Chapitre 52

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Cela faisait cinq jours que je n'avais aucune nouvelle de Hantz. Cinq jours sans savoir où il était, sans aucun signe de vie. Mon esprit s'imaginait les pires scénarios, et je me rongeais les sangs à l'idée qu'il lui soit arrivé quelque chose. Il devait rentrer le jour même de son départ, mais il n'était jamais revenu.

Je n'étais pas bien. Mon estomac était noué d'angoisse, je n'arrivais plus à manger. La peur m'envahissait, et je ne pouvais me renseigner nulle part, coincée dans cette situation. Durant ces cinq jours, on m'avait affectée à la blanchisserie, mais la journée d'hier marquait la fin de ce travail temporaire. Aujourd'hui, je reprenais mes habitudes, celles que je détestais tant : nettoyer les appartements d'Amaury.

Cela faisait un moment que je ne l'avais pas croisé, et pourtant, chaque matin où je me préparais à le voir, l'angoisse me serrait la gorge. Peut-être qu'il savait où était Hantz, et s'il allait bien... mais je ne pouvais pas me permettre de lui poser la question.

En montant les escaliers vers ses appartements, mes jambes tremblaient légèrement. J'arrivai devant la porte et frappai. Sa voix m'invita à entrer. Il était là.

— Bonjour, Aria, cela faisait longtemps, dit-il avec cet air malicieux qui me glaçait toujours le sang.

Je lui fis un signe de tête en guise de réponse et commençai à ramasser le désordre dans la pièce. Il se tenait sur le balcon, finissant sa cigarette.

— Comment va la vie ? demanda-t-il d'un ton faussement léger.

— Comme d'habitude, Lieutenant Wien, murmurai-je, la voix tremblante.

Je savais qu'il aimait jouer avec ma peur. C'était son arme favorite, et il en usait à sa guise.

— Tu m'as manqué, tu sais, lança-t-il en s'approchant de moi.

Mon souffle s'accéléra malgré moi. Son regard me fixait, froid et insistant.

— Et moi, est-ce que je t'ai manqué ? ajouta-t-il, un sourire en coin.

Je ne répondis pas, préférant baisser les yeux. Mais à la mention de Hantz, je relevai instinctivement la tête.

— Ah, je savais bien que tu avais un petit faible pour lui. Ça se voit, Aria, dit-il, amusé.

— Je ne vois pas de quoi vous parlez, répondis-je trop vite, regrettant immédiatement mes mots.

— Oh, vraiment ? Tu sais mentir en plus, c'est bien. Tu sais ce que lui et les autres ont fait de ta race, il n'y a pas si longtemps ?

— Non... mais vous allez me le dire, n'est-ce pas ?

— J'adore cette insolence, sourit-il. C'est sans doute pour ça que Hantz a craqué pour toi.

— Hantz est fiancé, dis-je, essayant de détourner la conversation.

— Fiancé ou pas, je le connais mieux que toi. Crois-moi, s'il y a quelque chose à savoir, je le sais.

Je baissai les yeux, me concentrant sur le ménage.

— Tu ne veux vraiment pas savoir ce qu'il a fait récemment ?

Je restai silencieuse, mais l'envie de connaître la vérité me brûlait de l'intérieur. Amaury le savait, et il s'en délectait.

— Il y a eu une liquidation des ghettos de Cracovie, reprit-il avec un ton de nonchalance. La plupart des Juifs ont été envoyés à Auschwitz. Tu sais, ce camp... mais pas comme ici, non. Là-bas, c'est différent.

Mon cœur s'arrêta une seconde. J'avais entendu Hantz et Amaury parler d'une « solution finale », de l'élimination de tous les Juifs.

— Un camp d'extermination, Aria. Nous avons pris un grand plaisir à y envoyer toute cette vermine, dit-il en me regardant droit dans les yeux.

Chaque mot qu'il prononçait me blessait profondément, mais je ne voulais pas craquer. Pas devant lui. Hantz n'aurait jamais fait ça, je refusais d'y croire.

— Je peux finir mon travail ? demandai-je d'une voix que je voulais calme.

— Savais-tu qu'il a disparu ? Aucun signe de lui depuis plusieurs jours, continua-t-il sans attendre ma réponse.

Il avait donc remarqué. Mon cœur se serra. Si je lui disais ce que je savais, il pourrait peut-être le retrouver. Mais cela signifiait révéler où il était allé...

— Peut-être une autre mission. S'occuper de vermines comme moi, répondis-je amèrement.

— Je ne comprends pas pourquoi il tient tant à te protéger, murmura Amaury, pensif.

— Il ne me protège pas.

— Ne me fais pas croire ça. Si j'apprends que tu es au courant de quoi que ce soit et que tu ne m'en dis rien, je te tuerai avec plaisir. Comme la dernière bonne que j'ai eue. Elle aussi a mal fini.

Sur ces paroles, il se dirigea vers la salle de bain, me laissant avec mes pensées. Je soupirai de soulagement. Au moins, cette fois, j'avais échappé aux coups. J'accélérai mon nettoyage et quittai enfin ses appartements.

Mais en descendant l'escalier, je tombai nez à nez avec Ingrid. Son visage était préoccupé, et elle me toisa un instant avant de faire demi-tour.

— Tu... elle hésita, comme si parler avec moi la dégoûtait.

J'attendis qu'elle prenne la parole.

— Hantz a disparu, lâcha-t-elle d'une voix abattue.

— Le Lieutenant Wien vient de m'en informer, répondis-je froidement.

— Ah oui ? Étrange qu'il te parle de ça, dit-elle avec un sourire sarcastique.

— Tout comme vous, répondis-je, regrettant aussitôt mes mots.

Ingrid passa de la tristesse à la colère en un instant.

— Avec tout ce qu'il a fait pour que je ne dise rien sur votre petite scène intime... je pensais que tu pourrais savoir quelque chose.

Je me mordis les lèvres. Personne ne savait la vérité, personne sauf moi. Mais je ne pouvais rien dire.

— Vous êtes sa fiancée, qui d'autre pourrait mieux savoir que vous ? Une Juive comme moi ne sait rien de la vie de votre futur mari, dis-je avec amertume.

Avant même que je réalise ce que je venais de dire, une gifle cingla ma joue. Je réprimai l'envie de me défendre.

— Il va falloir t'apprendre le respect, ma petite, siffla-t-elle.

Je brûlais d'envie de tout lui révéler, de lui dire qu'Hantz ne l'aimait pas et que nous allions fuir ensemble. Mais je me tus, ravalant ma fierté une fois de plus.

— Je peux partir maintenant ? demandai-je.

Ingrid m'observa un moment, le regard noir.

— J'espère pour toi que tu ne sais rien. Parce que si c'est le cas, je m'occuperai personnellement de toi. Et ni Hantz, ni sa chère maman ne pourront te protéger, ajouta-t-elle avant de me laisser partir.

Deux personnes dans la même journée qui me menaçaient. Je commençais à perdre patience. Amaury et Ingrid allaient sûrement discuter de la disparition de Hantz, mais il était trop risqué d'écouter leur conversation. Je priais pour qu'il revienne vite. Sans lui, la vie ici n'avait plus de sens.

Ce soir-là, je rentrai tard. Après une douche rapide, je me couchai. Depuis cinq jours, je passais mes nuits à prier. Mais ce soir, je n'en avais pas la force. Mon regard se posa sur Gatsby, le livre que Hantz m'avait offert. Tant de choses s'étaient passées depuis ce jour. Je feuilletai quelques pages avant de sombrer dans un sommeil profond, pour la première fois depuis des nuits.

Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant