La nuit a été très courte pour moi. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire et de répondre à la totalité des lettres et des mots qui m'ont été envoyés mais j'en ai déjà fait la moitié. J'ai souvent pleuré, mais ce n'était plus des larmes de désespoirs. Néanmoins, ce n'était pas non plus de la joie mais plutôt un entre-deux. Je n'étais ni heureuse, ni triste, j'étais simplement dans un troisième état, plutôt satisfaisant, à vrai dire. Un compromis entre le bonheur et la tristesse. Par contre, je me suis sentie bizarre en lisant tous ces mots destinés à ma propre personne. Toutes ces lettres m'ont requinquées et je me sens différente. Une nouvelle page de ma vie s'est tournée cette nuit et j'en suis fière. Je passe enfin à quelque chose de nouveau même si j'ai conscience que tout ne sera pas très gai.
Je laisse pendre mes jambes dans le vide, assise sur le bord de mon lit. Je réfléchis à toutes ces lettres, aux attentats, à ma grand-mère qui débarquera ce soir, aux commémorations, aux éloges funèbres, au cimetière, à mes amis, à Nathan... Je fais le récapitulatif, comme je le faisais auparavant. Sauf qu'il n'était pas aussi négatif, autant rempli de tristesse.
« Il faut que tu te reprennes Allison, souffle une petite voix dans ma tête. La dépression est une chose, en sortir en est une autre. Dis-toi que tu as toujours tes parents à tes côtés, qu'ils sont et seront toujours là pour toi. Ta grand-mère aussi ne demande qu'à t'aider. Alors lève-toi, mange, va au cimetière, participe aux commémorations, parle, rachète toi un portable, va sur les réseaux sociaux, regarde la télé, va voir les amis qu'il te reste avant de les perdre eux aussi. Vis ta vie, Allison ! Tu le mérites plus que quiconque ».
Vis ta vie... Voilà ce que je devais faire ! Me morfondre ne servait à rien à part me blesser encore plus. Et ça, je venais tout juste le comprendre. J'ai déjà perdu deux semaines à me morfondre, plus deux semaines dans le coma, je ne peux pas continuer sur cette voix là. Il faut que je me ressaisisse. Maintenant. Et sur ce, ma petite voix m'intime de me rendre au rez-de-chaussée, là où toute ma famille se trouve pour le petit déjeuner, comme tous les matins. Alors je quitte mon petit cocon pour aller me laver le visage dans la petite salle de bain attenante à ma chambre. Lorsque je relève la tête, face à mon miroir, la figure dégoulinante d'eau, je vois un petit sourire discret sur mes lèvres. Ce visage me paraît tellement familier mais en même temps tellement lointain. C'était moi. La moi d'avant.
- Enfin..., je soupire en retournant dans ma chambre.
Je passe malencontreusement devant mon grand miroir mural. Mon reflet me fait presque peur. Je prends maintenant conscience de ma maigreur extrême. Mes joues creuses, mes mains osseuses, mon leggings flottant, mes bras aussi large que des poignets de taille normale, mes cheveux tombant. Tout ceci attestent de mon anorexie. De plus, ma taille plutôt grande n'arrange rien à ma maigreur. Je plaque violemment ma main sur ma bouche. Je n'arrive pas à accepter le reflet en face de moi. Cette jeune fille, ce n'est pas moi. C'est impossible ! Je suis horrible. Si Nathan me voit dans cet état s'il se réveille, il ne me le pardonnera jamais. Il ne me pardonnera jamais le fait que je me suis laissée mourir de faim. Je le décevrai au plus haut point...
- Je vais me reprendre, c'est une certitude, je murmure en affrontant mon propre reflet dans le miroir.
Je décide de changer de débardeur pour l'odeur épouvantable que l'ancien avait. Je m'étire tout le corps pour me détendre un peu et je décide enfin de quitter ma chambre, cinq minutes plus tard.
Je descends lentement les marches des escaliers menant au rez-de-chaussée. Je tiens fermement la barre pour éviter de faire demi-tour. Je me suis fixée l'objectif d'aller manger avec ma famille et je le ferai. Si je n'en suis pas capable, je n'ose pas imaginer ce que je deviendrai par la suite. Arrivée en bas, j'ai droit au grand sourire de ma mère qui allait monter à l'étage.
- Bonjour ma puce, me dit-elle doucement pour ne pas me brusquer.
Je suis une marche plus haute qu'elle et je prends l'initiative de lui faire un câlin. Je la prends délicatement dans mes bras et la sert fort.
- Je t'aime Maman.
- Je t'aime aussi, Allison. Je t'aimerai toujours...
Je hume son odeur pour ne plus jamais l'oublier. Et lorsque je me détache d'elle, elle me demande pourquoi ce soudain élan d'amour. Je lui réponds alors, hésitante :
- Je... J'ai lu les lettres qui m'ont été envoyées, cette nuit. J'ai pris conscience de certaines choses. Mamy aussi m'y a aidé. Et j'ai compris que la famille était plus importante que n'importe quoi. Je vous aime et je ne vous l'ai pas montré ces derniers temps. Je veux que ça change, Maman. Je veux changer. Je ne veux plus être maigre, je veux sourire, rire, même après ces attentats. Je veux me relever, plus forte que jamais.
Je n'avais jamais tenu un discours venu autant du cœur à ma mère. Je vois que ça la touche. Son regard en dit long sur sa façon de penser. Elle a les larmes aux yeux, elle veut pleurer plus que tout, pourtant, elle ne verse aucune larme. Elle me fixe simplement, les yeux débordants d'amour maternel. Elle attrape alors mes mains tremblantes et me susurre à l'oreille en s'approchant un peu plus de moi :
- Et nous ferons tout pour que tu sois heureuse. Je te le promets...
Un sourire s'étire sur ses lèvres pulpeuses et elle abandonne finalement l'idée de monter à l'étage pour me prendre par le bras et de m'emmener dans le salon. Mes deux frères, ma sœur ainsi que mon père sont tous regroupés autour de la table de la salle à manger. Seul Erwan est en face de moi et me voit donc le premier. Ses yeux sont grands ouverts et il lance un regard incrédule à ma mère. Le reste de la troupe se retourne et ma sœur saute d'un seul coup de sa chaise pour venir me prendre dans ses bras. Elle me sert fort, de la même manière que moi avec ma mère, quelques minutes plus tôt. Je rigole à gorge déployée, heureuse de l'avoir dans mes bras.
- La véritable Allison est-elle te retour ? me demande Matthew en se levant, un sourcil levé et un sourire malicieux collé au visage.
Je détache le post-it qui me sert de sœur de ma taille et m'en vais retrouver mon grand frère.
- Elle semble revenir progressivement..., je dis sur le même ton que lui, avec un sourire beaucoup moins prononcé.
- Viens par là ma petite Alli ! me crie-t-il en ouvrant ses bras.
Je me dépêche d'aller me blottir dans les bras chauds et musclés de mon grand frère, Matthew. Rien que sa chaleur corporelle me fait oublier, ne serait-ce qu'une seul instant, que j'étais triste, rien que la veille.
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J'espère que ce chapitre vous a plu ? 😏 aussi, merci infiniment pour les 1K vues sur ma nouvelle, OMG ! Bise à vous les Best 😘
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À la Vie, à la Mort !
Short StoryEt la mort a surgit soudain. Elle s'est immiscée dans les moindre recoins de ma vie, détruisant tout sur son passage, y compris ma petite personne. Ma vie a basculé du jour au lendemain à cause d'eux ! Ces monstres qui m'ont tuée en me laissant viva...