☠ Chapitre 21 ☠

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- Je suis prête à tourner la page.

Voilà ce qui me persuade de quitter le cimetière, la tête haute, mes larmes séchées. C'est fini. Enfin. Je vais enfin pouvoir tout reprendre. Je n'oublierai jamais cette épisode épouvantable de ma vie mais je peux vivre avec à présent. J'en suis persuadée maintenant. Lorsque je sors du cimetière et que je me dirige d'un pas lent vers le prochain arrêt de bus, je me sens beaucoup plus légère qu'à mon arrivée. Mon deuil a commencé et j'en suis ravie. Je vais enfin passer à autre chose et rendre mes proches beaucoup plus heureux.

Dans les transports en communs, je demande l'heure à une vieille dame et celle-ci m'indique qu'il est près de quatorze heures. Je manque tomber de ma chaise. Aussi tard ? Je suis restée plus de deux heures et demi au cimetière ? Tant que ça ? Je la remercie et continue le trajet, le regard rivé par la fenêtre. Après un autre changement de bus, je rentre enfin chez moi et, dès que je franchis la porte d'entrée, j'entends une voix féminine se précipiter vers moi.

- Allison !

- Margaux ? Mais qu'est-ce qu'elle fait là ?

Elle court vers moi et me saute dessus. Ses bras me sert tellement fort que j'ai peur de manquer d'air à un moment donné. Je la sers à mon tour, avec moins de force. Lorsque nous nous détachons, je vois que des larmes menacent de tomber d'une minute à l'autre. Moi aussi d'ailleurs. Mais j'essaie de les refouler du mieux que je peux. Je veux qu'elle sache que j'ai changé.

- Tu m'as tellement manquée, je lui dis doucement en la reprenant dans mes bras.

- Toi aussi... Ne pas te voir pendant un mois a été horrible. J'ai tellement eu peur que tu fasses une connerie, Allison. Que tu décides de t'ôter la vie ou quoique ce soit. Je suppliais tous les    jours ta mère de venir te rendre visite mais elle ne voulait pas. Tu ne voulais voir personne, Allison.

Les pleurs avaient enfin coulé sur ses joues rebondis et, toujours dans mes bras, je lui ai embrassé la joue.

- J'ai eu tellement peur de te perdre...

Quelques larmes ce sont finalement échappées de mes yeux et je me rends soudain compte de l'énorme mal que j'ai fait à mes amis. Ceux qui me restent.

- Je suis désolée, Margaux. Tellement...

Elle s'est légèrement reculée de moi pour me regarder dans le blanc des yeux. J'ai esquissé un semblant de sourire et ai finalement remarqué ma mère, à l'entrée du bureau, qui avait suivi toute la scène.

- Montez dans ta chambre, vous serez plus tranquille pour discuter, nous informe-t-elle. Je vais déposer Lylou à la danse. Je t'ai laissé ton repas dans le frigo, si tu veux.

Je hoche la tête et attrape la main de mon amie, après avoir retiré ma doudoune et mes bottines, pour l'emmener dans ma chambre. Une fois dedans, la porte fermée, je m'assois sur mon lit, attendant son questionnaire. Mais, à mon grand étonnement, la grande bavarde qu'est Margaux, ne décroche pas un mot. Elle prend simplement ma chaise de bureau et y prend place non loin de moi.

- J'ai replongé, me dit-elle soudainement. Deux jours après les attentats. Quand j'ai enfin réalisé ce qui s'était passé.

Je ne peux pas en revenir. Margaux, je la connais depuis l'âge de onze ans. Nous étions dans la même classe dès notre entrée au collège. Je connais cette fille par cœur. On a fait les quatre cents coups ensemble. C'était à la fin de l'année de quatrième qu'elle s'était mise à fumer, à l'époque où ses parents avaient divorcés et où elle avait perdu son grand frère dans un accident de voitures. J'étais là pour elle mais elle ne voulait rien entendre. La cigarette avait été son seul refuge face à la mort de son frère, surtout. Un an et demi plus tard, elle avait ralenti sa consommation jusqu'à ne plus toucher au tabac. J'étais tellement fière d'elle, j'avais tout fait pour qu'elle arrête de fumer ces saloperies. Ça avait tellement renforcé notre amitié ! La revoir dans cet état me fend le cœur à un point inimaginable.

- Dis-moi que ce n'est pas vrai Margaux..., je lui demande, les larmes aux yeux.

Mon regard est tellement sincère que j'ai peur qu'elle ne fonde à nouveau en larmes.

- Dis-moi que tu ne t'es pas remise à fumer, dis-moi que ce n'est pas vrai ?!

Elle baisse misérablement la tête. Je n'arrive pas à y croire. Elle ne peut pas avoir replongé. Elle ne pouvait pas avoir brisé notre promesse si facilement.

- Comprends-moi Allison. J'ai perdu mes meilleurs amis. La mort a encore fait irruption dans ma vie. Encore. Je n'ai pas réussi à le supporter. Je n'avais plus personne sur qui me reposer. Je n'avais plus de véritables amis sur qui me reposer. J'étais seule. Définitivement seule. Alors oui, j'ai craqué. Oui, j'ai brisé notre promesse. Mais je ne savais plus quoi faire. J'étais dans ce second état où j'étais complètement paumée. Je suis tellement désolée, Allison...

Face à son récit, j'ai juste envie de m'effondrer mais je ne peux pas. Il faut que je la console, pas que je l'enfonce en pleurant moi aussi. Alors, je lui demande de se lever de sa chaise et de s'approcher. Quand elle se trouve devant moi, je la prends dans mes bras et nous nous laissons toutes les deux tomber sur mon lit. Elle se serre un peu plus contre moi, plaçant sa tête dans le creux de mon cou. Je sens ses larmes couler le long de mon dos mais je ne bouge pas. Je lui frictionne doucement le dos. La laissant se calmer seule.

Après un temps infini à la consoler, c'est elle qui parle en première, me posant une question :

- Sincèrement, Allison, est-ce que tu as déjà pensé à te suicider...?

Cette question me prend légèrement au dépourvu mais je réponds malgré tout.

- Oui, plus d'une fois, si tu veux tout savoir.

- Et maintenant ?

- Non, je veux vivre. Depuis un mois j'ai l'impression de n'être qu'une morte vivante. Je suis en train de faire mon deuil si tu veux savoir. Je revenais du cimetière... D'ailleurs, c'est tellement bizarre les cimetières. Nos amis n'étaient qu'à quelques mètres et pourtant, ils étaient tellement loin de moi...

À la Vie, à la Mort !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant