Chapitre XXXXV : Ready Or Not

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J'ouvris les yeux.

Partout, jusqu'à l'horizon et au-delà, les ténèbres s'enroulaient sur elles-même avec paresse.

Un soupir s'échappa de mes lèvres. Il semblait que j'étais de retour dans la dimension des Nox. Me relevant, je palpais mon corps. Comme la fois précédente, une tunique grisée faite dans une matière à mi-chemin entre le lin et la laine recouvrait mon torse et mes membres tandis que mes armes, ma chemise et mes bottes à talons s'étaient volatilisés. Autant je regrettais l'absence de mes stylets, autant je n'allais pas verser une seule larme pour la disparition de mes instruments de torture en forme de chaussure. Toutefois, ce ne fut pas cela qui me surprit. Car plus que mon changement étrange de tenue, ce fut mon absence de blessure ou de douleur qui confirma mon impression d'être dans un autre monde.

Bienvenue chez toi. Je n'étais pas sûr que tu y arriverais.

Sentant la présence de Sokar à mes côtés, je me tournais vers lui. Comme à son habitude, il ressemblait à l'enfant impie entre un Détraqueur et Slenderman. Ce qui devait sans doute déjà exister dans un coin obscur d'Internet ou dans les scénarios d'un studio hollywoodien en manque d'imagination et d'argent. Mais aucune production, même avec la meilleure volonté du monde (et un budget SFX approprié), ne pourrait reproduire les deux lueurs d'un bleu glacé trouant son visage là où devrait figurer les yeux sur un être humain, ni la complexité des ombres composant son corps. Fascinée par ce spectacle en constante évolution, je laissais errer mon regard le long de ses arabesques brumeuses tout en le questionnant.

Et pourquoi donc ? Qu'est-ce qui a changé entre cette fois et la précédente ?

Son immense corps d'ombre cessa de se mouvoir un instant. Les fumerolles de ténèbres se tétanisèrent, attendant avec patience le bon vouloir de leur maître. Mon divertissement soudainement interrompu, je levai les yeux vers son simulacre de visage. Il mit du temps à répondre, au moins autant que si les mots qu'il devait assembler coûtaient aussi cher qu'une sculpture faite de voitures Ferrari neuves compressées.

Lors de notre rencontre précédente, je ... J'ai dépensé beaucoup d'énergie pour te faire venir ici. Cela m'est impossible désormais. Cette fois-ci, c'était à toi de faire l'essentiel du chemin. Heureusement, tu as réussi.

Mes sourcils se froncèrent. Le ton de Sokar était étrange, inhabituel pour lui. Je n'arrivais pas à mettre le doigt sur l'adjectif approprié ... Si ! Je savais ce qu'il m'évoquait. Ses pensées avaient une note hâtive, comme s'il était impatient. Curieux pour un Dieu avec l'éternité devant lui ...

Que veux-tu dire par "cela m'est impossible" ? De plus, je n'ai pas eu particulièrement l'impression de chercher à rejoindre ce lieu.

Les volutes recommencèrent à se mouvoir le long du corps de Sokar. Mais ils n'étaient plus fluides tel le ballet que j'avais observé, leurs mouvements se faisaient saccadés et irréguliers. Si le Nox était une horloge, je la déclarerai déréglée. Dommage, ce ne serait pas moi qui effectuerai les réparations. Les seuls mécanismes que je comprenais étaient ceux de mon arbalète. Le reste était aussi obscur pour moi que la notice d'Ikea d'une table basse. Oui, j'ai toujours une table à trois pieds devant mon canapé dans mon appartement et ce n'était pas près de changer.

Je possède une réserve d'énergie limitée et chacune de mes actions l'épuise irrémédiablement, me répondit toutefois Sokar. C'est pourquoi je dois prévoir mes gestes avec minutie. Quant à ta volonté de rejoindre ta dimension, elle n'a pas nécessairement à être consciente. Tant que ton for intérieur trouvera refuge en ces lieux, il y reviendra.

Cette explication n'était pas suffisante pour satisfaire ma curiosité. Pourquoi possédait-il une réserve d'énergie limitée ? Était-ce une spécificité des Nox ? Si oui, pourquoi ne m'en avait-il pas parlé ? Si non, quelle pourrait bien en être la cause ? Était-ce lié à mon état ou alors à d'autres Nox comme nous ? Peut-être cela avait un rapport avec les mystérieux ennemis lumineux aperçus durant mon souvenir. Mais, me retenant, je ne lui posais pas. Sa réticence à répondre m'avait fait comprendre que ce sujet mériterait plus de développement lorsque tous les autres événements seraient achevés. Je rangeais donc mes questions dans un coin de mon esprit et me concentrais sur la deuxième partie de sa réponse.

Nox, Livre I : UmbraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant