Chapitre XII : Smells Like Teen Spirit

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Puisque j'avais une potentielle source d'informations sous la main, j'engageais la conversation.

-La prise de pouvoir par les démons a t-elle provoquée beaucoup de morts parmi les employés ?

D'accord, j'avouais que niveau délicatesse c'était un échec critique. Mais il fallait bien commencer quelque part et savoir à qui obéissait les serviteurs étaient une interrogation pertinente.

Le visage toujours aussi expressif qu'une statue de granit, il ne sembla pas dérangé par ma question.

-Le conseiller démoniaque est un maître exigeant mais correct. Les seuls morts à déplorer sont ceux qui se sont insubordonnés de façon évidente donc sa réaction est normale, je crois que sur Terre vous appelez ça la "sélection naturelle".

-Malheureusement, si la génétique fait des miracles, elle reste insuffisante pour éradiquer la stupidité. Je suis une preuve vivante de son échec, puisque j'ai accepté de participer à cette cérémonie.

-Ce n'est pas à moi de vous juger, madame, après tout je suis aussi prisonnier que vous désormais.

-À la différence que vous n'êtes pas étroitement surveillés.

-Certes mais ma famille l'est.

Stoppée nette par sa déclaration tranquille, je cillais.

-Vous avez amené votre famille ici ? dis-je, en me retenant à grande peine de le frapper d'avoir eu une idée plus stupide que le plan Guerre des Étoiles de Reagan.

Il me regarda en face et pour la première fois, je compris pourquoi son visage ne reflétait pas ses émotions. C'était parce qu'elles se cachaient dans ses yeux, exprimant toute l'horreur de sa situation.

-Non et pourtant, ce sont leurs photographies qui m'ont été montrées. Chacun des domestiques a pu contempler l'un de leurs proches sur des clichés ramenés par les démons. Ils les ont même accrochées à un tableau dans la cuisine où nous nous restaurons.

Cela faisait beaucoup de moyens dépensés pour s'assurer de la bonne conduite du personnel. Entre ça et la légion détachée, le bras droit de Luc avait pris à cœur cette affaire. Pourtant, il n'avait pas réussi à maîtriser Maxen. Je me frottais les bras, ayant la désagréable impression de n'être qu'un de ses pions sur l'échiquier de son jeu avec le démon. À croire qu'il avait des motivations bien précises pour ma présence ici. Malheureusement, la perte de mes pouvoirs diminuait grandement ma valeur en tant que pièce. Cela ne voulait pas dire que j'attendrais sagement le prochain mouvement...

Notre conversation avait duré une dizaine de minutes mais c'était suffisant pour parcourir les couloirs jusqu'à la grande salle. Ses grandes portes dorées nous faisant face, ma contrefaçon de majordome anglais (Qui était tout de même d'une qualité irréprochable) s'inclina face à moi.

-Nos chemins se séparent ici,madame.

-Je vous remercie et soyez certain que tous mes vœux vous accompagnent, vous et votre famille, afin que vous sortiez indemnes de cette épreuve.

Sa surprise s'afficha, le rendant plus humain, aussi ironique que ce soit pour une créature surnaturelle.

-Soyez sûre qu'ils seront appréciés à leur juste valeur.

Alors que je me détournais et regardais les battants de bois croulant sous les dorures comme si chaque moulure était en réalité des vipères plus venimeuses qu'une belle-mère après deux verres de vin, il m'interpella à nouveau.

-Je n'ai pas corrigé votre erreur tout à l'heure, mais ce n'est pas monsieur Ian Dubein qui envoyé à vous, c'est monsieur Nathan Gallium. Il me l'a demandé alors que je passais non loin de la bibliothèque, il s'inquiétait de ne pas vous y avoir trouvé. En espérant que cela vous sera utile, bonne journée madame.

Nox, Livre I : UmbraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant