«-Good night sweetheart, murmure la voix de mon père dans mon oreille.»
Je me laisse bercer par ses sonorités britanniques que j'aime tant. Un bisous sur mon front et mon père sort de ma chambre sur la pointe des pieds, comme pour ne pas déranger mes rêves à venir. Il est toujours comme cela, discret et accordant une place surdimensionnée aux rêves. Pour lui, nos rêves sont le reflet de notre réalité, il faut les prendre au sérieux.
Je me retourne dans mon lit et m'enfonce dans mon oreiller, un sourire aux lèvres. C'est encore un truc de mon père.
Si tu t'endors en souriant, le lendemain sera toujours meilleur, me dit-il souvent.
Soudain, alors que je suis prête à m'endormir, mon esprit engourdi par la fatigue perçoit des voix, dont une qui m'est inconnue. Je me redresse, l'esprit alerte, plus du tout fatiguée. Ma curiosité et mon insouciance de gosse me pousse à me lever, sans bruit.
Debout près de ma porte, j'analyse les voix, trop floues pour que j'en comprenne les paroles, qui surgissent du salon. Il y en a deux que je connais. Celle de ma mère et celle de mon père. Et puis, il y en a une autre, inconnue.
Je veux me rapprocher. J'ouvre ma porte, et, tel un agent infiltré, je longe le mur, le coeur battant, mais sentant cette sensation que l'on nomme adrénaline se répandre en moi. C'est quelque chose de très agréable. On a toujours l'impression d'être invincible et que rien ne peut nous arrêter. C'est en tout cas ce que je ressens à ce moment-là.
Je m'approche du salon le souffle court, en faisant bien attention à ne pas marcher sur la latte du couloir qui grince. Elle m'aurait trahie. Je poursuit mon chemin toujours aussi lentement et silencieusement. Finalement, j'atteins un endroit où je commence à percevoir les voix plus distinctement. Je m'arrête et me concentre sur ce qu'elles disent.
«-...deviens-tu ?»
La voix de mon père aux intonations britanniques retentit en première.
«-Oh, tu sais, pas grand chose. Toujours le même métier, toujours cette routine.»
Cette voix, je ne la connais pas. Elle est grave, mais à la fois envoûtante. C'est en tout cas la voix d'un homme.
«-Et toujours la même femme ?»
La voix suave de ma mère se veut gentille et cordiale. On a l'impression qu'elle apprécie l'homme avec qui elle parle. Je comprends alors qu'ils se connaissent. Tous les trois. Ils doivent être de bons amis pour se parler ainsi.
«-Oh oui, toujours. Je ne cesserai jamais de l'aimer.
-Et la demande en mariage ?
-Oh (l'homme commence toutes ses phrases par oh, c'est perturbant), tu sais, rien ne presse, j'ai toute la vie devant moi. Et puis je me sens bien comme ça.
-Tu as bien raison, approuve mon père.»
Soudain, par mégarde, je bute mon pied contre le mur, ce qui m'arrache un gémissement, que je tente de camoufler. Trop tard. J'entends des chaises grincer et quelqu'un vient en ma direction. Je n'ose pas bouger.
Mon père est bientôt sur moi. Il me relève et dit, sans se départir d'un calme glaçant :
«-What do you do here sweetheart ? You have to sleep. Tomorrow, you have school, I think.»
Je hoche la tête, soumise. Je demande quand même :
«-Qui est avec vous ?»
Mon père fait mine de pas comprendre. Je repose ma question, en anglais cette fois :
«-Who is with you ?»
Mon père sourit. Il aime quand je parle anglais. Il a toujours voulu que j'apprenne à parler anglais couramment, comme lui. C'est pour cela qu'il ne me parle quasiment qu'en anglais.
«-A friend. Now, go to bed, kid.»
Sa réponse vague ne me satisfait pas. Si c'est un ami, pourquoi n'ai-je pas le droit de le voir ?
Cependant, je me trouve dans l'obligation de lui obéir et je retourne me coucher, suivie de près par mon père, qui tient visiblement à me voir dormir. Il m'allonge et remet la couverture sur moi avant de me murmurer :
«-I've already told you that the curiosity killed the cat* , sweetheart.
-Yes I know daddy.»
Il m'embrasse et m'ordonne de m'endormir, ce que je fais.
Quelques minutes plus tard, je suis perdue dans mes rêves.
Au même moment, je me réveillai en sursaut. Par instinct, je jetai un coup d'œil à mon portable, pour voir l'heure. 4h35. Je pris ma tête entre mes mains en essayant de rassembler mes pensées.
Je suis absolument certaine de deux choses désormais : 1) je n'avais jamais (mais vraiment jamais) fait ce rêve auparavant, 2) l'homme qui parlait avec mes parents était le même homme qui me hantait depuis la soirée, cet homme qui prétendait me connaître, cet homme que mes parents me cachait, cet ami mystérieux...
Une troisième affirmation s'imposa à moi : il fallait que je rencontre cet homme.
~~~
*expression anglaise signifiant "la curiosité est un vilain défaut."
Un chapitre plus court aujourd'hui :)
A demain, pour la suite ^^
LetTheMagicHappen
VOUS LISEZ
T1 | S'il suffisait que je te le dise...
RomanceTOME 1 «Les rencontres sont comme le vent ; certaines vous effleurent la peau, d'autres vous renversent.» Orpheline, travailleuse, sérieuse. Ce sont sûrement les trois mots qui définissent le mieux Zélina Evans, une lycéenne de seize ans, traînant d...