Chapitre 10
Le jet privé de Prosper Bala se posa doucement dans une clairière au bord du filandreux fleuve Congo. L'homme armé fit descendre ses occupants et les aligna comme les Dalton. Puis ils attendirent. Mama commençait à s'impatienter quand apparut un petit groupe d'hommes, au centre duquel se tenait le fameux Célestin, en tenue de militaire avec pantalon en treillis, grosses bottes noires et béret. Il portait des lunettes de soleil et une énorme montre de marque. Sur son épaule était nonchalamment jetée une peau de panthère.
- Tu croyais vraiment que tu pouvais prendre ton avion et m'échapper, fripouille ?
Prosper ne répondit pas. Une goutte de sueur perlait sur son front. Célestin lança un coup de menton vers Mama :
- C'est qui, ça ? Ta femme ?
- Je suis Grace LaFonte, répondit Mama.
- C'est une sorcière, intervint soudain l'homme qui avait détourné l'avion.
Il tira sur le gri-gri que Mama portait au cou.
- Moi, je sais les reconnaître, les sorcières ! Croyez-moi mon général.
Célestin vint se planter si près de Mama qu'elle sentit le parfum dont il s'était copieusement arrosé. Elle eut du mal à ne pas froncer le nez.
- Je suis le général Célestin Kabara. Pourquoi étais-tu dans l'avion de Prosper Bala ?
- Mon avion pour l'Éthiopie a été annulé, alors il m'a proposé de me dépanner en m'y déposant avec son jet privé.
- Vous ne vous connaissez pas ?
- Non, répondit Mama sans mentir.
- C'est vrai que tu es une sorcière ?
Quelle réponse la sauverait ? Oui ou non ? Mama hésita un long moment.
- Oui, finit-elle par lâcher.
Célestin ôta ses lunettes pour la regarder dans le blanc des yeux. Sans bouger, il fit un signe vers ses hommes qui s'emparèrent de Prosper et de son pilote, qui se mirent à hurler. Une rafale de mitraillettes les fit taire définitivement. Mama eut du mal à ne pas ciller.
- J'ai des tas d'ennemis dans le coin, des ennemis qui veulent ma peau. Est-ce que tu crois que tu pourrais faire des poupées ?
- Des poupées ? répéta Mama, ahurie.
- Des poupées vaudou, celles où on peut planter des aiguilles pour maudire nos ennemis.
Mama ne croyait pas du tout au pouvoir des poupées vaudou ; ce n'était qu'une légende que le cinéma avait repris à son compte pour faire des films ridicules. Mais elle dit :
- Je peux peut-être, oui. Mais pour en faire, il me faut quelque chose qui appartient à vos ennemis, un cheveu, un bout d'ongle ou de peau...
Elle savait qu'ainsi, elle bénéficierait d'un sursis. Célestin remit ses lunettes.
- Très bien, femme. Tu viens avec nous au camp. Tu seras bien traitée, Grace LaFonte, parole du général Kabara.
Il fit un nouveau signe à ses hommes, et ils quittèrent la prairie, laissant derrière eux le jet privé et les cadavres du pilote et de Prosper Bala, dont le sang avait rougi l'herbe brûlée par la saison sèche.
***
Daniel devait repartir au Canada : mais cette fois, il avait prévu quelqu'un de confiance pour veiller sur Astrid. C'était sa mère adoptive, Viviane, qui était arrivée en Italie la veille de son départ. Petite, elle se tenait droite comme un i. Ses cheveux blancs étaient coiffés en une coupe courte et moderne, et des lunettes rectangulaires dissimulaient en partie ses yeux chocolat. Elle rayonnait d'une autorité naturelle qui impressionna Astrid.
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La Villa Gialla : Tome 2
AdventureQuelques mois ont passé. C'est l'été et les vacances pour les habitants de la Villa Gialla. Mais alors que tout semble paisible, Mama Bayou fait un drôle de rêve... Tome 2 : La guerre des esprits (La guerra degli spiriti) La SUPER MAGNIFIQUE OUFISSI...