Chapitre XX : Heathens

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Ian s'avança vers la fae terrifiée et écarta les flammes d'un geste pour lui caresser doucement la joue.

-Je suis désolé ma chère mais c'est vous que la Lumière a choisie.

Son ton doucereux ne trompant personne, Nathan bondit de sa geste et se mouva avec souplesse entre les invités pour faire face au démon. Le fae lui attrapa le poignet et d'un geste brusque, lui fit lâcher le visage de la future victime.

-Vous outrepassez vos droits, je ne vous permets pas de toucher un des membres de la délégation fae, déclara t-il, la moindre trace de respect ayant déserté ses traits et le bras de son adversaire toujours serré entre ses doigts.

Le Stratège accorda à peine un regard à celui qui venait de l'obliger à libérer sa proie. Sa haute stature écrasait le fae impétueux, le ridiculisant sans un mot. Il ouvrit la bouche, répondant comme si c'était une faveur faite à un inférieur.

-Si, j'en ai les droits. Les lois des cérémonies de Lug m'en accordent le privilège et si vous vous y opposez, c'est à sa colère que vous vous exposez.

-Ce n'était pas le rituel prévue ! Vous en avez choisi un autre intentionnellement ! s'écria Nathan. C'est inadmissible !

Ian se figea et se retourna avec une lenteur effroyable. Ce fut d'un visage vide de toute émotion, plus terrifiant que toute manifestation de colère, qu'il accorda au fae qui tenait toujours son poignet.

-Vous m'insultez ? Mettez en doute mon rôle dans cette cérémonie ?

Son bras coincé dans l'étreinte de Nathan commença à rougeoyer. Le fae, se rendant un peu tardivement compte que son intervention n'était pas la meilleure idée au monde, essaya avec des gestes emplis de désespoir de lâcher ce poignet plus brûlant qu'un tison mais ce qui devait sûrement être un enchantement l'en empêchait. L'assemblée émit un hoquet. Il est impossible de jeter un sortilège sans formuler une incantation ! Comment était-ce possible ? Un rire acerbe s'échappa des lèvres du démon.

- Vous avez renoncé à tout droit de contestation lorsque mes armées ont pris ce château. Que croyez-vous, que j'allais vous laisser mener cette ridicule mascarade de cérémonie ?

D'un geste il projeta Nathan sur le sol, le malheureux glissant sur plusieurs mètres avant de heurter le bas de l'autel. Perdu dans sa douleur, il ne s'en rendit à peine compte et se recroquevilla en position fœtale. Maintenant débarrassé de cette pitoyable distraction, le Stratège put reporter son attention sur sa victime aux joues baignées de larmes.

-Pi...pitié, bredouilla t-elle. Je vous en supplie, je suis trop jeune pour mourir.

-La Mort n'a pas d'âge ma chère, susurra t-il à son oreille comme le ferait un amant.

Levant le visage de la fae vers lui, Ian lui caressa la gorge avec ses ongles coupants. Mais alors qu'il allait lui porter le coup fatal, une dague siffla et se planta dans son dos.

L'attaque surprise interrompit le démon. Ne relâchant pas sa proie pour autant, il resta parfaitement immobile. Son sang colora peu à peu ses habits en plus de la lame qui lui mordait la chair et un filet de sang commença à suinter le long de son manteau en soie. Lorsque une goutte vermillon heurta le sol, l'assemblée retint son souffle. Comme si un sortilège l'empêchant de se mouvoir venait d'être brisé, Ian redressa sa tête et déplia ses bras. Ses mains, qui arboraient déjà des ongles à faire pâlir d'envie un chat, étaient désormais courbés en serres déformées par d'immenses griffes et lorsqu'il tourna la tête pour offrir son profil parfait à la vue de tous, sa voix fut plus douce que jamais.

-Vous voulez défier l'Empire Pandémoniaque ? murmura t-il avec un calme trompeur.

Ses mots retentirent distinctement dans la salle et firent naître des frissons parmi tous les êtres présents. Nul n'était berné par l'apparente aménité de son ton. Face à la peur que provoquait sa phrase, le Stratège esquissa un sourire plus sarcastique qu'aucun de ceux qu'il avait offert à l'assemblée.

-Et bien, désormais vous allez en payez le prix ! tonna t-il de toute sa puissance de démon et dépliant brusquement ses ailes noires, déchirant ses habits de cérémonie par la même occasion.

Sa déclaration provoqua deux évènements, une partie des invités se jeta sur leurs armes pour protéger les quelques désarmés psalmodiant des sorts tandis que les gardes postés dans les coins de la salle usèrent de leurs magies pour apparaître entre les belligérants et leur chef. La situation dégénéra instantanément en bataille généralisée.

J'effectuai une roulade pour esquiver un potentiel coup et décrochai mon arbalète de sous mes jupes dans un seul mouvement. Encochant un carreau, jusque là soigneusement dissimulé dans ma coiffure comme une épingle à cheveux ornementée, je guettai une fenêtre de tir avant de me rappeler que je ne pouvais différencier ennemis et pas encore ennemis. La seule menace évidente était le démon, surplombant toujours sa victime.

Comme pour ajouter au chaos ambiant, Ian tira sur le pendeloque en cristal accroché à sa ceinture et le jeta sur le sol. Dans un rugissement, l'artefact s'étira jusqu'à devenir un tigre enflammé dépassant le mètre cinquante au garrot et pourvu de crocs plus acérés que mes dagues.

Je grimaçai à la vue de cette ennemi supplémentaire. Le démon était un mage, pas un sorcier, et ne pouvait donc pas manipuler la vie et les esprits. La créature était de ce fait une créature élémentaire, c'est à dire était composée d'une matière qui était la spécialité du mage. Il était extrêmement difficile de manier une telle créature car le mage devait à la fois contrôler son corps et celui de l'Arcanimal. Le fait que Ian arrive à combattre tout en l'animant était la preuve d'une grande maîtrise de sa magie. Je n'en attendais pas moins de la part de l'un des plus éminents conseillers de Lucifer, mais cela m'aurait bien arrangé qu'il se révèle brusquement être un incompétent à peine capable de balancer un pétard. Je garde le secret espoir qu'un jour tous mes ennemis mourront d'un attaque cardiaque. Ne me jugez pas, j'ai encore le droit rêver ! foudroyante. De plus, statistiquement ce n'est pas impossible, juste hautement improbable.

Cependant entre deux esquives de ma part et un carreau judicieusement placé dans le genou d'un garde, mon cerveau m'alerta d'un évènement étrange. Si le démon arrivait à combattre et maitrisait son Arcanimal en même temps, il en avait néanmoins négligé sa victime. Cette dernière était toujours à ses pieds mais son visage était dénué de toutes émotions. Encore plus étrange, la nymphe traçait d'étranges signes sur le sol avec le sang du Stratège qui maculait les dalles. Soudainement ses traits ondulèrent, révélant un visage des plus humains et indéniablement masculin, et l'ex-fae se redressa avant de hurler une incantation qui se perdit dans les fracas des armes. Le démon l'entendit par contre et se retourna vers elle (Ou lui, le sujet reste ouvert au débat. Dans le doute, j'utiliserai le pronom "ille" ). Ille lui adressa un sourire mauvais avec quelques paroles que je ne pouvais toujours pas entendre puis disparut. Comme ça.

Éberluée, je m'arrêtai momentanément en pleine action. Outre le fait qu'aucun sort de téléportation ne devait être possible entre les murs, ce fut la réaction de Ian qui me pétrifia. Il replia ses ailes, indifférent aux coups de ceux qui tentait de l'atteindre, avant de s'effondrer à genoux sur le sol de la salle. Prenant une profonde inspiration, le Stratège planta ses griffes dans la pierre comme si ce n'était que de la simple terre et dit un mot. Sa magie, déjà puissante lorsqu'elle bafouait les lois les plus élémentaires des écoles de mages, s'exprima en une onde de feu gigantesque qui balaya les membres de la pièce et fit fondre les murs d'ambres.

Sacrément sonnée par cette démonstration pyrotechnique, je ne fus pas aussi alerte que d'habitude. C'est pourquoi je ne me rendis compte qu'au dernier moment qu'une lame s'était glissée sous ma gorge.

-Comme on se retrouve, Sucre d'Orge.

Nox, Livre I : UmbraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant