•Chapitre 50• «Our lives don't cross again...»

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Mon réveil sonna. Je grommelai quelque chose d'inaudible que même-moi j'eus du mal à comprendre. Cela devait être quelque chose de la sorte "bordel de merde" ou un truc très poli dans ce genre. Je n'avais pas besoin de me lever du mauvais pied pour savoir qu'aujourd'hui serait un calvaire. Je le savais, cela se sentait à plein nez. Rien que le fait que le réveil sonne annonçait une journée peu comestible.

Malgré moi, je dus quand même me tirer de la tiédeur confortable de mon lit. Je rabattis sans grande conviction ma couverture et mis un pied sur mon parquet gelé. Afin de quitter cette soudaine froideur, je me jetai sous ma douche, dans l'espoir qu'elle permettrait aussi de me donner un peu de courage... En vain ! Je sortis de la douche, toujours aussi frigorifiée et avec une impression amère que quelque chose était planté dans mon coeur. La journée s'annonçait bien !

Ma tante fut heureuse de me voir descendre déjeuner. Je pensai qu'elle ne s'attendait pas à me voir debout un jour pareil. Moi-même, je ne savais pas pourquoi je le faisais. Après tout, j'aurais pu rester allongée une journée de plus, en contemplant mon plafond uniforme et en laissant passer le temps. J'étais persuadée que cela aurait été mieux pour moi. Je ne savais pas ce qui m'avait poussé il y a à peine une demi-heure à tirer sur cette couverture si chaude et réconfortante.

Pourtant, j'étais là, assise devant un petit-déjeuner qui ne me donnait pas envie avec la volonté d'aller me recoucher. Mais, je savais que je ne le ferai pas. La même chose qui m'avait poussé à me lever ce matin me maintenait hors de ma chambre. C'était viscéral et incontrôlable.

Après avoir difficilement avalé mon petit-déjeuner, je remontai dans ma chambre où je m'habillais rapidement sans vraiment faire attention à ce que je mettais. J'aurais pu sortir avec un t-shirt rose fushia trop petit et troué, je ne m'en serai pas rendue compte. J'attrapai mon sac de cours (que j'avais fait la veille) et redescendis. Ma tante m'attendait en bas, les bras croisés sur ma poitrine, le visage soucieux.

Afin de la rassurer dans mon choix, je lui lançai un sourire faux qu'elle accepta quand même. Elle me proposa même de m'accompagner en voiture jusqu'au lycée, mais je déclinai l'invitation, bien que cela m'aurait permis de retarder le moment où j'allais le revoir. Je frémis en y pensant.

Dehors, reprenant les bonnes habitudes, j'enfilai mes écouteur et lançai du Shawn Mendes (Elsa n'était pas là, il fallait bien combler le vide qu'elle laissait). Je marchai jusqu'à l'arrêt de bus, sans trop penser, les yeux rivés sur mes chaussures. Je n'avais pas envie de regarder autour de moi pour la simple et bonne raison que je n'en voyais pas l'intérêt. À l'arrêt, presque tout le monde attendait déjà. Comme à chaque rentrée, les élèves semblaient vouloir arriver en avance. Plus les vacances approchaient, plus ils décalaient leur temps d'arriver à l'arrêt de bus. La volonté déclinait.

Dans le bus, je pris ma place habituelle et fermai les yeux, fuyant le monde qui m'entourait. Sans pouvoir m'en empêcher, je comptai les arrêts qui défilaient à travers mes yeux clôts. Plus qu'un. Le bus freina. Les portes s'ouvrirent. Je déglutis.

J'eus beaucoup de mal à retenir cette volonté que j'avais d'ouvrir mes yeux. Non, ils resteraient fermés ! Plusieurs élèves passèrent à côté de moi. Je me mis à retenir mon souffle comme si ma vie en dépendait. Puis, il vint.

Je le reconnus par le courant d'air qu'avait fait son passage près de mon siège. Je ressentis son aura. Son aura si particulière et douce. Cette aura qui m'avait séduite. Je sentis invinciblement les larmes me monter aux yeux, surtout lorsqu'il marqua un petit temps de pause près de moi. À ce moment, mon coeur s'était serré. Il n'allait quand même pas oser s'installer à côté de moi ? Pas après tout ce qu'il avait fait ? Mais, non. Il était passé, il s'était arrêté, il était repartit, me laissant seule dans un désarroi désagréable.

Le reste du trajet parut durer une éternité, une éternité que je bénis silencieusement. Je ne voulais pas sortir de ce bus. Plus on approchait du lycée, plus mon malaise augmentait. Ma résignation première s'en allait progressivement. Qu'est-ce que je faisais là ?

Pourtant, il fallait bien que le trajet s'arrête, donc il s'arrêta. Je demeurai assise, attendant que les autres sortent. Quand enfin, je fus sûre que plus personne risquait de me lancer un regard en coin, j'ouvris les yeux et entrepris de descendre du bus.

Mais, à peine avais-je fait un pas dans l'allée centrale qu'une main se posa sur mon bras, me forçant à m'arrêter. Je savais de qui il s'agissait et j'imagine que vous le savez aussi. Pas besoin de vous faire un dessin. J'envisageai d'abord à fermer les yeux et à attendre que tout s'arrête, sa simple vision m'horrifiant, mais j'abandonnai cette idée en me disant que j'aurai l'air stupide. Je me contentai de garder mes yeux fixés sur mes chaussures.

«-Zélina...»

La façon dont il prononça mon nom me fit l'effet d'une décharge électrique. Je me dégageai brusquement de sa pression, je sautai hors du bus et m'éloignai, presque en courant.

Enfin arrivée au lycée, je montai directement en cours, dans l'idée de lui échapper le plus de temps possible. Lorsque je parvins devant la salle de maths, je me posai sur le sol, une forte envie de pleurer me rongeant. Mais, il fallait que je me retienne. D'autant plus que j'entendis des pas se rapprocher. Je ne voulais pas que quelqu'un me dévisage avec pitié. Pas une fois de plus.

Je fis mine de surfer sur mon téléphone, comme la plupart des jeunes le font, mais je n'avais personne à qui parler et aucun réseau social sur lesquels naviguer, je me contentai donc de faire tourner ma page d'accueil.

Cependant, la personne que j'avais entendue s'arrêta près de moi. Mon coeur s'arrêta brutalement. Allait-il me harceler toute la journée ? Je fis mine de ne pas l'avoir vu, mais je m'étais tant crispée que cela se sentait à plein nez que sa présence me gênait. Si bien qu'il finit par briser me silence pourtant si agréable qui nous entourait :

«-Ecoute Zéli, je...»

Je tiquai sur l'utilisation de mon surnom. De quel droit se l'appropriait-il ? Je me levai et, tant bien que mal, je lui fis face, en évitant ses yeux supplicateurs.

«-Je m'appelle Zélina Evans et pour toi, ça ne sera plus que Zélina Evans. Tu n'es plus rien pour moi, tu ne représentes plus rien. Je ne veux plus avoir affaire à toi. Je ne veux plus t'entendre me parler sauf en cas d'extrême urgence et, même dans ces cas, je ne veux plus entendre parler de quoi que ce soit nous concernant. Ma vie et la tienne ne se recroiseront plus jamais. En fin d'année, je prierai pour ne pas être dans ta classe l'année prochaine et, même si c'est le cas, on aura qu'à faire comme si on ne voulait pas se parler. Ensuite, on se quittera et on se reverra jamais. Jamais, tu m'as bien comprise ?»

J'avais été claire, mais je n'avais pas pu empêcher ma voix de vibrer sous l'émotion. Mon envie de pleurer était si imminente que je dus m'écarter de lui pour verser quelques pleurs. Je ne l'avais pas regardé. Je ne voulais pas savoir ce que mes mots lui avaient procuré. Je m'en fichais.

Je m'éloignai de lui et constatai avec soulagement que des élèves commençaient à monter en cours. Je repris peu à peu mes émotions et me mouchaient afin d'effacer toutes traces de pleurs. En passant, quelques camarades de classe me demandèrent la raison de mon absence, ce à quoi je répondis que j'avais été malade. Ils s'éloignèrent, sans rien demander de plus.

Après tout, cela n'était qu'un semi-mensonge. J'avais bel et bien été malade. Une maladie du coeur.

T1 | S'il suffisait que je te le dise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant