Chapitre XXIV : i hate u, i love u

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-Tu avances, elle meurt.

Le bluff, une part importante du métier de mercenaire. Je n'étais même pas sûre d'avoir assez d'énergie pour solidifier une aiguille à coudre, alors la tuer...Mais Faelan ne le savait pas et n'avait pas besoin de le savoir.

Le vampire leva les deux mains en l'air pour montrer qu'il n'était pas armé. L'intention était louable, cependant les écailles qui courraient le long de ses bras et de son visage me rappelaient que je ne savais rien tout sur ses pouvoirs et qu'il pouvait très bien être capable de m'atomiser en un mot. De même, je remarquai son léger recul de tête pour se camoufler dans l'ombre. Pas de chance pour lui, j'étais douée d'une vision nyctalope sous cette forme et vis distinctement ses pupilles reptiliennes. J'haussai mon sourcil droit, unique signe de ma perplexité.

Se rendant compte que j'avais remarqué, Faelan soupira et après s'être passé une main dans les cheveux, s'adossa au battant de la porte.

-À croire qu'à chaque fois que je te croise, tu poses problème.

Il était sérieux, là ?

-Tu n'as qu'à faire en sorte que cela n'arrive plus. Ce n'est pas moi qui ait décidé de me faire enlever, lui répondis-je sèchement.

Le vampire n'eut même pas le bon goût de paraître gêné.

-Dans ce cas là, arrête de te mettre sur notre chemin, me rétorqua t-il.

-Votre chemin ? Mais je ne sais même pas de quoi tu parles ! Tout ce que je veux, c'est qu'on me laisse tranquille ! m'emportai-je.

Malgré mon élan de colère, je fis attention à maintenir ma prise sur la gorge de Valentia. Je n'étais pas encore assez folle pour laisser une sorcière libre de parole.

-Tranquille ? Donc tu penses qu'en venant à une cérémonie cachant une réunion secrète afin de contrer l'empire le plus puissant des dimensions connues, le tout invitée par un de ses sorciers les plus influents, tu allais être tranquille ? demanda t-il, abasourdi par ma réponse.

Je grimaçai, reconnaissant que présenté ainsi, c'était particulièrement stupide.

-Certes.

Mon interlocuteur à canines longues continua de me dévisager, attendant sans doute une réponse plus approfondie de ma part. Il pouvait patienter encore longtemps, j'acceptais de reconnaître mes torts, pas de les disséquer. J'ai mes limites au masochisme, non mais.

Après quelques minutes d'imitations de chiens de faïences, divers borborygmes de Valentia et plusieurs coups de coude de ma part pour la faire taire, Faelan soupira et s'adossa à la porte puis se laissa glisser au sol.

-Puisque je n'ai pas l'intention de passer le reste de mon éternité à fixer le blanc de tes yeux, je vais faire le premier pas. Donc je vais poliment te demander de relâcher la Duchesse De Syl avant que son visage devienne aussi rouge que ses cheveux. En échange, je t'assure qu'aucun mal ne te sera fait et que tu pourras partir juste après une petite discussion, m'annonça t-il, un air las plaqué sur son visage.

-Qu'est-ce qui me garantit que tu tiendras parole ? lui répondis-je, circonspecte.

Il agita la main, agacé.

-Tu es bien trop méfiante !

-On appelle ça l'instinct de survie, lui répliquai-je du tac au tac.

Un rire incrédule lui échappa.

-Au vu des situations dans lesquelles je te croise, il est des plus irréguliers, pour ne pas dire inexistant, chez toi. Mais si tu as besoin d'une preuve, ceci devrait te suffire, continua t-il sourd à mon exclamation outrée.

Le vampire retira son épée du fourreau accroché à son dos et la fit glisser vers moi. Nullement rassurée, je fis attention à ne pas la toucher directement et toujours laisser une épaisseur de tissu entre ma peau et elle. Les épées maudites pouvaient être de vraies saloperies, cependant elles avaient besoin d'un contact direct pour pouvoir agir.

Une fois l'arme à la portée de ma main enveloppée des lambeaux de la robe de Valentia, je libérai la sorcière et la laissai se relever. Néanmoins, je me tins tout de même sur mes gardes, en dépit de sa démarche titubante. La Duchesse parcourut les quelques mètres la séparant du vampire et s'affala au sol, juste à coté de lui. Mais sa faiblesse apparente ne me trompa pas lorsqu'elle m'adressa un regard meurtrier, forgé par la haine la plus pure.

À ma grande surprise, Faelan ne tenta pas d'instaurer un dialogue avec moi et se tourna vers sa rousse voisine.

-Spontané ou provoqué ? l'interrogea t-il.

-Spontané. Elle n'a pas eu besoin de mots pour faire appel à ses pouvoirs, répondit-elle d'un ton plus sec qu'un désert.

Comprenant à moitié leur échange, je les interrompis.

-Alors je sais que ça va vous paraître fou, mais je suis à environ cinq mètres de vous. Donc "elle" aimerait bien que l'on parle pas d'elle à la troisième personne.

Valentia leva son sourcil gauche.

-Vous préférez la deuxième du pluriel ? C'est que ça prend vite la grosse tête les jeunes de nos jours.

Alors que j'allais lui décocher une réplique à peu près aussi délicate pour son ego que mes poings dans son visage, le macchabée en eût assez et hurla :

-IL SUFFIT !

La Duchesse et moi le regardâmes, quelque peu offusquées qu'il s'immisce dans notre joute verbale. Ce fut donc d'un accord commun (et tacite) que nous lui adressâmes notre regard le plus réprobateur. Je dus m'incliner face à celui de Valentia qui transcendait l'essence de plusieurs générations de mères et provoquait en chacun l'irrésistible envie de regarder ses chaussures avant de fuir se cacher dans un endroit de préférence sombre et accueillant, comme une chambre par exemple.

Mais Faelan lutta vaillamment face à cette envie et nous décocha à son tour sa version de regard courroucé. Ce qui devait réveiller en nous de la peur, ne fis que provoquer un fou rire incontrôlable. Il perdit de sa superbe face à nos éclats de rire et dut se résoudre à attendre patiemment que nous nous calmions.

-Une fois que vous aurez fini de vous amuser, peut-être que nous pourrions aborder des sujets plus sérieux. Comme par exemple un certain Empire Pandémoniaque, déclara t-il, vexé comme un pou (les deux ont en commun leur capacité à sucer le sang et taper sur les nerfs).

-Et que veux-tu dire, mon cher ? Qu'il faut faire assassiner Lucifer par la Ténébreuse, présente en face de nous ? lui répondit-elle, remise de son hilarité et parfaitement égale à elle-même avec sa voix lascive.

-Quoi, c'est la Ténébreuse ?
-Comment as-tu deviné ?

Nos deux exclamations éclatèrent en même temps, créant une nouvelle phrase sans queue ni tête, "Comme c'est la t'es deviné ? ", digne des pires sms bourrés de 3 heures du matin.

Néanmoins, à la vue de la mine satisfaite de Valentia, elle avait parfaitement compris. Et j'avais du soucis à me faire. Beaucoup de soucis.

Dire que j'ai presque failli l'apprécier.

Nox, Livre I : UmbraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant