La Villa Gialla : Tome 2

Chapitre 26

Chapitre 26

La nuit était tombée sur Mumbai à son tour, et les grands bateaux qui flottaient dans le port ressemblaient à d'immenses créatures endormies. La ville bourdonnait comme une abeille prise au piège. Comme toutes les grandes agglomérations, Mumbai ne dormait jamais.

Ahmet vit arriver en premier Meera et Kumar, portant plusieurs grosses valises. Puis, comme une volée d'oisillons, les six orphelins, Gita, Deepali, Raj, Anil, Arjun et Priya, apparurent, chacun avec un minuscule baluchon.

- Tout le monde est là ? murmura Ahmet.

- Oui !

- Personne n'a rien oublié ?

- Non !

Ahmet distribua les faux papiers à chacun.

- Le bateau part dans une demi-heure pour l'île Maurice. Avec l'argent de Meera et celui que je vous ai donné, ou plutôt qu'Astrid vous a donné, vous avez de quoi acheter une assez grande maison pour vous huit.

- On va vivre tous ensemble ? s'écria Deepali.

- Si ça ne dérange pas Meera...

- Oh bien sûr que non ! fit l'actrice. J'ai toujours voulu avoir une grande famille,

- C'est où, l'île Maurice ? demanda Gita.

- Dans l'océan Indien, près de Madagascar. C'est très joli, tu verras.

L'heure des adieux vint rapidement. Deepali fut la première à sauter au cou d'Ahmet.

- Merci de m'avoir trouvée !

- Grâce à toi, on ne marchera plus sur des bouts de verre, dit Anil.

- Nous n'avons jamais été des fakirs, de toute façon, renchérit Arjun.

- Je t'enverrai une carte postale, si c'est vraiment joli là-bas ! s'exclama Gita.

- Voici pour toi, sourit Priya en lui passant une guirlande de fleurs autour du cou.

- Je continuerai à dessiner, promit Raj.

Ce fut au tour de Kumar. Il serra virilement la main d'Ahmet.

- Merci, mon vieux. Nous allons commencer une nouvelle vie. Tu remercieras aussi Astrid. J'étais sûr qu'elle nous avait oubliés, et que nous n'avions plus rien à attendre d'elle...et je suis désolé, poursuivit-il en se tournant vers les enfants. Je vous ai abandonnés.

- Ne t'inquiète pas, tu avais une bonne raison, répliqua Raj en riant.

- C'est gentil, fit Meera, avec un sourire éblouissant. Merci, Ahmet. Pour tout.

- Hé ! Tu nous inviteras pour nous montrer ton film !

- Évidemment.

Alors que la petite troupe se dirigeait vers le bateau, se retournant tous les deux mètres pour faire coucou avec la main, Ahmet se souvint de quelque chose, et s'écria :

- Meera ! Si je tourne un jour mon scénario, vous accepteriez de jouer le rôle principal ?

- Avec plaisir !

Ahmet resta sur le quai très longtemps, jusqu'à ce que le bateau disparaisse à l'horizon. Il éprouva un grand sentiment de solitude et d'arrachement, comme s'il avait perdu sa famille. Mais quand il fit enfin demi-tour, il était heureux.

- Rendez-vous à la Mostra, dit-il à haute voix.

***