★ Chapitre 59 ★

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- Qu'est-ce que tu fous ici ? je demande sans même me retourner.

J'entends ses pas avancer derrière moi mais je n'y pense pas. J'essaie de calmer ma respiration et de ne pas paraître énervée. Malheureusement c'est peine perdu.

- Il fallait que je te parle, Elsa, me répond-il, bizarrement, normalement.

Aucune pointe d'énervement ou de colère apparaît dans sa voix grave.

- Je n'ai pas envie de t'écouter, Shawn.

Je me retourne vivement, le regard rempli de haine. Je vois le visage de Shawn changer du tout au tout. Ses yeux sont grands ouverts, sa mâchoire est crispée, il fait un pas en arrière, l'air d'avoir peur.

- Mais qu'est-ce qui t'es arrivée, Elsa...?

Je ne comprends pas le sens de sa question. Je n'assimile pas ce qu'il veut me dire.

- Tu es blanche, des cernes presque violettes, même si tes lunettes essaient de les cacher en vain, tu as l'air fatiguée comme si tu n'avais pas dormi depuis trois jours et tes yeux... ils sont rouges !

Je rabats aussitôt ma capuche sur ma tête et me précipite vers mon sac afin de partir d'ici. Afin de ne plus voir Shawn. Mais ce dernier m'attrape violemment le bras et me force à m'arrêter.

- Écoute-moi bien Elsa, tu auras beau dire ou faire paraître ce que tu voudras à n'importe qui mais tu ne pourras pas me tromper moi. Arrête de vouloir jouer un rôle. Je sais qui tu es au fond et...

Mais je le coupe, au bord de l'explosion.

- Comment pourrais-tu savoir qui je suis alors que moi-même, je l'ignore ?! Je ne sais pas ce que je fais encore sur cette putain de planète ! Je suis complètement perdue. Alors maintenant arrêtez tous avec vos leçons de morales et partez ! Sortez de ma vie...!

Je le pousse rageusement pour m'en aller mais il en décide autrement et me bloque contre un des murets. Sa tête à une dizaine de centimètres de la mienne.

- Je sais dans quelle situation tu es, Elsa. Je suis passé par là. Voilà, moi aussi j'ai eu un énorme malheur dans ma vie. J'ai perdu ma famille. J'ai perdu ma mère, mon père et ma petite sœur ! Ils sont tous morts dans ce putain d'accident de voitures. Mais tu sais quoi ? Le pire c'est que j'étais là, j'ai tout vu. J'ai entendu les cris, les hurlements, j'ai vu ma sœur passer à travers le part-brise. Je l'ai vu mourir !

Je vois les larmes perler dans ses yeux mais la colère ne redescend toujours pas de mon côté.

- Et tu sais ce que ça fait que de voir les gens que tu aimes le plus au monde mourir ? Ça anéantit une vie. Ça a anéanti MA vie ! Comment se reconstruire après ça ? J'ai passé deux ans de ma vie dans un hôpital psychiatrique. Parce qu'après l'accident je suis complètement devenu fou ! Je voulais mourir, je voulais les rejoindre. Mais avec le temps, j'ai appris à vivre avec cette douleur. Elle ne part malheureusement jamais, il faut simplement arriver à vivre avec. Ça prend peut être du temps mais quand ça arrive, tu revis.

Il relâche doucement la pression qu'il exerçait sur moi. À ce moment là, j'ai le choix de partir en courant, sachant qu'il ne me retiendrait pas ou de rester. J'ai alors choisi la seconde option car je savais que ce qu'il me racontait ce n'était pas du vent, mais bel et bien son passé.

Des larmes coulent alors le long de ses joues. J'ai une grande peine pour lui. J'ai envie de l'enlacer, de lui chuchoter des mots doux, d'essuyer ses larmes, mais je n'en ai pas la force.

- Je ne savais pas quand est-ce que j'aurai l'occasion de te raconter cette histoire mais je pense qu'elle peut te faire réfléchir à présent. Je ne suis personne pour t'empêcher de faire des conneries mais prend le temps de penser avant de passer à l'action. Pense-y...

- Je... Je suis désolée Shawn..., je murmure, les lèvres tremblantes. Désolée pour ta famille...

Nos yeux sont plantés les uns dans les autres. Ils sont humides, remplis d'émotions. Shawn brise alors le silence, doucement :

- Est-ce que tu as raconté à quelqu'un la disparition de ton père...?

- Non... c'est Julian qui en a parlé, pas moi.

Je n'ose pas lui dire pour Nash. Comment le prendrait-il ? Mal, sûrement. Je préfère lui cacher cette vérité. Il n'a pas à le savoir.

Il hoche alors lentement la tête et s'écarte totalement de moi cette fois.

- Je suis désolée, Elsa. Tu ne mérites pas ça. Personne ne le mérite...

J'attrape mon sac pour m'en aller une bonne fois pour toute quand il me dit, sur le même ton habituel :

- Prendre ta revanche ne te rendra pas plus heureuse. Ça ne fera qu'assouvir ta haine envers Julian.

Il a tout entendu. Encore une fois, il sait tout.

Douleur Héroïque // MagconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant