Chapitre 37

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Il m'attrapa par le bras et m'emmena dans un coin à l'abri des regards. Il resta un moment à me dévisager sans dire un mot, puis il parla enfin :

— Je suis tellement désolé.

— Moi aussi.

— Je ne peux faire autrement, tu le sais hein, Aria ? Dis-moi que tu le sais !

— Oui, je sais que tu n'avais pas le choix de te fiancer, Hantz, répondis-je sèchement.

— Je t'ai proposé de t'enfuir !

— Tu sais bien que c'était trop risqué.

— J'aurais pris tous les risques pour toi.

Il prit le carton de mes mains, le déposa par terre et m'embrassa. Je me laissai faire un instant, puis je le repoussai.

— Arrête, lui dis-je hors d'haleine.

Son regard était désespéré.

— Il faut qu'on cesse, Hantz. Tu vas te marier avec Ingrid. Ton destin est scellé maintenant.

— Mon destin, c'est toi ! Sinon pourquoi t'aurais-je rencontrée ?

— Il n'y a pas de destin entre nous. Rends-toi à l'évidence.

— Toi, tu peux t'y rendre ?

Non, je ne pouvais pas.

— Je dois m'y résoudre, et toi aussi.

Il regarda autour de lui pour voir s'il y avait quelqu'un. Il me prit dans ses bras et me serra fort.

— J'aurais tellement voulu que ce soit toi, Aria.

Je luttais pour ne pas éclater en sanglots. Je l'enlaçai de toutes mes forces.

— Je vais trouver une solution, lâcha-t-il.

Puis, il me laissa en plan, sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit. Je repris le carton au sol et allai le jeter. Je retournai à la fontaine, qui n'en était plus une. Hantz dit à Ingrid qu'il n'y avait plus de verres.

— Comment allons-nous faire ? Depuis ce matin que je me démène pour que tout soit parfait et cette petite incapable a tout gâché !

— Ce ne sont que des verres, Ingrid.

Elle revint vers moi.

— Tu es satisfaite, je parie.

Je ne répondis pas.

— Je t'ai posé une question !

— Non, je ne suis pas satisfaite. Je suis ravie !

Je ne pus m'en empêcher. Quand je réalisai ma bêtise, il était trop tard.

— Soldat ! hurla-t-elle.

Un soldat répliqua immédiatement.

— Donnez une leçon à cette petite insolente.

Hantz me lança un regard lourd de reproches, sans doute pour que je m'excuse. Je préférais me faire battre plutôt que de me rabaisser encore et encore. Le soldat hocha la tête.

— Ingrid ! Voyons, qu'est-ce qu'il vous prend ? intervint une fois de plus la mère de Hantz.

— Il me prend que l'on ne me manque pas de respect. Cette juive se joue de moi, elle doit être corrigée.

— Ingrid, lâcha simplement Hantz.

— Ne t'inquiète pas, Hantz, il ne va pas la tuer, juste lui donner une leçon.

Hantz n'était pas en position de riposter, vu les récents événements. Le soldat m'amena dehors. Je me préparai à recevoir les coups. Ils ne se firent pas attendre. Il me jeta à terre et commença à me rouer de coups dans l'abdomen. J'essayai de me protéger pour atténuer les coups de pied. Après cela, il me releva par les cheveux et me gifla. Une douleur vive traversa tout mon ventre et mon dos, mais je ne pleurai pas. Aucune larme ne coula, je ne leur ferai pas ce plaisir. Il me ramena dans la salle. Malgré la douleur, je me redressai et marchai aussi droite qu'un i. La mère de Hantz me regardait, choquée. Quant à lui, il ne me regardait pas, les mains dans les poches, la tête baissée, fixant ses chaussures.

— Tu peux retourner travailler maintenant, lâcha Ingrid, glaciale.

Ce que je fis.

Les invités commencèrent à arriver. Toute la bourgeoisie allemande était là, et en prime, des proches du cercle d'Hitler. J'essayais tant bien que mal de cacher la douleur qui me terrassait. Je devais assurer le service toute la soirée. Cela ne m'enchantait guère d'assister à ça.

— Ça va, toi ? Pourquoi as-tu répondu tout à l'heure ? Tu es folle, Aria ! me dit Michelle.

— Je n'ai pas pu m'en empêcher. Puis, une gifle de plus ou de moins ! ironisai-je.

— Ce ne sera plus une simple gifle si tu continues. Va donc servir le champagne.

Je pris la bouteille et entrai dans la salle. Je naviguais à travers les convives, proposant à chaque Allemand que je croisais s'il voulait que je remplisse son verre. Ils me mettaient toujours hors de moi, ces sales boches. J'aperçus Amaury au loin. Je ne le voyais que très rarement ces derniers temps. Le matin, sa chambre était toujours vide. Mieux valait l'éviter. Je faisais des allers-retours entre la salle et la cave pour aller chercher encore et encore du champagne.

Puis le banquet commença. Mon ventre gargouillait toujours à la vue de ces boches qui s'empiffraient. Je n'apercevais ni Hantz ni Ingrid. L'orchestre se mit à jouer et les gens commencèrent à danser. Ils avaient l'air si heureux, si insouciants, à rire aux éclats et valser à en perdre la tête.

Soudainement, la musique s'arrêta. Un général monta sur la petite estrade et commença un discours.

— Mes chers amis, tout d'abord, bonsoir à tous. J'espère que vous passez une soirée agréable, moi oui.

Tous les boches s'esclaffèrent. Il reprit :

— Ma chère fille Ingrid va se marier.

Il la pointa du doigt. Je tournai la tête. Ingrid, au bras de Hantz, souriait. Il souriait ! Alors que mon cœur était en miettes.

— Lieutenant Van-Rosen, vous avez choisi ma fille, et elle vous a choisi, pour mon plus grand bonheur. J'espère que vous serez heureux comme je le suis avec ma chère Diane. HEIL HITLER !

— HEIL HITLER ! répondit toute la salle.

Et tous levèrent leur coupe. Je l'enviais, je l'enviais tellement. Elle avait volé mon paradis. Tout était redevenu sombre comme avant.

— Venez donc, venez dire un mot, dit le général à l'attention du couple.

Ils s'avancèrent jusqu'à l'estrade et Ingrid prit la parole.

— Bonsoir à tous. Je ne peux vous exprimer ma joie tant elle est grande. Je vais épouser l'amour de ma vie. Mon premier petit ami, mon premier fiancé, et bientôt mon mari.

Elle regarda Hantz, puis la salle, en lâchant ces paroles. Hantz souriait. Je n'arrivais plus à savoir s'il jouait la comédie ou s'il était sincère. La soirée allait être longue.

— Hantz...

Elle posa sa main sur son épaule.

— Merci à tous d'être venus...

Il hésita, balayant la salle du regard. Il but sa coupe de champagne cul sec.

— Je... je suis très heureux d'être ici. Très heureux que ma mère soit présente. Et très heureux d'épouser Ingrid.

« Il est obligé », me persuadai-je.

Il ne peut pas être heureux de l'épouser. Ils s'embrassèrent et toute la salle applaudit. En été, ils se marieraient. Et moi, j'espérais ne plus être de ce monde d'ici là.

Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant