Chapitre 13

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Chapitre 13

Madeleine déchanta vite. L'épisode héroïque du match de basket ne dura pas. Bientôt, Edna l'abandonna et partit courir la ville pour en apprendre plus sur la présence potentielle d'Arthur Hillbury Junior ou du gang de Portoricains. Avant de la laisser seule, elle lui donna néanmoins un guide intitulé : « Le New York insolite » et lui dit :

- Va visiter, ma chérie ! C'est vraiment une ville fantastique ! Amuse-toi !

Faire du tourisme en solitaire n'enthousiasmait pas Madeleine, qui tenta un :

- Je pourrais t'accompagner, plutôt ?

- Non ! Surtout pas ! C'est à cause de moi que nous avons dû quitter Las Vegas, je ne veux pas te mêler à mes tristes déboires personnels. Et puis, tu n'es pas seule, tu as Citrus !

Le golden retriever en profita pour mordiller avec affection la cheville de Madeleine.

- Formidable.

Edna était partie, et Madeleine avait dû se résoudre à prendre le guide, Citrus, et le plan du métro. Elle commença par aller voir les morceaux du mur de Berlin exposés sur Madison Avenue, puis le mémorial de la Grande Famine irlandaise, la sortie secrète du métro new-yorkais, située dans un petit immeuble en briques rouges, l'avenue numéro six et demi, l'étonnante statue de Lénine à Red Square, et termina par le marché aux puces de Brooklyn. Elle déjeuna dans un restaurant philippin et alla se promener dans Chinatown et l'iconique Times Square. Citrus, fou de joie, remuait la queue, la langue pendante, dès qu'elle prenait une pause et tirait sur sa laisse en aboyant.

Madeleine rentra à l'appartement en espérant y trouver Edna, mais cette dernière n'était toujours pas là. Elle se laissa tomber sur le canapé, où le chien vint la rejoindre pour poser sa grosse tête sur ses genoux.

- On fait une telle histoire de New York, qu'au final, on est déçu, fit Madeleine à voix haute.

Citrus approuva d'un grognement.

- Ta maîtresse doit bien s'amuser, elle. La preuve, elle ne dînera sûrement pas avec nous.

Madeleine soupira en se rendant compte qu'elle parlait à un chien. C'était ainsi que sa mère, Marie, avait commencé à perdre la tête. Elle discutait avec son caniche, et quelques mois plus tard, avec son grille-pain. Pourtant, Marie avait longtemps été une femme très clairvoyante. C'était une croqueuse de diamant : elle avait eu pas moins de six maris scandaleusement riches, et le triple d'amants qui l'étaient tout autant. Madeleine était passée de beau-père en beau-père et de maison en maison. Son vrai père, elle n'en avait jamais entendu parler. Marie était très belle, et savait manipuler la gente masculine. Elle répétait souvent :

- Ma fille, n'oublie pas que la plus grande arme des femmes, ce ne sont malheureusement pas leur cerveau.

Madeleine n'avait compris l'allusion sexuelle qu'adolescente, quand sa mère avait lentement basculé dans la folie. Marie avait passé la fin de sa vie dans une clinique privée hors de prix, qui avait en partie grignoté la fortune qu'elle avait hérité de son dernier mari.

Madeleine avait compris que l'argent ne protégeait pas de tout. Pourtant, l'idée de ne pas vivre dans le luxe lui était insupportable. Alors, comme elle n'avait pas le courage de sa mère, qui acceptait de dormir dans le lit d'un homme qu'elle n'aimait que pour son porte-monnaie, Madeleine avait trouvé une solution plus radicale. Elle était devenue trafiquante d'êtres humains, cruelle et futile. Mais son dur séjour à la P.I.H.S l'avait calmée. Elle avait rencontré Astrid, qui avait été élevée au milieu de criminels endurcis mais qui trouvait choquant qu'on puisse vendre des gens. Et elle avait retrouvé Edna, dont le business était tout aussi lucratif, en restant beaucoup plus discret. Sa vie avait bien changée.

La Villa Gialla : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant