisez des mots qui me sont inconnus.

Moi : Dîtes-moi juste où je suis.

Gandalf : Vous êtes à Fondcombe.

Je respire calmement, pour garder mon calme. Je ne gagnerais rien à énerver ce "Gandalf".

Moi : Très bien... Procédons autrement... Votre Fondcombe, est-ce que c'est loin de Poitiers ?

Gandalf : Qu'est-ce que « Poitiers » ?

Moi : Poitiers... La ville.

Gandalf : Je suis désolé, mais il n'existe pas de telle ville dans la Terre du Milieu.

Mon sang ne fait qu'un tour.

Moi : Mais c'est pas vrai ça ! J'te dis que j'marche pas dans ton trip ! La Terre du Milieu, les elfes, Imladris, la quête de l'Anneau, Sauron... Ça n'existe pas ! C'est dans ta tête, mon vieux !

Le visage de l'homme en face de moi s'assombrit.

Gandalf : Comment êtes-vous au courant pour Sauron, et pour l'Anneau ?

Moi : Parce que comme toi, j'ai lu le livre et vu les films !

Gandalf : Qu'est-ce qu'un film ? Et que vous a-t-il dit sur l'anneau de pouvoir ?

Moi : J'en ai marre.

J'attrape ma veste et sors mon portable d'une des poches. Je montre le téléphone au soi-disant magicien et l'allume devant ses yeux.

Moi : Tu vois ça ? Tu sais ce que c'est ? C'est un té-lé-pho-ne, et tu sais ce que je vais faire avec ? Je vais appeler la police. Alors soit tu me dis où je suis, soit tu finis avec UN PROCÈS AU DERRIÈRE !

Gandalf : Quelle est cette magie ?

Moi : Alors, on continue à faire le malin ?

Je prends mon téléphone et compose le numéro de la police. Je porte l'appareil à mon oreille gardant un œil sur le vieil homme.

... : Commissariat de Poitiers. Que puis-je faire pour vous ?

Moi : Je m'appelle Janjira Kongsampong. Je crois que j'ai été enlevée.

Policier : D'accord. Peux-tu me dire où tu es ?

Moi : Je n'en ai aucune idée.

Policier : Es-tu en sécurité ?

J'hésite un instant.

Moi : Je crois.

Policier : Très bien on arrive. Restes en ligne.

J'attends quelques secondes avant d'entendre une discussion entre deux policiers de l'autre côté du fil.

Policier 1 : ... enlevée, mais je n'arrive pas à la localiser. J'ai vérifié, le numéro n'est pas attribué.

Policier 2 : Je vais lui parler. *plus fort* Allô. Je suis le capitaine Simon Martin. Pouvez-vous me dire qui vous êtes ?

Moi : Janjira Kongsampong. J'ai 18 ans. Je vis au « Foyer de l'Enfance » à Poitiers.

Policier 2 : *après un silence* Mademoiselle... Le « Foyer de l'Enfance » a fermé il y a sept ans...

Mon cœur rate un battement.

Moi : Quoi ? Mais c'est impossible... J'y étais ce matin. S'il-vous-plaît, appelez Sarah Dupuis. Elle travaille au « Foyer de l'Enfance ». Elle vous confirmera mes dires.

Policier 2 : *à son collègue* Chercher les coordonnées d'une certaine Sarah Dupuis. *après un silence* Sarah Dupuis est morte il y a trois ans, d'un cancer des poumons.

Blanc.

Policier 2 : Vous a-t-on donné quelque chose à boire ou à manger qui...

Moi : Je vais parfaitement bien ! Chercher mon nom dans les archives du « Foyer de l'enfance ».

Blanc.

Policier 2 : Il n'y a jamais eu de Janjira Kongsampong au « Foyer de l'Enfance ».

Je laisse tomber mon portable et regarde Gandalf.

Moi : Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne peut pas être vrai... Vous n'êtes pas réelle.

Gandalf : Comment pouvez-vous douter de mon existence alors que je me tiens devant vous ?

Moi : Les elfes... Fondcombe... La Terre du Milieu... Tout cela n'existe pas.

Le soi-disant magicien fronce légèrement les sourcils.

Gandalf : Il est assez étrange de vous entendre affirmer une telle chose.

Moi : Pourquoi dîtes-vous ça ?

Il se lève et prend quelque chose sur la coiffeuse avant de revenir s'asseoir. Quand je vois qu'il me tend un miroir, je comprends que je ne veux sûrement pas avoir la réponse à ma question. Cependant, je prends l'objet d'une main tremblante et le porte lentement à hauteur de mes yeux. J'observe mon visage qui est exactement le même que celui que je vois tous les jours depuis 18 ans. Mon front est bandé d'un fin tissu blanc légèrement taché de rouge. Mes cheveux roux tombent en une cascade ondulée et disparate sur mes épaules. Tout est normal... Même si je suis très mal coiffée. Je porte mon regard sur le vieil homme. J'ai l'air tout à fait normale. Je reporte mon regard sur le miroir et soudain quelque chose attire mon attention. Un petit bout de peau dépasse derrière un nœud de cheveux et je le tire en arrière. Ce que je vois me fait pousser un cri de surprise. Pointues ! Mes oreilles sont pointues ! Je passe mes doigts sur mes oreilles pour m'assurer que rien n'est collé sur mes oreilles arrondies, mais non, la sensibilité sur les pointes me prouve qu'il s'agit bel et bien de ma peau.

J'inspire lentement tentant de garder mon calme. C'est peut-être le fruit d'une opération chirurgicale... Je vérifie mes oreilles. Aucune cicatrice. Il s'est passé trop peu de temps depuis une éventuelle opération. Il devrait y avoir une marque. Je réalise soudainement la situation.

Le paysage. Les gens. Les policiers. Mes oreilles. Trop de coïncidences. Tout cela est réel. Je suis dans un monde qui ne devrait pas exister, qui devrait être sorti de l'esprit d'un homme. Mon cœur s'accélère. Je n'arrive plus à penser normalement. J'ai l'impression d'étouffer. Finalement, je m'évanouis.

Tout ce qui est disparu n'est pas forcément perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant