Chapitre 14

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Le repas approchait de la fin, et j'attendais le dessert avec une certaine impatience. J'avais hâte de voir si cette petite insolente de servante, Aria, était vraiment douée. Je ne savais pas pourquoi, mais elle m'intriguait de plus en plus. À chaque fois que je la voyais, j'avais cette étrange envie de lui parler. Elle était jolie, c'était indéniable, mais au fond, elle n'était qu'une juive. Pourtant, quelque chose en elle me retenait. Et demain, elle viendrait nettoyer mes appartements... Pourquoi lui avais-je demandé ça ? Je n'en avais aucune idée.

Lorsque j'avalai une nouvelle bouchée du dessert, je dus reconnaître qu'elle avait du talent. Mais tout à coup, mon sang se glaça : Ingrid venait d'arriver. J'étais persuadé qu'elle allait gâcher ma soirée, malgré sa beauté éclatante. Elle portait une robe noire qui la mettait en valeur, mais son regard perçant annonçait des ennuis. Je donnai un coup de coude à Amaury, qui s'en rendit compte aussi.

— Les emmerdes commencent, on dirait ! dit-il, mi-amusé, mi-inquiet.
— Je vais me saouler pour ne plus rien voir, répondis-je en trinquant avec lui. Santé, frère !

Le repas se terminait enfin, et les festivités prenaient le relais. J'étais las de ces soirées, toujours les mêmes visages, les mêmes conversations. Pour passer le temps, je fis danser quelques filles, les complimentai, leur lançai des regards charmeurs. Apparemment, elles n'étaient pas insensibles à mon charme. Ingrid, de son côté, ne cessait de me jeter des regards furtifs. Mais en vérité, je ne ressentais plus rien. Je la trouvais toujours désirable, mais c'était tout. L'amour que j'avais ressenti pour elle s'était éteint. Amaury la rejoignit, et je le vis lui caresser la joue.

Je laissai ma cavalière et me dirigeai vers le buffet pour me servir un autre verre. C'est là que je vis son père.

— Bonsoir, mon général.
— Bonsoir, lieutenant. Alors, vous papillonnez ce soir, à ce que je vois ?
— Vous êtes bien informé, dis-je avec un sourire forcé.
— Vous traversez une mauvaise passe, Hantz. Vous revenez du front, vous avez vu des horreurs. Je connais ça, moi aussi. Ça vous embrouille les idées.

Il avait raison, cette guerre avait changé ma vision des choses, mais ce n'était pas ça qui expliquait mes sentiments pour Ingrid. Je tentai de répondre :

— Moi et Ingrid, nous nous sommes aimés, c'est vrai... Mais aujourd'hui...
Il ne me laissa pas finir :
— Ma fille est très triste. Elle pleure depuis une semaine. Je ne peux pas tolérer de la voir dans cet état. Je n'ai pas l'intention de vous forcer, mais j'attends que vous preniez la bonne décision, Hantz.

Il me donna une tape sur l'épaule et s'éloigna, me laissant là avec mes pensées. Ce n'était pas le coup de grâce que j'attendais... Il pouvait, à tout moment, influencer ma permission. Je savais qu'il espérait que je retourne au combat, mais pas avant que je m'occupe de sa fille. Je soupirai. Amaury s'approcha de moi.

— Ingrid est dévastée, tu lui as brisé le cœur.
— Que veux-tu que je te dise ? Je ne la veux plus, Amaury.
— Après tout ce temps avec elle, tu ne l'aimes plus ?
— Je ne vais pas te mentir, je ressens encore quelque chose pour elle, mais je ne veux plus être avec elle. Ce n'est plus une question d'amour, c'est une question de choix de vie.

Amaury soupira.
— Tu devrais lui expliquer ça clairement.
— Son père vient de me m'inciter à bien réfléchir sur ce que je devait faire avec elle.
— Eh bien... Je ne sais pas quoi te dire, répondit-il, hésitant.
— Dis-moi plutôt qu'on va faire la fête ! lançai-je, tentant de changer de sujet.
— Désolé, j'ai mieux à faire, dit-il en s'éloignant.

Je me retrouvai seul, un verre à la main, buvant à une vitesse effrayante. Peu à peu, le monde devint flou, et je savais que j'étais ivre. Très ivre. C'est alors que je l'aperçus à nouveau, Aria, avec son petit uniforme de servante, portant un plateau d'amuse-bouche. Sans réfléchir, je l'attrapai par la taille et déposai son plateau sur une table.

— Danse avec moi, lui ordonnai-je.

Elle sembla hésiter, puis se laissa entraîner. Je la serrai contre moi, et elle ne protesta pas. Son regard était nerveux, mais personne ne faisait attention à nous. Je la fis tourner et me penchai près de son visage.

— Tu es très belle, Aria, murmurai-je.

Je devais être fou. C'était sûrement l'alcool qui parlait. Avant que je ne puisse comprendre ce que je faisais, Amaury surgit et la repoussa violemment. Elle tomba à terre, terrorisée.

— Tu es complètement fou, Hantz ! cria-t-il.

Je partis dans un éclat de rire, incapable de m'arrêter.

— T'es jaloux ! répliquai-je, nargueur.

Amaury me prit par le bras et me traîna dehors. L'air frais me fit un bien fou, mais mon estomac se retourna. Quelques instants plus tard, je vomissais tout ce que j'avais bu.

— Qu'est-ce qui t'a pris, Hantz ? grogna Amaury.
— Fous-moi la paix, dis-je en essuyant ma bouche.
— Tu as dansé avec une juive devant tout le monde ! Tu te rends compte des conséquences ? Si je n'étais pas intervenu, quelqu'un aurait pu te surprendre !

Je n'écoutais plus. L'alcool m'embrumait l'esprit. À ce moment-là, Ingrid arriva.

— Amaury, je vais prendre le relais, dit-elle.

Je lançai un regard suppliant à Amaury, mais il me laissa tomber.

— Désolé, Hantz. J'ai laissé une demoiselle en détresse.

Je grognai et me laissai entraîner par Ingrid. Elle m'aida à rejoindre ma chambre, et là, elle me déshabilla doucement, me préparant un bain.

— Un bain te fera du bien, murmura-t-elle.

L'eau chaude apaisa légèrement mon ivresse. Après quelques minutes, je me séchai et me dirigeai vers le lit. Ingrid était déjà allongée, endormie. Trop épuisé pour protester, je m'allongeai à côté d'elle, cherchant un peu de chaleur. Avant de sombrer dans le sommeil, je sentis son corps contre le mien, et pour la première fois de la soirée, je me sentis en paix.

Je suis tombée amoureuse de mon ennemi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant