La Villa Gialla : Tome 2

Chapitre 1

Chapitre 1

Il existe, au bord de la Méditerranée, à côté de Naples, en Italie, un tout petit village nommé San Gennaro. Et, un peu à l'écart de ce village, il y a une grande maison jaune, avec un jardin surplombant la mer. Dans cette maison, la Villa Gialla, vit une famille un peu spéciale, que nous connaissons bien.

Aux heures les plus sombres de la nuit, Grace LaFonte, alias Mama Bayou, est en train de rêver. C'est un songe qui, d'abord, lui paraît tout à fait normal.

Elle est de retour en Louisiane, dans les marécages du Mississipi. L'eau est aussi verte que les cyprès chauves et les chênes d'eau qui y trempent le bout de leurs feuillages. L'endroit est sombre, et la mousse espagnole, avec ses longs lambeaux blanchâtres, ressemble à des filaments de fantômes pris au piège dans les branches. Dans son sommeil, Grace sourit : elle est chez elle.

Au pied d'un arbre aux racines énormes, dans un petit coin hérissé de roseaux, une silhouette apparaît. C'est une femme, et l'une des plus belles de toutes.

Sa peau a la couleur du chocolat. Ses cheveux sont comme le poème de Baudelaire. Son visage est la perfection même. Elle est vêtue de voiles roses et bleus, et porte de gros bracelets et colliers d'or. Pas de doute : il s'agit d'Erzulie Freda, l'esprit de l'amour.

Grace pense soudain qu'elle n'a rien à faire dans ce décor un peu lugubre. Et puis, Erzulie parle, et sa voix emplit le songe de Grace comme un incendie.

- Grace, ma sœur, l'heure est grave.

D'un mouvement à faire pâlir d'envie une danseuse classique, elle indique un coin du bayou envahi par les ténèbres. Des formes s'agitent, et Grace distingue une menaçante meute de chiens, de tailles et de races différentes ; mais tous ont le poil d'un noir malsain.

- Ce sont des esprits de la vengeance. Ils rôdent depuis quelques temps autour de moi et sont de plus en plus puissants.

- Que puis-je faire pour t'aider, ô Erzulie Freda ?

- J'ai en effet une mission à te confier. Ces animaux vont m'attaquer et ils sont trop nombreux pour que je puisse les repousser sans dommage. À chaque fois qu'ils m'atteindront, je devrais me réfugier dans un corps et y puiser de l'énergie.

- Un corps ?

- Pas n'importe lequel. Celui de notre fille à toutes les deux.

- Astrid ! souffle Grace, et l'image de la jeune femme se superposa un moment à celle d'Erzulie.

- Elle est forte, mais elle ne survivra pas indéfiniment à ma présence, même sporadique. Elle aura d'abord un comportement...étrange. Le mien.

Erzulie sourit très brièvement, et reprend d'un ton grave :

- Puis, elle mourra. Je n'ai pas le choix.

- Y a-t-il un moyen de la sauver ?

- Oui. Deux choses devront être faîtes. Deux longues et difficiles quêtes à mener. Toi, Grace, tu devras effectuer un rituel de la Lune, pour moi.

- Ce sera fait, ô Erzulie.

- Pour renvoyer ces chiens dans le néant et rééquilibrer le monde des esprits, elle va devoir faire appel à une déesse très ancienne, qui n'existe plus mais qui a laissé des marques de sa puissance dans ce monde.

- Elle ?

- Je parle de la jeune femme qui porte des cicatrices, sur le visage et sur le cœur.

- Leïla Muhammad ?

- C'est elle. Dis-lui de trouver la Plume de Maât et répète-lui mes paroles. Je sais qu'elle comprendra.

Un molosse hideux se jette soudain sur Erzulie, qui le repousse d'un mouvement de la main. L'animal maléfique est expédié en arrière, montre les crocs et se fond de nouveau dans le brouillard noir que forme sa meute.