•Chapitre 44• «How can you do that to me ?...»

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Je parcourais habilement les allées, sans vraiment regarder où j'allais. La lumière électrique donnait à la salle un aspect jaunâtre et sale. J'avais mal à la tête à force de la tourner à toutes les étagères. Je n'étais même pas sûre que tout cela était des dossiers médicaux.

Au bout d'un moment, je finis par m'arrêter juste devant une grosse étiquette dorée qui indiquait un énorme et immanquable "J". Je devais être sur la bonne voie.

Ok, maintenant, essayons de trouver les "E". Je traversai l'allée, la tête en feu, en me répétant incessamment que j'étais en train de faire quelque chose de pas très catholique (je n'étais pas croyante, mais je m'en voulais quand même de réaliser une telle infraction). Cependant, une sorte de détermination intarissable avait pris possession de moi. Je n'allais pas renoncer. Je ne pouvais pas renoncer. Pas maintenant.

Alors que j'allais quitter cette allée, je me stoppai nette, comme frappée par la foudre. Je reculai de quelques pas et me penchai en avant, pour être sûre d'avoir bien vu. J'avais bien vu. Un des dossiers se situant dans l'allée portait le nom suivant : "Johnson". Je fronçai les sourcils et tendis une main vers le dossier.

Zélina, cela ne te regarde pas ! En plus, il y en a beaucoup des Johnson et...

Ma conscience fut stoppée nette lorsque je lus le nom complet situé sur le dossier.

NOM : JOHNSON

Prénom(s) : Lylian, Ethan

Date de naissance : 16 Août 2000

Et des Lylian Johnson né le 16 Août 2000, il y en a beaucoup dans le coin ?

Sans vraiment être en pleine possession de mes moyens, je saisis le dossier et tirai la première feuille qui dépassait. Je la parcourus des yeux, sentant invinciblement que j'étais en train de faire la plus grosse bêtise de toute ma vie. Plus je lisais, plus mon état d'alerte augmentait. Et pourtant, je ne cessai pas de lire.

Soudain, mon coeur s'arrêta littéralement de battre. Mon corps entier se figea. Seul mon esprit fonctionnait encore à plein régime. Je relus au moins cinq fois la phrase que je venais de lire. Non, ce n'était pas possible. Et pourtant c'était écrit. Noir sur blanc.

Je lâchai le dossier et m'effondrai sur le sol tandis que les extraits de ce que je venais de lire s'imprégnaient sur ma rétine.

"hospitalisé le 16 Août 2013"

Je ferme les yeux, focalisée sur ma musique. Je sens le malaise de mes parents se répandre dans la voiture. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ouvre à nouveau les yeux et jette un œil sur l'écran de mon téléphone : 16 Août 2013, 9h12.

"à la suite d'un accident de voiture"

Un crissement amer de pneus vient briser la monotonie de la route sans fin. Je sens mon corps partir en avant, malgré la ceinture de sécurité. La voiture, elle, tente de s'arrêter. Selon le principe d'inertie défini par Isaac Newton, la voiture, elle s'arrête, mais le corps, lui, poursuit son chemin, droit devant. La ceinture de sécurité se brise sous l'impact. J'entends des cris tellement atroces qu'ils ne s'effaceront jamais de ma mémoire. Je ne peux pas résister à la force qui s'exerce sur moi. Soudain, il y a un éclat de verre. Mon corps vole parmi d'innombrables débris sans couleur. Je comprends avec effroi que je viens de traverser le pare-brise de la voiture. Plus tard, les médecins diront que c'est cette chute qui me sauvera. Pour l'instant, je n'en suis pas convaincue. Je roule sur le bitume sans n'avoir aucun contrôle sur mon corps. Ma tête claque contre le macadam dans un bruit sec. J'entends toujours cette musique qui défile et qui continue d'avancer malgré tout. ♪On another love, another love, all my tears has been used up...♫ Je suis allongée sur le sol, tandis que la voiture continue son chemin. Je l'entends sortir de la route. Malgré mes paupières fermées, je vois quelque chose de vif et de lumineux apparaître. L'odeur âcre et amère me fait comprendre qu'il s'agit d'un feu. Je veux crier, mais je n'y parviens pas. Aucun son ne veut sortir de ma gorge. Je suis allongée dans un liquide suspect. L'odeur me prend à la gorge et je crois que je vomis. Je comprends enfin dans quoi je suis allongée, juste avant de sombrer. Je suis étendue dans mon propre sang...

"lieu de l'impact : route 74, à la sortie de Brindas, kilomètre 320"

Le panneau indique une sortie de village "Brindas". Je ferme les yeux, mais je peux sentir le malaise palpable de mes parents. Je n'ose pas leur demander ce qu'il s'est passé. J'aimerai vraiment, mais je sens que ce n'est pas le moment. On croise un autre panneau, celui de la limitation de vitesse "90", vitesse que mon père ne dépassera jamais. Ce panneau est surplombé par un deuxième, plus petit, indiquant le numéro de la route "74". Cette route ne semble jamais finir. D'ailleurs, nous ne la finirons jamais...

À deux doigts de vomir, je me levai, tremblant de tous mes membres. Aucune conclusion logique me parvint. Je n'arrivai pas à avoir des pensées saines. Hors de moi, je m'emparai du dossier et glissai la feuille sortie dans ma veste. Pour le reste, je le remis maladroitement en place et je déguerpis.

Je courus à travers les étagères de dossiers. Plusieurs fois, je manquai de tomber en m'en prenant une dans le visage, mais peu m'importait. Je voulais sortir d'ici. Sortir d'ici au plus vite. Comme me déplaçant dans un labyrinthe, je tournai au hasard parmi les murs de dossiers. Partout, j'avais l'impression de revoir écrit ce que j'avais lu. Le nom de Lylian se lisait partout.

Soudain, je fonçai dans une étagère et cognai brutalement ma tête contre l'un des bords. Une douleur suraigüe s'empara de moi, mais je n'y fis pas attention. Je devais sortir de cette pièce. Je continuai mon chemin en sentant progressivement mes forces s'amenuiser. Bordel, où était cette foutue porte ?

Je ne la trouvai pas. Une pensée s'insinua en moi : j'allais rester bloquer dans cette salle avec ce dossier maudit pendant tout le reste de ma vie. Ma respiration devint tout à coup saccadée. Je pressai une main contre ma poitrine, comme pour essayer de débloquer quelque chose qui n'allait pas. Mais cela ne faisait qu'empirer. Je ne parvenais plus à respirer.

Je voulais crier, mais aucun son ne sortit de ma gorge. La douleur de mon crâne me lancina violemment et je m'effondrai sur le sol. Des larmes de douleur et de colère se déversèrent sur mon visage, trempé de sueur. Mes yeux se fermaient automatiquement. Juste avant de m'évanouir, j'eus une dernière pensée. Lylian, comment avais-tu pu me faire cela ?

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Désolée pour ce chapitre un peu tardif (et plus court) :)

J'espère qu'il vous a plu, dîtes moi tout en commentaire ^^

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T1 | S'il suffisait que je te le dise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant