Chapitre 30

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Chapitre 30

La petite chirurgienne vint voir Lars, Naranbaatar et Mikhaïl et leur annonça dans un anglais saccadé :

- L'opération s'est bien passée. Elle va bien.

Lars expira si longuement qu'on aurait pu croire qu'il avait retenu sa respiration depuis leur arrivée à l'hôpital. Il remercia la chirurgienne, puis se leva et alla aux toilettes où il recracha dans la cuvette ce qui restait dans son estomac, c'est-à-dire principalement du café. Il se redressa et se rinça la bouche au lavabo. C'était la première fois qu'il vomissait de soulagement.

Bien que son dos soit douloureux à cause du dossier du siège en plastique, il retourna s'y asseoir avec un soupir d'agrément. Mikhaïl lui sourit et agita son téléphone.

- Je crois que d'autres personnes seraient contentes d'apprendre la nouvelle.

- Je m'en occupe.

Lars composa le numéro de la Villa. Cette fois, ce fut Mama Bayou qui répondit.

- Dîtes-nous, dit-elle d'une voix tendue.

- L'opération s'est bien passée. Elle est hors de danger ! exhala Lars en savourant ses mots.

- Dieu merci !

Des cris de joie et des soupirs de soulagement sortirent du téléphone, qui changea bientôt de main. La voix de Salvatore, un peu trop tremblante, remplaça celle de Mama.

- On peut lui parler ?

- Non, elle est encore en réanimation.

- Merci de l'avoir retrouvée. Merci infiniment.

- Je l'aurais cherchée jusqu'au fond de l'enfer. Bon...Je vous rappellerai.

Il raccrocha et se tourna vers Mikhaïl.

- Je fumerais bien une clope, pas vous ?

- Avec plaisir. Sortons.

Ils sortirent sur le parking et allumèrent chacun une cigarette. L'hôpital d'Iga était un grand bâtiment gris, avec un long fronton en briques rouges. Les abords de la ville où il se trouvait n'étaient pas beaux, partagés entre urbanisation et campagne, avec un impressionnant réseau de fils électriques. Lars inhala la fumée avec plaisir, et regarda vraiment le Russe pour la première fois. Grand et maigre, il devait avoir la cinquantaine, bien que son visage soit très ridé. Ses yeux étaient de ce bleu réservé aux Slaves, et ses cheveux grisâtres se dégarnissaient sur le sommet de son crâne.

- C'est quoi votre nom complet, en fait ? lui demanda Lars. Je ne connais que votre prénom.

- Mikhaïl Prokofiev.

- Comme le compositeur ?

- Non. Lui s'appelait Sergueï.

Lars rit de bon cœur. Il se sentait presque euphorique. Il tira une nouvelle bouffée.

- Vous étiez une sorte de loup solitaire, avant...

- Un free-lance, corrigea Mikhaïl.

- Alors pourquoi avoir choisi Astrid, à la place de Solovine ? Il était votre employeur, au début, et autrement plus respecté et puissant...

- C'est vrai. Mais quand j'ai vu Astrid pour la première fois, avec ses cheveux brillants, ses belles dents saines, ses rondeurs d'enfant bien nourri, je me suis dit : cette fille est la poule aux œufs d'or. Une gosse de riches. Elle me rapportera bien plus que Solovine.

- Donc, c'est pour l'argent ?

- Au début, oui. Je n'ai pas eu une enfance très reluisante, dans les caniveaux de Moscou...et puis...il y avait ma gamine, Maia. Sa mère est morte, et elle est atteinte d'une maladie très rare. Le seul traitement se trouvait aux États-Unis et coûtait une fortune...

La Villa Gialla : Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant