Jeudi 19 mars 1943
Je m'étais levé avant l'aube. La tête pleine de plans et de doutes, je traversais le village à la recherche de l'église. Les rues étaient désertes, le silence pesant. À un carrefour, un panneau indiquait « église ». Je suivis la direction, essayant de garer ma voiture derrière des arbres, hors de vue.
Je regardais ma montre. Il ne m'avait donné aucune heure précise. Je savais que j'attendrais autant qu'il le faudrait, toute la journée, toute la nuit s'il le fallait. Mes pas résonnaient dans le vide alors que je faisais les cent pas, incapable de rester en place. L'idée de sortir Aria du camp prenait de plus en plus de forme dans mon esprit. À l'heure du dîner, on apportait les repas aux surveillants dans les tours. Aria, avec d'autres prisonnières, préparait parfois ces repas. Il suffirait d'un somnifère dans leur nourriture pour les assommer.
Si tout se passait bien, la voie serait libre à une certaine heure de la nuit. Je pourrais cacher Aria dans le coffre de ma voiture, non loin du camp. Personne ne viendrait l'inspecter.
J'écrasais ma dernière cigarette. Toujours aucun signe de mon contact. Le doute s'immisçait en moi. Pourquoi risquerait-il sa vie pour moi ? Midi sonna au clocher. Le froid me glaçait les os, malgré mes vêtements chauds. Je m'adossai à un arbre, les yeux rivés sur le chemin.
Un bruit me tira de mes pensées. Je me relevai d'un bond, le cœur battant. Une silhouette s'avançait. C'était lui.
— Enfin te voilà, dis-je, ma voix trahissant mon impatience.
Il regarda nerveusement autour de lui.
— Tu es là depuis longtemps ?
— Depuis ce matin.
— Tu es armé ?
— Et toi ?
— Non, mais lui oui.
Je me retournai aussitôt. Un autre homme se tenait derrière moi.
— Qui êtes-vous ? lançai-je, méfiant.
— Ton pire cauchemar.
À peine avais-je eu le temps de réagir qu'une main m'attrapa par le cou. Un mouchoir imbibé d'un liquide étrange se pressa contre mon visage. Je luttai pour reprendre mon souffle, mais l'obscurité m'engloutit.
Une voix lointaine perça l'obscurité.
— Il a l'air de se réveiller.
— T'es sûr que c'est un lieutenant ?
— Ouais, c'est ce qu'il m'a dit.
— Et s'il avait été suivi ? Et nous avec ?
— Ils seraient déjà intervenus.
— Tu n'en sais rien !
— Supposition.
— Balance-lui un seau d'eau sur la tête, il est encore dans les vapes.
L'eau glacée me heurta en plein visage, me ramenant à la conscience avec violence. J'entendais des voix, mais les mots étaient encore flous.
— Réveille-toi, sale boche !
La douleur éclata dans ma tête. Je tentai de bouger, mais mes poignets étaient liés, tout comme mes chevilles. J'étais attaché sur une chaise, pieds et poings liés. Un bandeau noir me couvrait les yeux.
— Où... où suis-je ? murmurai-je.
— Bonjour, mon lieutenant ! lança une voix railleuse.
Le son des voix devenait plus clair. J'étais captif, et ils ne me lâcheraient pas facilement.
— Pourquoi m'avez-vous attaché ? demandai-je, essayant de garder mon calme.
— C'est nous qui posons les questions ici ! rétorqua-t-il sèchement.
Une gifle cingla mon visage, me coupant la parole.
— Comment t'appelles-tu ? Et mieux vaut pour toi que tu dises la vérité.
— Hantz Van Rosen, répondis-je, la bouche sèche.
— Tu étais dans un camp, c'est bien ça ?
— Oui.
— Combien de Juifs y sont prisonniers ?
— Je ne sais pas exactement.
Une nouvelle gifle me fit vaciller.
— Ne mens pas ! rugit-il.
— Je ne mens pas ! Je suis arrivé il y a quelques mois, je ne connais pas encore tous les chiffres.
— Où étais-tu avant ça ?
— Sur le front, à défendre mon pays.
— Qui dirige le camp ?
— Le général Hart et le général Zeman.
— Combien êtes-vous ?
— Sans compter les surveillants, un peu plus d'une trentaine.
Un silence s'installa, pesant. J'entendis une porte claquer. Le silence retomba comme une chape de plomb.
Je restai immobile, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Comment avais-je pu être aussi naïf ? Comment avais-je pu croire que ce juif m'aiderait ? Et ce « pire cauchemar », qui était-il ? Le Fantôme, peut-être. Si c'était lui, il ne me tuerait pas tout de suite. Il voulait des informations.
Je tentai de défaire les liens qui me sciaient les poignets. Mais c'était inutile. Les cordes étaient trop serrées. Mes jambes aussi étaient fermement attachées. Aria... Je ne pourrais pas la sauver. Elle allait m'attendre, en vain. Jamais je ne pourrais tenir ma promesse. Mes pensées tourbillonnaient dans ma tête, emportées par la panique.
Après un long moment, la porte s'ouvrit à nouveau. Des pas s'approchèrent.
— Pourquoi voulais-tu une nouvelle identité ? demanda la voix familière.
— J'en voulais deux, une pour moi et une pour une fille. Une Juive prisonnière au camp.
— Tu mens.
— Pourquoi mentirais-je ? À quoi me serviraient ces faux papiers autrement ?
— J'en sais rien. Mais tu vas me le dire.
— Vous croyez vraiment que je serais venu seul, sans armes, pour un rendez-vous si c'était un piège ? Peut-être que je voulais que vous m'attrapiez. Peut-être que, comme vous l'avez dit, j'ai été suivi. Peut-être qu'à l'heure qu'il est, une escouade de SS vous traque. Et peut-être qu'on vous aura, le Fantôme.
Un coup de poing s'abattit sur mon visage. La douleur explosa dans mon nez, me coupant le souffle.
— Arrête de nous mener en bateau, cracha-t-il.
— Quand je vous dis la vérité, vous ne me croyez pas. Quand je mens, c'est pareil ! Que voulez-vous, à la fin ? criai-je, à bout de nerfs.
Un silence suivi. Puis, avec un ricanement, il reprit.
— Cette fille... pourquoi veux-tu la sauver ?
Je pris une grande inspiration, ravalant ma peur.
— Parce que je l'aime.
Il éclata de rire, un rire froid et cruel.
— Un lieutenant SS amoureux d'une Juive ? Tu veux vraiment me faire croire ça ?
— C'est pourtant la vérité, répondis-je fermement. Si vous la rencontriez, elle vous dirait qui je suis vraiment.
— Tu avais des photos pour les faux papiers, non ?
— Oui. Elles sont dans ma poche.
Il fouilla ma veste et récupéra les clichés. Le silence revint, lourd. Puis, sans un mot, il claqua la porte, me laissant seul dans l'obscurité avec la douleur lancinante de mon nez probablement cassé.
VOUS LISEZ
Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...
Fiksi SejarahJ'ai essayé de résister. Mais rien à faire il m'avait envoûtée. Malgré nos différences, malgré la haine que je devais avoir à son égard. Il n'en était rien. Je l'aimais il m'aimait. Il était le paradis dans mon enfer. un amour interdit dans un décor...