Rupture

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Quand je me réveille, Drew est déjà parti travailler. Il est à peine sept heure, mais il vient juste de commencer son service. Il ne doit pas être parti depuis plus d'une heure. Avec un soupir, je me lève, évitant d'enfouir mon visage dans son coussin comme à mon habitude. Je veux me faire violence. Je dois arrêter de me servir de lui comme ça. Il mérite quelqu'un qui puisse l'aimer autant qu'il m'aime. Malheureusement, je ne suis pas capable d'être cette personne. J'en ai trop peur. J'ai été capable d'aimer à ce point avant, mais ma mère nous a quitté, puis ce fut au tour de mon père d'être emporté par la violence de la vie. Et c'est à ce moment-là que mon cœur s'est muré dans la glace. En trop grande souffrance, il a arrêté de s'attacher aux gens. Tout sentiment d'amour se heurte maintenant à un mur de glace épaisse qui vient juste de commencer à fondre. Doucement. Très lentement. Pas assez vite pour garder Drew aussi égoïstement.

Dans la cuisine, après avoir pris une douche rapide, je prépare des pancakes aux myrtilles. J'avais juste l'intention de faire des œufs, mais j'ai trouvé la préparation dans le réfrigérateur et un sachet de myrtilles. Ça m'a rappelé les dimanches matin en famille, quand ma mère en préparait pour tout un régiment. Je préférais ceux aux pépites de chocolats, mais les myrtilles, c'est bien aussi. Retournant un pancake dans la poêle, j'entends Kyle se lever, sans doute attiré par la bonne odeur, et aller se préparer pour sa journée de cours. Je ne connais pas très bien son emploi du temps, et je ne pense pas être en position pour exiger de le connaitre, mais je sais qu'il commence seulement à neuf heure le mercredi, ce qui lui laisse encore une heure et quinze minutes pour manger et aller au lycée. Drew m'a confié que les notes de Kyle se sont nettement améliorées depuis qu'ils sont ici et que ses actes de délinquances sont inexistants depuis que je l'ai engagé de force au café. Enfin il ne sait toujours pas que c'était de force.

— Bonjour, dit une voix rocailleuse derrière moi.

Je me tourne pour voir Kyle fraîchement prêt mais le regard encore endormis. Je sais qu'il ne sera pas totalement réveillé avant d'avoir bu une tasse de café. Il se rapproche, les sourcils froncés, et renifle tout en inspectant ce que je prépare.

— Bonjour, rayon de soleil.

Il m'adresse une grimace, comme à son habitude et se penche au-dessus de la poêle. Parfois je me demande s'il n'a pas besoin de lunettes.

— Ce sont... des pancakes aux myrtilles ?

Son expression est passé de la méfiance au choc. Pas vraiment la réaction que j'attendais. Il me fixe de ses grands yeux verts, le visage moulé dans une expression difficile à identifier. Je crois bien que ses yeux commencent à se remplir de larmes.

— Ou... Oui... je... euh...

D'un seul coup, il me prend dans ses bras, son visage enfouit dans mon cou. Je ne sais pas s'il essaye de me broyer les côtes ou s'il est juste content. Je pose ma main qui ne tient pas la spatule, sur son dos et tapote doucement. Je ne sais pas trop comment réagir. Kyle n'a jamais montré de grands signes d'affection, que ce soit à mon égard ou envers Drew. Du moins, pas en ma présence. Alors qu'il me prenne comme ça dans ses bras, sans raison apparente, c'est très étonnant. Même perturbant. Et puis sans que je ne sache pourquoi, il se met à pleurer sur mon épaule. Ce grand garçon, rebelle et provocateur, se met à pleurer dans mes bras. Qu'est-ce que j'ai fais ?

Discrètement, je tends le bras pour poser ma spatule et éteindre le feu avant que le contenu de la poêle soit cramé. Je lui rends son étreinte, essayant de le réconforter, alors que mon cœur se serre dans ma poitrine. Nous restons ainsi un long moment, sans dire un mot, le silence coupé uniquement par quelques sanglots que je suis à deux doigts de partager avec Kyle si ça continu.

Tome2 : Un week-end à Las Vegas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant