Chapitre 14

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Chapitre 14

Plus les jours passaient et plus le Salvatore originel disparaissait. Daria était morte d'inquiétude, et déchirée. Devait-elle arrêter de lui donner de l'aphrodisiaque et le laisser redevenir lui-même, mais risquer de le perdre ? Jamais elle ne pourrait vivre sans lui. Mais l'homme qu'elle aimait était fier, un peu arrogant, sûr de lui, mais aussi protecteur et fragile. Or là, il n'était plus qu'un fantôme. Pour tenter de le ramener, Daria avait utilisé ses mains, ses lèvres, et ses mots. Peine perdue. Salvatore lui échappait.

Alors qu'elle rentrait d'une balade solitaire autour du lac d'Averno, qu'elle adorait, Daria vit qu'Astrid avait laissé, pour la première fois, un message sur le téléphone portable de Salvatore. Elle le lut et les larmes lui montèrent aux yeux. Il disait : « Je sais que tu ne veux plus me voir, ni me parler. Mais je t'en prie, fais-moi au moins un petit signe. Je commence à être si inquiète...Je t'aime ».

Daria se précipita vers Salvatore, qui contemplait un point fixe par la fenêtre.

- Oh, regarde ce que ta fille t'a envoyé !

- Ma fille ? répéta-t-il. Je n'ai pas de fille.

- Mais enfin ! Astrid !

- Qui est Astrid ?

Daria eut l'impression qu'un géant la piétinait, qu'elle recevait un énorme coup de poing dans la figure, et que son estomac sautait à l'élastique ; tout cela en même temps. Regarde ce que tu as fait, espèce de monstre ! se hurla-t-elle intérieurement. Salvatore tendit la main vers son café. Mais Daria le lui arracha et alla vider son contenu dans le lavabo. Il ne réagit même pas. Elle se précipita dans ses bras en sanglotant.

- Oh, pardon ! Pardon, j'ai été tellement égoïste !

- Pourquoi dis-tu cela ? demanda-t-il, l'air ahuri.

Daria l'embrassa et éprouva un terrible pincement au cœur. Quelque chose, au fond d'elle, lui soufflait que c'était son dernier baiser. Mais cet amour était artificiel, et toxique pour lui. À cause de moi, il a oublié la personne qu'il aimait le plus au monde. Daria alla trouver Gloria, qui faisait la vaisselle en sifflotant gaiement.

- J'arrête, déclara Daria.

- De quoi parles-tu ?

- De l'aphrodisiaque.

- Oh, on en a déjà parlé cent fois...

- Je sais. Mais Gloria, rends-toi compte...il a complétement oublié Astrid.

- Formidable ! C'est la meilleure chose qu'il puisse arriver !

- Mais je ne veux pas qu'il oublie sa propre fille à cause de moi !

- Ce n'est pas sa fille. C'est juste une gamine qu'Antonio Cavaleri a ramassé dans un orphelinat glauque du fin fond de l'Andalousie.

- C'est l'enfant de ses meilleurs amis, Alvaro et Esperanza. C'est toute sa vie.

- Non ! C'est toi, sa vie, à présent. Daria, je crois que tu ne te laisses pas suffisamment aimer, ma grande. Profite !

- J'arrête, répéta Daria. Je ne supporte plus de le voir dépérir ainsi.

Le visage de Gloria vira au rouge pivoine. Elle se dirigea lentement vers un placard, qu'elle ouvrit. Quand elle se retourna, Daria vit la petite chose noire dans sa main.

- Quel dommage, vraiment, soupira Gloria. Tout ce que je t'ai offert...et que tu viens de sacrifier. Quel dommage...

                                                                                            ***

La Villa Gialla : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant