Chapitre 20
Louxor, à l'époque des pharaons, se nommait Thèbes. On y adorait Amon, Mout et Khonsou. Aujourd'hui, on pouvait y visiter Karnak ou la Vallée des rois et des reines. Quand Leïla y arriva, elle eut beau chercher, fouiller, interroger, enquêter, elle n'y trouva nulle trace de la Plume de Maât. Elle savait qu'on vénérait la déesse dans le sanctuaire de Karnak et dans le temple de Deir el-Médineh, mais après avoir discuté avec une dizaine de guides, elle n'avait rien appris de nouveau. Leïla s'assit sur un banc et finit par prendre une décision.
Elle commença par se reposer, et prit un imposant repas. Son pêché mignon étant les sucreries, elle en mangea comme si c'était la dernière fois. Ce qui était peut-être le cas. Elle remplit aussi sa gourde d'eau fraîche.
Leïla traversa le Nil et dépassa la Vallée des rois, à l'ouest. Sur le haut d'une dune, elle se retourna pour observer une dernière fois la ville. Puis elle s'enfonça dans le désert beige et crayeux. Comme elle n'avait pu obtenir aucun indice des humains, elle allait laisser les dieux, ou les esprits peut-être, la guider. S'ils décidaient de la faire mourir dans le désert, alors, tant pis. Ce serait son destin.
Comme souvent, elle invoqua l'image de ceux qu'elle aimait : Björn, qui versait du sirop de menthe dans son chocolat chaud. Kate, les mains sur les hanches, en train de crier pour une raison quelconque. Ahmet, lui proposant d'essayer un corsage rose, elle qui était toujours en noir. Le docteur P qui fabriquait une mini-montgolfière dans le jardin de la Pension. Le sourire un peu gêné d'Astrid quand elle lui avait parlé de Björn. Et enfin, sa mère sur son lit de mort, insistant pour qu'elle prenne sa main de Fatma.
Sa mère qui n'avait pas pu empêcher son père de signer le contrat de mariage avec Omar Jawad. Mais qui l'avait envoyée à la Pension, lui sauvant la vie. Malgré cet acte qui méritait bien un pardon, les liens du sang étaient rompus pour toujours. Alors Leïla avait regardé sa mère mourir sans une larme.
Bientôt, elle n'y penserait plus. Mais elle ne l'oublierait pas pour autant.
L'Égyptienne finit par perdre la notion du temps. Elle buvait quand sa gorge était sèche. Elle reprenait son souffle quand son corps le réclamait. Elle marchait, guidée par le Ciel, le hasard, l'instinct. La civilisation disparaissait, se dissolvait dans le désert, immense, qui semblait sans fin. La sueur coulait sur ses joues comme des larmes. Elle songea à Nour. À présent, elle devait être chez sa tante Djamila, à Milan. Elle pouvait commencer une nouvelle vie, guérir de la blessure infligée par Omar Jawad, faire des études et tomber amoureuse. Ah, Omar Jawad ! Ce monstre était encore en vie, et devait déjà chercher la jeune vierge qui serait sa prochaine et éphémère épouse. Comme Leïla regrettait de ne pas pouvoir le tuer ! Elle le ferait sans hésiter, sans trembler. Elle n'aurait pas peur. Le sang ne lui avait jamais rien fait : d'ailleurs, elle faisait des études de médecine et comptait devenir chirurgienne.
Leïla s'arrêta soudain sous le soleil chauffé à blanc. Elle venait d'apercevoir, au pied d'une dune, une portion de sable qui semblait différente. Elle s'approcha, la contourna, l'observa. En y plongeant la main, elle s'aperçut que le sable s'écoulait vers l'intérieur, comme s'il y avait une cavité en dessous. Leïla se pencha, prit sans s'en rendre compte appui sur le sable meuble, et bascula brutalement, la tête la première, dans un puits d'obscurité.
***
L'espoir qu'avait rallumé la rencontre avec Emilio Caramanti disparut bien vite quand Salvatore entra à la prison de Poggioreale. Les murs, mi jaunes, mi gris, étaient sales et écaillés, les lumières glauques et vacillantes. On lui fit passer une visite médicale particulièrement humiliante où il dut se déshabiller complètement. Puis on le conduisit dans la cellule qu'il partagerait avec huit autres individus, avec qui il devrait aussi manger.
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La Villa Gialla : Tome 2
MaceraQuelques mois ont passé. C'est l'été et les vacances pour les habitants de la Villa Gialla. Mais alors que tout semble paisible, Mama Bayou fait un drôle de rêve... Tome 2 : La guerre des esprits (La guerra degli spiriti) La SUPER MAGNIFIQUE OUFISSI...