Chapitre XXXX : How Can I Say

3.2K 332 851
                                    

Immobile au milieu de la pièce, je tentais de rassembler mes pensées. Pour se faire, j'utilisais ma technique favorite : focaliser mon esprit sur une tache. C'était toujours plus facile de faire un puzzle si il n'avait qu'une seule pièce. Logique Implacable. Il ne me restait plus qu'à créer mon entreprise de jouets et devenir milliardaire.

Soupirant presque face à ma propre bêtise, je préférais examiner les magnifiques habits dénichés par Eci. Les étalant sur le dessus du lit, je les observais comme si ils allaient me déchiqueter le bras au moindre effleurement. Comprenez-moi, je trouvais suspect que la nahual ait réellement prévu une tenue convenable au milieu de toutes les fanfreluches de dentelles. Cela ne m'aurait pas surpris qu'elle ait prévu quelques petits tours de magie. Et pas du genre sortir un lapin de ses chapeaux. Pourtant, les bouts d'étoffe semblaient inoffensifs.

Un chemisier rouge vif taillé dans un tissu fluide complétait un pantalon noir à la coupe ajustée. Les habits semblaient neufs ainsi qu'à ma taille. L'ensemble aurait presque pu être originaire de la Terre si le bas avait possédé une fermeture à glissière et non des boutons et si il y avait eu des étiquettes. Néanmoins, cela restait de très bonnes imitations. Je me tournais vers l'armoire, armée de la ferme intention de débusquer les sous-vêtements les plus portables. Après trente minutes de fouille intensive et deux dépressions nerveuses, je tirais de ma chasse aux œufs de Pâques une brassière (presque) sans dentelle avec un soutien correct de ma poitrine en cas de combat mais avec suffisamment de lanières pour ligoter un minotaure et un bout de tissu ressemblant presque à une culotte. Mon seul réel réconfort était la paire de bottines à talons compensés dénichée entre deux paires d'escapins à la hauteur hautement périlleuse pour mes chevilles. En cuir noir, elle alliait élégance et confort, ce qui en faisait une pièce rare. Face à ma néanmoins maigre révolte, je soupirais exaspérée. Je ne savais pas quand ni comment mais j'allais me venger d'Eci. Et pas discrètement. Du genre à faire passer la Seconde Guerre Mondiale pour une dispute de bac à sable.

Ayant perdu assez de temps, je me débarrassais de mes vêtements déchirés le plus rapidement possible et en fis une boule crasseuse informe (mais avec plus de matière que le contenu entier de l'armoire). Me sentant poisseuse, ma peau semblait recouverte d'un étrange mélange de sang, de sueur et de crasse. Un cocktail sensitif peu ragoûtant en somme. Je me demandais si Maxen avait une salle de bain mais me voyais mal sortir lui poser la question en petite tenue. Surtout crasseuse. Espérant que la chambre était communicante avec la salle d'eau, je vérifiais rapidement les murs de la pièce. Le problème des placards encastrés, c'était que vous ne saviez jamais si en ouvrant la porte vous tomberez sur une douche ou atterrirez à Narnia. M'approchant des poignées chromées, j'en tournais une au hasard.

Et clignais les yeux en découvrant un petit jardin verdoyant derrière le battant. Devant moi s'étalait ce qui autrefois devait avoir été une cour carrée mais qui depuis avait fusionné avec la jungle amazonienne. Le plafond en verre diffusait une forte chaleur, sans aucun doute magique, tandis qu'un petit ruisseau serpentait à travers la terre meuble pour irriguer les plantes. Curieuse, je m'avançais sur un sentier de galets polis pour explorer les lieux plus en profondeur. Mais j'en eus rapidement fait le tour, le jardin semblait plus grand qu'il ne l'était vraiment. Cette impression était accentuée par la végétation luxuriante recouvrant les murs et grimpant jusqu'au plafond de verre à dix mètres de hauteur. L'herbe m'arrivait à mi-mollet tout en semblant merveilleusement désorganisée. C'était comme si chaque brin avait poussé de manière indépendante des autres, suivant sa vie placide de plante verte, avant de rejoindre sa vaste famille couleur pelouse pour former un tableau champêtre hasardeusement esthétique. Cependant le plus extraordinaire restait les fleurs. C'était elles les véritables maîtresses des lieux et tenaient à le faire savoir. Sortant de tous les recoins, occupant le moindre espace libre, elles jaillissaient dans une explosion de formes, de textures, de couleurs et d'odeurs. Si et là je reconnaissais des plants de lavandes, des bouffées du parfum des hibiscus ou encore du glaïeul esseulé, il y avait aussi des espèces dont je n'aurais jamais osé soupçonné l'existence. Mes découvertes préférées étaient la fleur qui ronronnait, celle aux pétales d'une délicate couleur cuivrée, sa voisine argentée qui semblait plus coupante qu'un rasoir et enfin, l'étrange hybride entre une orchidée et la glycine avec des petites lumières courant le long de sa tige avant de s'enrouler autour de ses pistils. Bien que fascinée par cette profusion fleurie, je dus me retirer à regret. Le temps passait et si je voulais pouvoir me laver avant que l'Empire Pandémoniaque ait conquis le château, il me fallait me dépêcher. Refermant la porte avec délicatesse, je me fis la remarque que j'avais trouvé le jardin secret de Maxen. Cela me fit rire et je décidais que, ayant l'air stupide à rire seule devant un placard, je la sortirai aussi à mon sorcier favori. Rien que pour voir son visage affligé par mon jeu de mot. Que voulez-vous, il faut savoir profiter des petits plaisirs de la vie.

Nox, Livre I : UmbraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant