Chapitre 20

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Je vis débarquer l'Allemand avec une veste sous le bras, le visage sérieux, ses yeux scrutant les alentours.
Il regarda Simone, et elle fit un signe vers moi, une lueur d'espoir dans ses yeux fatigués.

— Suis-moi ! me dit-il, la voix basse et pressante.

Personne ne posa de questions quand nous sortîmes, l'air frais me frappant le visage comme une gifle.

— Tu étais à l'atelier de couture avant, c'est bien ça ?

— Oui, répondis-je, ma voix à peine audible.

— À cette heure-là, il y a encore de la surveillance dehors. Tu devras rester prudente. Nous allons ensemble à l'atelier. Je vais prétexter que tu dois réajuster cette veste. Il y a juste une femme qui surveille là-bas. Je vais l'occuper pour que tu ne sois plus dans son champ de vision. Tu fais ce que tu as à faire, mais attention de ne pas te faire repérer. Tu as environ quarante minutes. Après ça, si tu n'es pas là, je te laisse à ton sort.

Je l'écoutai, ma tête hochant lentement, la peur et l'espoir se mêlant dans ma poitrine.
Nous ne croisions personne en chemin. Avec ce froid, tous les surveillants étaient sûrement rentrés. Mais il y avait toujours ceux dans les tours, des ombres menaçantes. Comme j'étais avec un Allemand, ils ne nous prêtaient pas attention, mais le poids de leur regard pesait sur mes épaules.
Arrivés devant l'atelier, la lumière était encore allumée, éclatante dans l'obscurité. Un mélange de nostalgie et d'anxiété m'envahit ; cet endroit était à la fois un refuge et une prison.
Effectivement, la surveillante était là, le visage impassible, attendant son prochain tour.
Elle salua mon complice d'une soirée, son regard scrutateur ne me lâchant pas.

— Ma veste me baille un peu. Elle va s'en charger, annonça-t-il avec assurance.

— À cette heure-ci ? répondit-elle, sceptique.

— Il me la faut pour demain matin. Les autres qui travaillent ici sont au baraquement ?

— Oui, elles viennent de finir. Tu connais le chemin vers les machines à coudre, dit-elle, un brin moqueuse.

— Dépêche-toi, me dit Marc, l'impatience dans la voix.

J'allais donc vers les machines, le cœur battant la chamade, le doute grandissant. Est-ce qu'il tiendrait parole ? De mon poste, je voyais les deux Allemands discuter, un éclat de rire fuyant s'échappant de leurs lèvres. On aurait dit qu'ils flirtaient. Je commençais à faire mine mettre le fil dans l'aiguille. Le boche prit la main de la surveillante et l'amena je ne sais où, et je perdis leur silhouette de vue.
Je pris mon courage à deux mains et me dirigeai vers la sortie pour rejoindre mes amies. Enfin dehors, je regardai autour de moi, rien à l'horizon, la lune cachée par des nuages menaçants.
Je me faufilai dans les coins sombres pour ne pas être aperçue par les Boches dans les tours, leurs projecteurs balayant le sol comme des yeux omniprésents.
L'adrénaline était à son comble. Plus que quelques mètres, j'y étais presque. Le projecteur passa devant la porte du baraquement où se trouvaient les filles, mon ancien chez-moi, si l'on peut dire. J'attendis, le cœur en suspens, puis enfin, la voie était libre. Je courus de toutes mes forces là-bas, l'angoisse au ventre. En entrant discrètement, toutes les têtes se tournèrent vers moi.

— Aria ! crièrent-elles, des cris de joie qui résonnèrent comme une mélodie familière.

— Chut !! dis-je, levant la main pour les calmer.

Je vis la tête de mes deux amies sortir, leurs yeux écarquillés d'incrédulité.

— Aria !

Elles se précipitèrent vers moi, et je me sentis envahie d'une chaleur réconfortante. Jamais je n'avais été aussi heureuse depuis longtemps.

Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant