Déni

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Ça fait deux jours que je n'ai pas de nouvelles de Drew. Je m'attendais un peu à ce qu'il vienne toquer à ma porte mercredi soir, ou à ce qu'il me téléphone. Mais il n'a rien fait. Il a visiblement tenu parole et a considéré mon départ comme définitif. Après avoir passé la nuit à pleurer, je suis allée travailler. Puis je suis rentrée chez moi et suis passée à autre chose. Enfin, j'ai essayé. Je suis allée chez Sophia pour terminer les étiquettes de tables, je ne comprends toujours pas pourquoi elle tient à faire cela elle-même alors que Jules lui a proposé une bonne centaine de fois de faire appel à une agence pour la décoration et l'organisation. J'ai passé la soirée à lui répéter que tout va bien entre moi et Drew, sachant qu'il ne serait jamais venu dire quoi que ce soit sur notre rupture à Jules ou encore moins à Sophia. Je me suis juste dis que le temps que je m'en remette, elle pourrait croire que je vais bien.

Il est clair que je ne peux berner personne en disant que deux jours plus tard, je suis passée à autre chose. Non, c'est évident. La journée de vendredi a été aussi nulle que la précédente bien que je sois devenue une experte dans le faux sourire serein. Personne ne m'a posé de question, ce qui est bon signe. J'arrive visiblement à cacher les cernes et le teint gris que me causent mes insomnies. Parce que étrangement, sachant que je ne vais plus jamais partager le lit de Drew, m'empêche de dormir. Comme quand vous allez en vacances et que vous ne pouvez pas dormir sans votre coussin, que vous avez oublié d'apporter. Sauf que... je n'ai jamais eu spécifiquement besoin de mon oreiller pour dormir. Oreiller que j'ai beau eu frapper hier soir et qui ne m'a pas permis de dormir, encore une fois.

Je ne sais plus quoi faire. C'est comme s'il m'avait jeté un sort ou plutôt une malédiction. Si je ne dors plus avec lui, je ne dormirais plus jamais. C'est ridicule, mais son maître vaudou est vraiment doué parce que ça fonctionne. Je ne sais pas s'il est dans le même état que moi, et si c'est le cas, je me jetterais bien dans son lit juste pour m'assurer que lui au moins à bien dormis. Parce que le savoir dans le même état que moi alors qu'il est flic, qu'il doit travailler avec des armes, qu'il est dans des situations dangereuses où il a besoin de sa concentration, ça me tord l'estomac. S'il n'arrive pas à dormir à cause de moi et qu'il lui arrive quelque chose, ça sera entièrement de ma faute. Que je parte ou que je reste, il n'y a finalement pas de bon choix possible. Mais en partant, je lui laisse la possibilité de trouver quelqu'un d'autre qui lui permettra de bien dormir. Si moi je continue avec mes insomnies, je finirais par prendre des médicaments, ou je finirais bien par tomber de sommeil.

En entrant dans le café ce matin, je ne cherche qu'une personne : Kyle. Il faut que je lui demande si son frère va bien, s'il dort, s'il est en forme, ou s'il est aussi pathétique que moi. Ne le trouvant pas dans la salle, je me rends dans la salle de pause d'un pas décidé. Il n'y est pas non plus. Il est peut-être en retard. Il faut dire qu'il ne l'a jamais été depuis qu'il travaille ici. Ce qui veut dire que quelque chose cloche.

— Tu as une petite mine, me dit Jenna en passant à côté de moi, transportant un plateau d'assiettes.

— Kyle n'est pas là ce matin ?

Elle s'arrête abruptement et pivote sur ses talons, les sourcils froncés.

— Il m'a demandé son weekend en me disant qu'il a un problème familial à régler à Detroit. Je pensais que tu serais au courant. A vrai dire, je m'attendais à ce que tu m'appelle pour me demander la même chose pour pouvoir les accompagner. Enfin je suppose que si c'est un problème familial, Drew est parti avec lui.

Je la regarde fixement un peu trop longtemps pour paraître innocente. Mais dans une minable tentative de m'en sortir, je souris et me frappe le front.

— Oui, c'est vrai ! C'est ce matin qu'ils sont partis. Avec les préparatifs du mariage de Sophia, je me perds un peu.

Elle n'y croit pas le moins du monde. Son regard est celui d'une mère qui sait très bien que son enfant lui ment et lui laisse quelques secondes pour changer d'avis et dire la vérité. Ce que je ne fais pas. Je libère un rire pathétique, fais un signe de la main, et m'en vais dans la salle de pause pour enfin retirer ma veste et enfiler mon tablier. Mon cœur a commencé à battre plus fort quand elle m'a dit que Kyle et Drew sont partis et bien que je sache que c'était prévu, je ne peux repousser ce sentiment d'abandon qui me tord l'estomac. Je suis ridicule. C'est moi qui suis partie. Et si je n'avais pas fait l'idiote, je serais avec eux en ce moment.

Tome2 : Un week-end à Las Vegas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant