Chapitre 38

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- Si nous allions danser, mon amour ? me proposa Ingrid, un sourire aux lèvres.

J'acceptai à contrecœur, comme tout ce que j'avais accepté jusqu'à présent. Elle me traîna sur la piste de danse, et tous les invités nous regardaient avec cette tendresse mêlée d'admiration que l'on réserve aux jeunes couples. J'essayais de cacher mon embarras, l'irritation qui montait en moi. Je me forçais à sourire, mais intérieurement, je me sentais étouffer.

Je fermai les yeux un instant, cherchant à fuir. Dans mon esprit, ce n'était plus Ingrid que je tenais dans mes bras, mais Aria. Je revoyais son visage, si proche de moi, la douceur de sa peau sous mes doigts. Je me remémorai ce jour où je l'avais prise contre son gré, incapable de contenir ce désir qui me consumait. Puis, je me revoyais avec elle dans cette pièce minuscule, les bougies vacillantes illuminant son visage. Chaque moment passé avec Aria m'habitait, et chaque pas de danse avec Ingrid ne faisait que rendre son absence plus insupportable.

Elle était là, quelque part dans cette salle, à quelques mètres peut-être. Et moi, je dansais ici, avec une femme que je n'aimais pas. Je me demandais si, elle aussi, pensait à moi en cet instant.

La musique changea brusquement, devenant plus rythmée. Je m'écartai d'Ingrid.

- Je vais prendre un verre, lui dis-je en me libérant de son étreinte.

- Rapporte-m'en un aussi, s'il te plaît, répondit-elle avec un sourire charmant.

Je hochai la tête et m'éloignai d'elle sans un regard en arrière, soulagé de m'extraire de cette mascarade, ne serait-ce que pour quelques minutes. Au bar, je demandai un whisky, espérant que l'alcool m'aiderait à apaiser ce tourbillon d'émotions. Pendant qu'on me servait, je balayai la salle du regard, à la recherche d'Aria. Où était-elle ?

Je savais qu'elle avait raison, qu'il fallait que nous arrêtions. Mais comment le pouvais-je ? Comment pouvais-je la laisser disparaître dans cet enfer ? Il devait bien exister un moyen de nous en sortir... un plan, un espoir. J'étais prêt à tout pour elle.

Une main me frappa dans le dos, me sortant de mes pensées.

- Hantz ! s'exclama Amaury, avec ma mère à ses côtés.

Je sursautai, secouant la tête pour chasser Aria de mon esprit.

- Nous parlions de notre enfance, mon ami, continua Amaury, hilare.

- Ah... oui... dis-je, distrait.

- Ta mère me racontait comment nous avons failli la rendre folle, ajouta-t-il en riant.

- Quels garnements vous étiez ! C'est toi, Amaury, qui entraînais toujours Hantz dans tes bêtises, intervint ma mère avec un sourire indulgent.

- Vous plaisantez, Madame Van-Rosen ! Hantz était bien pire que moi, croyez-moi !

Je forçai un sourire, mais mon esprit était ailleurs, obsédé par Aria. Cette soirée n'était qu'une succession d'obligations, de faux-semblants. Tout était faux. Je n'arrivais même pas à apprécier l'instant avec ma mère, pourtant si rare.

- Bon, je suis fatiguée, je vais me coucher. Amusez-vous bien, vous deux, dit-elle avant de déposer un baiser sur nos joues.

- C'est une brave femme, souffla Amaury avec une pointe de respect.

- Je sais.

Le reste de la soirée se dissipa dans une brume d'alcool. Je l'avais finalement aperçue, Aria, un bref instant. Elle n'était qu'une ombre dans la foule, et je n'avais pas eu la force de la rejoindre. À chaque fois que nos regards auraient pu se croiser, je baissais les yeux, trop conscient de la présence d'Ingrid à mes côtés. Je savais qu'elle surveillait chacun de mes mouvements.

Quand je regagnai notre chambre, Ingrid était euphorique, encore portée par l'ivresse de la soirée.

- Je crois que je suis pompette ! rit-elle.

- Tu devrais te coucher, dis-je en me dirigeant vers la salle de bain.

- Je n'ai pas sommeil, c'est presque une nuit de noces, non ?

Son ton suggérait bien plus, mais je ne répondais pas. Je soupirai, exaspéré par le rôle que je devais continuer à jouer. Un mensonge après l'autre. Chaque jour était plus épuisant que le précédent.

Je pris un bain, espérant que l'eau froide chasserait la fatigue et l'alcool. Mais rien ne pouvait apaiser l'angoisse qui montait en moi. Allongé dans l'eau, je repassais en revue chaque option, chaque détail. Comment pourrions-nous fuir, Aria et moi ? Comment la sortir du camp sans attirer l'attention, sans nous faire tuer tous les deux ? Je n'avais pas encore de plan, mais une chose était sûre : je trouverais une solution. Je le devais.

Quand je sortis de la salle de bain, Ingrid était affalée sur le lit, endormie, les bras en croix. Je m'allongeai à côté d'elle, mais mes pensées étaient ailleurs, loin d'ici. Je devais rester concentré. Pour Aria.

Le lendemain serait un autre jour. Et il me rapprocherait un peu plus d'elle.

Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant