«-Chez Evan ? Le blond, plutôt canon ?»
Je levai les yeux au ciel, exaspérée. Ma tante revivait avec moi son adolescence et tenait absolument à me caser avec un des garçons du lycée, si bien qu'elle me demandait à chaque fois une photo de tous les garçons de ma classe et commentait sans jamais se lasser leur coupe de cheveux, leurs yeux... bref ! Elle établissait par la suite un classement en partant de celui qui, selon elle, répondrait mieux aux attentes que je m'étais fixées. Enfin, plutôt les attentes qu'elle s'était fixées, car je n'avais pas particulièrement envie de sortir avec des garçons...
«-Quoi ? ironisa ma tante. On ne va pas se cacher qu'il t'aime bien et que tu le...»
Je lui lançai un des oreillers du canapé sur son visage, afin qu'elle cesse de parler de ce sujet. D'habitude, cela ne me gênait pas vraiment qu'elle évoque ce sujet, au contraire, cela me faisait plutôt rire d'ailleurs, mais, aujourd'hui, je ne me sentais pas d'humeur à en parler.
C'était vrai que je pensais encore à cet étrange nouveau (dont le nom m'avait encore échappé), qui m'avait suivi lorsque j'avais quitté l'étude. Je vous explique. J'étais sortie de l'étude, à la fois soulagée de ne plus sentir son regard sur moi et contrariée de ne pas en savoir plus sur lui. C'était dans cet état d'esprit que j'avais pris la direction de l'arrêt de bus, situé à cinq minutes à pied du lycée (oui, je sais, c'est de la maltraitance de nous faire prendre le bus si loin du lycée. Mes pieds en sont traumatisés. Bref, passons). Perdue dans mes pensées, je marchais tranquillement en tentant de penser à tout, sauf à vous-savez-qui (ça fait un peu Voldemort, mais bon), quand j'avais entendu des bruits de pas derrière moi. Je m'étais retournée et j'étais tombée, pour la énième fois ce jour-là, face-à-face avec le nouveau qui me regardait (visiblement, regarder les gens avec un regard troublant sans rien dire, était sa spécialité). Il m'avait alors expliqué qu'il prenait le même bus que moi, ce qui était évident, étant donné que je l'avais vu monter dans le bus ce matin. Bref ! Du coup, on avait fait le chemin ensemble (vous ne vous rendez pas compte à quel point cinq minutes c'est long !). On avait cessé de se parler en arrivant dans le bus (si on peut appeler les vagues ça va ? et comment tu trouves le lycée ? des paroles) et il était rentré chez lui sans me lancer un regard, ce que j'avais d'abord pris mal, avant de me dire que j'étais idiote et que ce jeune homme n'était qu'un garçon de plus dans ce lycée.
«-Bien sûr que tu peux y aller, ma puce ! Je te recommande même de le faire, tu verras, ça va être...»
Devant mon regard presque déçu, le sourire de ma tante se figea et elle se tut. Elle me fit signe de m'asseoir sur le canapé à côté d'elle, ce que je fis, tout naturellement.
«-Que se passe-t-il ma puce ? Tu ne veux pas y aller ?»
Sa voix était douce, maternelle, et je ne pus m'empêcher de penser qu'elle aurait fait une bonne mère.
Ma tante était très indépendante. Elle n'avait jamais voulu avoir d'enfants, ni de mari, sous prétexte de rester "libre". Bien entendu, elle ne cessait de me répéter que ma venue avait été la plus belle chose qui lui était arrivée et qu'elle ne regrettait rien (mise à part la mort de sa sœur, bien évidemment).
Je réfléchis à ce que je pouvais lui répondre et décidai de ne pas lui parler du nouveau. Je devais effacer de ma mémoire ce regard tranchant et cette attitude solitaire. Et je ne voulais pas que ma tante n'entre dans ma vie privée, bien que j'estimais que ce garçon ne fasse pas vraiment partie de ce que j'appelais "vie privée".
«-Je ne sais pas si je vais y aller... je...»
Je commençai une phrase dans l'idée de terminer par un argument solide et constructif, mais je n'en trouvai aucun. Je n'avais aucune excuse pour ne pas y aller, si ce n'était que j'avais pas mal de devoirs, mais ce dernier ne tenait pas debout, car ma tante me poussait chaque week-end à sortir de la maison. D'après elle, je faisais trop de devoirs. Je devais être la seule fille au monde qu'il fallait arrêter, car elle faisait trop de devoirs.
VOUS LISEZ
T1 | S'il suffisait que je te le dise...
RomantikTOME 1 «Les rencontres sont comme le vent ; certaines vous effleurent la peau, d'autres vous renversent.» Orpheline, travailleuse, sérieuse. Ce sont sûrement les trois mots qui définissent le mieux Zélina Evans, une lycéenne de seize ans, traînant d...