Tome2 : Un week-end à Las Vegas

Sans cœur

Rien de tel qu'une chanson pour se défouler. En courant sur l'avenue, je me concentre sur le son, dans mes oreilles, foulant le bitume au rythme des tambours, des guitares électriques et des basses. Je mets de côté la ressemblance entre la voix du chanteur et celle de Drew, et pousse un rugissement alors que je cours comme une folle poursuivie par un tueur. J'ai déjà parcouru le double de la distance que je fais habituellement, et mes jambes demandent pitié, mais mon cœur est resté dans une boite fermée à clé dans ma chambre, tout comme mon bon sens, ma bonne humeur et ma raison. Les somnifères aident effectivement à dormir, ou plutôt à plonger dans un sommeil si profond que je n'ai pas l'impression d'être reposée. Quelle ironie. Je ne me souviens d'aucun rêve de mes trois dernières nuits de sommeil, les seules que j'ai eu depuis que j'ai quitté Drew. En un sens, c'est une bonne chose. Parce que je suis certaine que j'ai dû rêver de lui encore et encore jusqu'à en devenir inconsciemment folle. Ce doit être pour ça que ma raison à fuit elle aussi. Il ne me reste qu'un corps vide qui répond à ce que je lui dis sans faire d'histoire.

Je n'ai parlé à personne en dehors des clients du café, et Neil, depuis l'altercation avec Sophia. Oh, elle a bien essayé de me téléphoner, mais je dormais. Puis elle a essayé le lendemain et je n'ai tout simplement pas répondu. Elle a essayé, encore et encore, et je n'ai fait que rejeter ses appels tout comme ceux d'Elise. Je ne suis pas dupe, je sais que Sophia utilise le téléphone d'Elise pour m'inciter à répondre. Elle a fait de même avec le téléphone de Jules. Et je sais qu'il n'est rien arrivé de grave, sinon toute la ville en parlerait et Sophia serait capable de sortir de son lit d'hôpital, entièrement recouverte de plâtre, juste pour me botter les fesses. Donc non, je ne répondrais pas avant qu'ils ai tous accepté que j'ai quitté Drew pour son bien.

Et pas avant que moi, je ne m'en sois persuadée également. Je veux dire, je sais que c'est pour son bien que je l'ai fait, mais... ça reste quelque chose de difficile à accepter. S'il n'était pas parti, je pense que je serais déjà allée toquer à sa porte, dans un moment de faiblesse, pour lui demander de me reprendre. Le plus douloureux est de penser qu'il pourrait me claquer la porte au nez.

Non, le quitter n'est définitivement pas la bonne solution pour moi. Je peux entendre d'ici mon cœur crier sa souffrance depuis la cage qui le retient éloigner de tout ce qui me rappelle Drew. Dimanche, dans un élan de frustration, j'ai décidé de mettre toutes les affaires de Drew dans un carton, au final, j'en ai remplis deux. Je ne savais pas qu'il avait autant d'affaires chez moi. Quand exactement lui ai-je réservé toute une étagère dans ma salle de bain et dans mon armoire ? Je n'en ai pas la moindre idée. Ça a dû arriver sans que je ne le veuille, comme le reste.

Bon, d'accord, je dois arrêter de dire ça. Tout ça, je suis consciente maintenant que je l'ai voulu. Je le voulais... sans le vouloir. Mon cœur en mourait d'envie mais ma raison savait que c'était une mauvaise idée. Il semble malheureusement que mon corps a tendance à répondre plus facilement aux désirs de mon cœur, qu'aux ordres de ma raison. C'est pourquoi j'ai dû m'en séparer. De mon cœur qui me fait faire n'importe quoi et de ma raison qui ne fonctionne visiblement plus comme il faut. Parce que hier, je me suis retrouvée trois fois le doigt juste au-dessus du nom de Drew, m'apprêtant à l'appeler. Neil en a été témoin quand c'est arrivé pendant ma pause. Je ne l'avais même pas vu entrer, mais il était là depuis assez longtemps pour me voir hésiter et renoncer. 

— Tu n'es pas encore prête, il m'a simplement dit en s'installant à la table en face de moi. 

— Ce n'est pas facile. 

— Ce n'est jamais facile. Tu as pris une décision et crois-moi, si j'avais la moindre chance je te dirais que c'était la meilleure chose à faire et qu'il ne faut plus jamais que tu le contacte.